Le lucane

Lucane aussi appelé couramment "cerf-volant"

Lucane aussi appelé couramment “cerf-volant”

Je me souviens dans mon enfance, nous étions des garnements toujours prêts à parcourir prairies et forêts à la recherche d’un potentiel ennemi soit-il déguisé en indien ou simplement doté d’un chapeau de cow-boy.
Malgré notre affairement à la pacification de notre territoire, et quoique les adultes puissent penser de l’attention des enfants, nous n’en étions pas moins attentifs à la nature environnante. En fait, nous l’examinions à notre échelle et à notre hauteur. Plus celle-ci se présentait de façon minuscule, plus nous avions le sentiment de pouvoir la maîtriser. C’est ainsi, que nous dénichions près des châtaigniers, mais le plus souvent à proximité des gros chênes, cet insecte caparaçonné aux imposantes cornes que nous appelions “cerf-volant”. Le lucane ou Lucanus cervus de la famille des Lucanidae.

Dressé sur ses pattes en signe de défi.

Dressé sur ses pattes en signe de défi.

Des mandibules impressionnantes même pour un humain.

Des mandibules impressionnantes même pour un humain.

Parmi les valeureux guerriers que nous étions, il en fallait toujours un, plus courageux que les autres pour se saisir du monstre. Contrairement à ce que l’on croyait, le mâle avec ses grandes “défenses” pinçait beaucoup moins que la femelle avec ses mandibules très courtes et très puisantes. Mais, la plupart du temps, nous ne trouvions que des mâles que nous présentions face à face en nous réjouissant à l’avance d’un combat de “titans”. Après s’être précipités l’un vers l’autre, et saisis dans une étreinte brutale, arc-boutés tête contre tête, les deux guerriers s’immobilisaient subitement, mandibules entremêlées. Notre impatience était à son comble. Du bout d’une brindille, nous aiguillions l’un puis l’autre. Mais rien n’y faisait. Était-ce le besoin de reprendre des forces avant un nouvel assaut ou le temps nécessaire de mettre au point une stratégie de victoire. J’avoue n’avoir jamais vraiment compris selon quelles règles, définissant les combats, l’un des protagonistes abandonnait la partie. Lorsque nous trouvions une femelle, nous ne manquions pas de la mettre en présence d’un gros mâle. Mais, la plupart du temps, il ne se passait pas grand chose. La rencontre ne provoquait pas en nous l’excitation que nous procurait l’affrontements des mâles.

Des cornes de taureau et l'étreinte se resserre.

Des cornes de taureau et l’étreinte se resserre.

Une trompe ou une défense menaçante...

Une trompe ou une défense menaçante…

Je n’avais plus entrevu de lucane depuis ces moments de l’enfance. Et là, aujourd’hui, sous mes yeux, un magnifique spécimen se promène paisiblement sur une vieille bûche de chêne dans le jardin. Petit insecte courageux, l’approche de l’objectif photo le fait se dresser mandibules écartées dans un geste de défi. Je ne peux qu’admirer ce courage malgré l’aspect dérisoire de l’intimidation. Si je devais faire de l’anthropomorphisme, je miserais sur l’inconscience et la présomption de l’insecte. Mais, la nature même du lucane est tout simplement de défendre son territoire et de préserver son espèce. Précisément, l’espèce tend globalement à se raréfier et est désormais protégée. Elle fait même l’objet d’une enquête nationale depuis 2013. Sur son écorce, le temps de quelques photos, le cerf-volent est resté pétrifié. La séance terminée il a repris sa marche lente et saccadée pour disparaître enfin entre deux rondins. Les jours suivants, j’ai tenté vainement de le rencontrer à nouveau, mais il avait définitivement disparu.

Caparaçonné comme un monstre antédiluvien.

Caparaçonné comme un monstre antédiluvien.

Il s'en fut en père peinard.

Il s’en fut en père peinard.

Arbres de liberté.

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C’est avec quelque retard, que je mets en ligne les aquarelles du Cotentin réalisées cet été ainsi que les aquarelles toutes fraîches, peintes au mois de septembre dans le Vaucluse.

Les arbres font partie des principaux motifs que j’ai pu étudier ces trois derniers mois. J’ai particulièrement apprécié leurs différentes caractéristiques, qui font de chaque arbre un sujet unique, à l’égal des êtres humains. Je m’étais fixé une séance de trois heures de peinture par jour. Avec obligation de terminer chaque aquarelle dans la même séance. Objectif atteint pour le Cotentin et partiellement réussi dans le Vaucluse compte tenu de nombreuses diversions.
Le dessin d’un arbre, m’est toujours apparu comme une figure très difficile à rendre. On fait un tronc, les premières grosses branches, et puis ensuite, tout s’embrouille avec le feuillage. Les ramifications partent dans tous les sens. Il est toujours délicat d’en finir les extrémités qui vont se fondre dans le ciel.
Je vois très souvent des amateurs se lancer dans la peinture de paysages et buter sur l’expression des arbres. Ceux-ci sont souvent représentés de façon “maladroite, enfantine” car il n’y a pas eu de la part de l’artiste, de vécu, de réalité avec son sujet. L’arbre est un “personnage” à peindre pour lui-même. Et le saisir en vrai, sur le terrain, en plantant son chevalet sous son chapeau de verdure, c’est le vivre dans toute sa complexité.
En abandonnant la photo pour le pinceau, mon temps dédié à l’observation s’est rallongé considérablement. Ma relation avec le paysage et plus particulièrement avec les arbres, s’est développée jusqu’à entretenir avec certains sujets une relation amicale, familière, presque obsessionnelle. Certains arbres m’ont attiré bien plus que d’autres et je les ai peints sous différents angles sans me lasser. Normal, on devient vite intime avec quelqu’un que l’on côtoie de longues heures tout en partageant le même silence.

Virginie Jeanne, maroquinier.

01_virginie_07_14Virginie Jeanne est un petit bout de femme à l’air jovial, aux cheveux rouges (et oui, sa coiffeuse a un peu raté sa couleur me dit confie t’elle). Ne vous méprenez pas, malgré son allure de jeune fille, cette charmante jeune femme de 47 ans est la maman de 2 grands garçons de 19 et 21 ans.

Installée au calme dans la campagne Cotentinoise, tout près de Coutances, Virginie m’explique que depuis toujours elle aime le cuir. Elle a de qui tenir puisque son père anciencordonnier, bottier, maroquinier, patronnier et orthopédiste (ouf !) a fait naître sa passion dès le plus jeune âge. D’ailleurs aujourd’hui encore, ce papa lui rend visite de temps à autre dans son atelier. Viendrait-il s’assurer que sa fille met en œuvre ses bonnes recommandations ? À moins que la nostalgie de l’atelier, de ses odeurs de cuir, du bruit mécanique de la machine à coudre ou l’odeur de la colle ne soit encore très présente chez le vieil artisan.
Virginie Jeanne se consacre donc au travail du cuir en concevant et en réalisant des produits originaux. Sacs à main, porte-monnaie, objets de décoration, bijoux en cuir et tissus.
“— Mon produit phare c’est le cartable porte-monnaie. Tout est fait maison. Chaque produit est personnalisé. J’essaie toujours de mettre un petit truc en plus.”
La matière première du maroquinier, c’est le cuir bien sûr. Des peaux que Virginie va chercher directement dans les tanneries. En France, ces entreprises se font de plus en plus rares. Virginie revient justement d’une tannerie située à Toulouse d’où elle a ramené de la chevrette et de la vache. Elle recherche des cuirs au traitement très souvent particulier, ce qu’elle appelle des cuirs “hollé, hollé”. Des peaux aux couleurs actuelles, teintes pastel, à l’aspect moiré, argenté, doré, ou des surfaces frappées de motifs.
“— Je choisis toujours mes cuirs au toucher. Je caresse le cuir pour sentir le grain. Mais, c’est par le visuel que je fais ma première sélection. C’est avec les mains ensuite que je sens la qualité de la peau, ses défauts, sa souplesse. Il y a toujours des petits défauts. Je n’achète pas les grandes peaux que les maroquineries de luxe recherchent. Une peau qui a un petit défaut, je m’en arrange. À moi d’en tirer parti. Comme disait mon père :
“— tout ce qu’on ne peut pas cacher, on le montre.”
02_virginie_07_14Dans l’entrée de l’atelier, des peaux roulées, de toutes les couleurs rangées sur un présentoir, s’offrent au choix du futur client ou du visiteur curieux.
Dans l’atelier, trois belles machines à coudre occupent au moins la moitié de la pièce. Le reste est occupé par une grande table de travail où, dans des casiers de cuisine bien propres, sont rangés des outils patinés par des années d’utilisation.
“— Je me sers beaucoup des outils de mon père. Et puis, j’utilise tout ce que je trouve pour parvenir au résultat. La maroquinerie que je pratique, c’est aussi beaucoup de bricolage…de la débrouille.”
03_virginie_07_14 04_virginie_07_14Pour la démonstration, Virginie sort le patron d’un cartable porte-monnaie réalisé dans un plastique un peu rigide. À l’aide d’un crayon argent, elle trace à même le cuir la forme du modèle.  Des repères sont reportés sur la peau. Ils serviront ultérieurement à positionner la poignée par des rivets, le petit fermoir métallique…
05_virginie_07_14 La découpe se fait au chasse-peau sur une plaque de zinc.
“— Je n’utilise jamais le cutter pour découper mes peaux. Je préfère cet outil de mon père que je réaffute de temps en temps. La lame est plus rigide. Je risque moins pour les doigts. Quoiqu’il me soit déjà arrivé d’y laisser un peu de peau au passage.”
Des petits outils apparaissent au fur et à mesure de la découpe. Celui-ci pour arrondir les coins, celui-là en forme d’emporte-pièce pour découper d’un unique coup de maillet une languette parfaite.
08_virginie_07_14Suite à la découpe, le bord du cuir est passé à la flamme afin d’éliminer les petites peluches. Chaque bordure est ensuite teintée à l’aide d’une couleur liquide qui sent bon l’amande, comme les petits pots de colle blanche font ressortir les souvenirs de notre enfance. Aujourd’hui, ça sera du noir pour ce cuir rouge. Demain, selon l’humeur de Virginie et la peau choisie, ça sera peut-être blanc ou tout simplement laissé au naturel. Une obsession du travail bien fait jusque dans les moindres détails. Ces petits détails qu’un client attentif, ne manquera pas de remarquer.
Le montage des différentes pièces de cuir, sont collées avant d’être consolidées et enjolivées par la couture.
10_virginie_07_14
11_virginie_07_1412_virginie_07_14C’est sur la vieille machine à coudre Singer des années 30/40 que Virginie fait un essai afin de régler le pas de couture. Machine à coudre spéciale “cordonnier” avec un bras très long pour coudre les tiges des bottes et confectionner les chaussures. Cette Singer à haute performance, travaille avec une extrême précision et une grande finesse, à tel point qu’il est possible de coudre de la mousseline sans aucun problème. La hantise de l’artisan, c’est la casse d’une pièce. Les pièces de rechange sont désormais difficiles à trouver. Refaire des pièces par usinage reviendrait beaucoup trop cher, sans doute plus cher que la machine à coudre elle-même.
Après l’assemblage des pièces de cuir, il faut maintenant parachever les finitions. Pour faire un “tuck” (petit fermoir métallique), il faut 4 pièces. Virginie plonge la main dans la mallette à casiers ou généralement les bricoleurs rangent clous et vis.
14_virginie_07_14 15_virginie_07_14 16_virginie_07_14L’anse est rivetée sur le porte-monnaie. Avec la pince à monter, Virginie met en place la fermeture. Le cartable porte-monnaie est maintenant terminé.
Avec toutes ces manipulations, le cuir s’est un peu déformé (frisé aux coutures). Une bonne journée sous la presse lui redonnera toute sa forme originale.
Le petit cartable ira rejoindre les nombreux autres modèles déjà réalisés et prêts à la vente que l’artisan expose un peu partout dans le Cotentin.
17_virginie_07_14 18_virginie_07_14Avant de se quitter, Virginie me désigne une grande malle en bois ayant appartenu à son père. Avec précaution comme un coffre révélant quelque secret, elle me montre des patrons de chaussures (même un modèle de chaussures de clown), dessinés au dos de papiers de récupération, comme on le faisait autrefois pour économiser le beau papier. 19_virginie_07_14 20_virginie_07_14Elle plie et déplie les gabarits en papier jauni, caresse avec douceur les croquis annotés au stylo bleu. Toute la vie d’un homme se trouve là, consignée dans ce coffre en bois. C’est l’émouvant passage de témoin d’un artisan cordonnier à sa fille pour que vive encore longtemps le monde de la création, l’harmonie de l’intelligence de la main et de l’esprit.

Virginie Jeanne
Maroquinerie du Cotentin
Création, réparation, travail sur mesure
9 rue de Hotot
Saint-Georges-de-Bohon
50500 Terre-et-Marais
Normandie
France

Tel : 02 14 14 78 69
Tel : 06 67 28 32 40
Site commercial :
http://maroquineriecotentin.fr

 

 

 

 

 

Imprimerie Idem Paris

On m’a dit, “tu verras, l’atelier est exceptionnel, tout à fait dans l’esprit des entreprises du 19 ème siècle”. 

L’accès à l’imprimerie est pourtant bien banal. Il faut être averti et lever les yeux vers le ciel à l’entrée du passage pour remarquer un fronteau noir et lettres d’or qui signale “E. Dufrenoy. Imprimeur – Lithographe”. Le 49 rue du Montparnasse ne paie pas de mine, coincé entre deux crèperies, j’hésite presque. Est-ce bien là ce lieu mythique dont on m’a tant vanté l’atmosphère authentique. Au plus profond du porche, pas de sonnette, une simple porte en tôle peinte en vert. Une porte qui sonne comme un “gong” quand on la referme un peu trop vivement.

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La rumeur de la rue du Montparnasse disparaît soudainement. Je suis dans une petite cour intérieure. Quelques maigres plantes s’épanouissent sous la belle lumière d’une matinée ensoleillée. Une presse à bras semble en attente, des rames de papier sur des palettes, obstruent un peu le passage. Tout de suite le ton est donné et le caractère des lieux est fortement affirmé. Sur les murs, épinglées, de vieilles affiches finissent de se dégrader lentement à la lumière. En m’avançant de quelques pas, j’ai brusquement changé de siècle. Dans le petit couloir qui mène à l’atelier baigné de clarté, de grandes pierres lithographiques reposent sur le champ. Me voilà au cœur de la très célèbre imprimerie d’art Idem. C’est ici, que les plus grands artistes du monde entier se sont croisés et se donnent encore rendez-vous quand il s’agit de réaliser leurs éditions lithographiques.

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L’atelier a été construit en 1880 par Émile Dufrenoy qui y installa ses presses lithographiques. Le bâtiment de 1.400 m2 comprend au rez-de-chaussée, sous une verrière des Voirin et Marinoni (dont une Marinoni 120×160 cm acquise en 2013). Au 19 ème siècle, les presses étaient actionnées par un système de poulies et de courroies mues par un arbre de transmission. Une chaudère à vapeur alimentée au gaz, fournissait l’énergie nécessaire. Aujourd’hui encore, dans les hauteurs de l’atelier, d’anciennes poulies témoignent de cette dynamique à vapeur.
Les imprimeries Michard, spécialisées dans les cartes géographiques occupèrent ensuite les locaux à partir des années trente jusqu’aux années soixante-dix. La célèbre imprimerie Mourlot s’y installa en 1976. Fernand Mourlot annonça le renouveau de la lithographie et séduisit les plus grands maîtres de l’époque (Picasso, Matisse, Chagall, Miro, Braque, Giacommetti et tant d’autres…). Une grande effervescence créatrice devait imprégner le site. Bien des artistes du 20 ème siècle trouvèrent en ces lieux les hommes de métier qui surent, par la pierre et l’encre célébrer leurs œuvres. L’atelier de la rue du Montparnasse est le dernier que Dufrenoy ait occupé et où se trouvent les fameuses presses qui ont imprimé tous les chefs d’œuvre de la lithographie moderne. En 1997, l’imprimerie Mourlot, changera de nom et s’appellera désormais l’imprimerie Idem.

Les presses sont impressionnantes. Chacune est une harmonie faite d’un acier noirci par le temps, de pièces brillantes, lustrées par plus d’un siècle de manipulation. C’est un assemblage fantastique de rouages, de barres, de manivelles aux fonctions mystérieuses pour un néophyte. Ce sont des monstres d’acier qui grognent, remuent, s’animent soudainement et par à coup en propageant un souffle inhumain.

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On pourrait s’attendre à rencontrer de vieux messieurs aux binocles posés négligemment sur le bout du nez tant l’empreinte des siècles passés impose sa marque. Pas du tout ! La petite équipe de professionnels qui entoure la presse en action est particulièrement jeune. Les commandements sont clairs, les gestes précis. Ils sont au moins quatre aux petits soins de la machine et à l’écoute de l’artiste présent.
Il faut non seulement une grande compétence technique, mais aussi un “œil” artistique, le tout enrobé d’une bonne dose de patience et d’humilité, pour répondre parfois aux exigences des “auteurs”. Tout en faisant mes photos, je bavarde avec l’un, avec l’autre j’essaie d’en apprendre un peu sur ce métier et cette technique que je connais mal.

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La lithographie est un procédé d’impression à plat qui repose sur le principe de répulsion de l’eau et de la graisse. On dessine sur une pierre calcaire non poreuse à l’eau, à l’aide d’un crayon ou d’une encre grasse dite lithographique. Les parties non dessinées sont recouvertes d’une solution de gomme arabique légèrement diluée d’acide nitrique. On laisse agir jusqu’à ce que la pierre n’émette plus de bouillonnements, on essuie et on passe une solution de gomme neutre. La graisse du crayon lithographique et le calcaire se sont combinés, formant une pellicule très adhérente délimitant les zones imprimées. Les pores de la pierre s’ouvrent sous l’action de l’acide fixant la gomme neutre qui retiendra l’eau. Après avoir laissé reposer la pierre, on lave à l’eau l’excès de gomme et à l’essence l’excès de graisse, on laisse sécher. La pierre est alors mate dans les blancs gommés et brillante dans les gras. Pour faire les essais de tirage, on mouille la pierre, on encre le rouleau qu’on passe régulièrement sur la pierre. L’encre grasse se dépose sur les parties dessinées, grasses.

Lorsque le tirage d’une œuvre est terminé, la pierre est nettoyée et “égrenée” par un ponçage manuel comprenant un mélange d’eau et de quartz calibré. Il sera ensuite possible de créer un nouveau dessin sur la surface parfaitement lisse et de recommencer la procédure d’impression.

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Mais, l’atelier Idem ne se contente pas de marcher sur les terrains uniquement connus et balisés. Aujourd’hui, diverses techniques sont introduites dans l’atelier. Notamment une technique innovante sur matrice d’aluminium gravée au laser et imprimée en lithographie. C’est la technique de l’alugraphie (développée par Erwann Galivel, le responsable de l’atelier) qui est mise en œuvre ce matin pour un artiste issu de l’univers du “graff”. L’impression directe sur plaque d’aluminium semble poser problème… et le “bon à tirer” est loin d’être acquis pour l’instant. L’alugraphie, permet cependant de réaliser des tirages photographiques avec des encres lithographiques composées spécialement pour une œuvre. Huit passages et plus sont souvent nécessaires pour obtenir un résultat parfait.

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Sur les murs sont accrochés les grands tirages d’essais de David Lynch, fraîchement passé à l’atelier. Les pierres stockées contre les murs portent encore le graphisme d’une œuvre éphémère de JR. La liste des artistes qui vont et viennent ici est tout simplement incroyable. L’espace respire la liberté et la créativité que l’art à toujours su insufler partout ou il est présent. Je souhaite très sincèrement qu’un endroit comme celui-ci, aussi inspiré qu’inspirant puisse continuer à vivre dans l’avenir

Merci à toute la sympathique équipe (Patrice Forest, Erwann Galivel, Em-Khindelevert, Robin Marti, Patrick Pramil (bonne retraite), Mathilde Roussel, France Suzaine, Soukaloun Thoune…).
Merci à ceux avec lesquels j’ai pu échanger et à ceux que j’ai seulement croisés.

Imprimerie Idem Paris
49, rue du Montparnasse
75014 Paris.

Nouvelles aquarelles

De l'eau, de la couleur et des pinceaux.

De l’eau, de la couleur et des pinceaux.

Ces toutes dernières aquarelles, mélangent paysages du Morbihan et paysages du Cotentin. Je ne garantis pas l’exactitude des lieux. L’intention est de parvenir à représenter des espaces qui paraissent véridiques tout en y intégrant des éléments qui sont étrangers au lieu ou déplacés. La représentation figurative, n’est finalement pas synonyme de vérité. Chaque réalisation est donc construite en empruntant ici et là formes et couleurs pour finalement créer un univers dans lequel j’aime “voyager et me fondre”.

Aquarelles en Morbihan

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Les grands godets porcelaine Winsor & Newton, plus pratiques pour les grands formats.

Le Morbihan m’aura permis d’entrevoir et de m’essayer à l’aquarelle sur d’autres paysages que ceux de la région parisienne. Paysages aux ambiances mouvantes, changeant au rythme de l’avancée des nuages. Course contre la montre pour s’installer et remballer tout le matériel avant la prochaine averse. Calcul des heures de marée, qui influence la lumière, les couleurs et que l’on doit respecter sous peine de finir les pieds dans l’eau. “N’est-ce pas Élisabeth ?”.

En bord de mer ou dans la campagne, la tranquillité du peintre.

En bord de mer ou dans la campagne, la tranquillité du peintre.

L’aquarelle, c’est bien le jeu de l’eau…mais point trop n’en faut ! Je suis resté fidèle à mes gros godets procelaines et mes gros pinceaux. Un choix raisonné pour travailler sur des grands formats (50 x 60) sans trop tomber dans le détail. Le bilan est plutôt positif puisque je peux comptabiliser une douzaine de peintures sur deux semaines de travail. À renouveler donc.

Rememorare.

Pour tous ceux qui s’intéressent à mes dessins, je viens d’éditer sur Blurb un album de croquis et dessins de nus.

Je crois que la tâche la plus difficile qu’il m’ait été donnée de réaliser, consiste en la confection de cet album qui reprend une partie des dessins et croquis que j’ai pu éxécuter ces trois dernières années. Photographier, scanner, traiter, sélectionner, ordonner, voilà des actions qui réclament attention et minutie. Que garder, que mettre de côté ? Certains croquis sont pour moi, malgré les imperfections, des documents qui m’inspirent. Parfois trois traits à peine jetés, esquissés dans le mouvement, soumis à mon regard, me replongent dans l’acte même de la création.

Rememorare, comme s’il y avait une mémoire du geste et du plaisir. Enfin, le résultat de tout ce travail, est pour une bonne part rassemblé ici. Cet album ne contiendra pas les derniers dessins qui continuent d’abreuver mes carnets et mes cartons. Mais, trop point n’en faut. La mesure entre le juste et le trop est évidemment difficile à déterminer. J’espère avoir réussi par mes choix à susciter au moins un regard enthousiaste.

L’album comporte 114 pages couleur au format 13 x 20 cm. Si vous souhaitez l’acheter, Il est vendu 26€ par Blurb (prix coûtant, je ne prends aucune marge dessus). Mais vous pouvez me faire un grand plaisir en vous contentant de le consulter tout simplement.

06_rememorareEn cliquant sur l’illustration ci-contre, vous pourrez accéder directement à l’album. Pour visualiser toutes les pages, cliquez ensuite sur “Aperçu” puis faites défiler.
Les plus téméraires, trouveront le bouton pour agrandir l’album au format plein écran.

Bonne visite à mon exposition virtuelle.

 

 

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Jean-Pierre Honoré, bijoutier.

Savoillans, village médiéval au pied du Mont Ventoux.

Savoillans, village médiéval au pied du Mont Ventoux.

Savoillans est un petit village à la limite nord du Vaucluse. Bordé d’un côté par le bien nommé Toulourenc (tout ou rien), garni de l’autre par des collines boisées. Une grappe de maisons bien serrées les unes contre les autres bravent sous la lumière bleue du matin, l’imprévisible Mont Ventoux. La dureté du paysage, cache pourtant un passé qui a toujours connu l’implantation de l’homme depuis les temps les plus anciens. Une villa gallo-romaine mise à jour en 1978, a livré monnaies, poteries et fragments d’animaux. La roche Guérin à un jet de là, témoigne d’abris utilisés depuis la préhistoire jusqu’au moyen-âge.

L'imposante ferme Saint Agricol.

L’imposante ferme Saint Agricol.

La cour carrée intérieure.

La cour carrée intérieure.

Non loin du village dont les belles bâtisses datent du 17 ème siècle, sur un promontoire, la ferme Saint Agricol s’impose à la vue par son caractère fermé. Ancien couvent d’Ursulines, le bâtiment construit au 18 ème siècle prend la forme d’un quadrilatère percé sur une cour intérieure. Une partie de l’édifice est réservée à des appartements, tandis que les magnifiques salles voûtées sont aujourd’hui dédiées aux événements culturels et artistiques de la vallée. C’est là, au cœur de ce paysage “quasi religieux” que Jean-Pierre Honoré, “Bijoutier des Lavandes” a installé son atelier.

Jean-Pierre Honoré, bijoutier des lavandes.

Jean-Pierre Honoré, bijoutier des lavandes.

Sur la musique entraînante de Vivaldi, un homme plutôt petit et tout en rondeur me reçoit. Tout dans son physique inspire la bonhommie. Tout de suite, je l’imagine en personnage de film ou de dessin animé. L’accueil est chaleureux. Rien de mieux pour commencer à se connaître que d’échanger quelques mots avec un café en main. Il me raconte l’histoire de cette femme étonnée de constater que les mains de bijoutier s’ornaient le plus souvent d’ongles noirs, de coupures, de mains rugueuses s’accordant mal avec l’idée qu’elle se faisait du bijou fini. Effectivement, les mains de l’artisan ne sont pas ingénues et laiteuses comme on pourrait s’y attendre. Elles ont la mémoire du travail. De celui qui use et qui s’incruste dans les sillons de la peau. Sur l’établi muni de sa peau de cuir, pinces à feu, triboulets, pièce à main, forets et une multitude de petits outils (parfois empruntés à la dentisterie), constituent une sorte de magasin hétéroclite. Tous attendent de prendre vie sous la main experte de l’artiste bijoutier.

L'artisan dans son environnement de travail.

L’artisan dans son environnement de travail.

Les fameux os de seiches.

Les fameux os de seiches.

Jean-Pierre Honoré en passionné d’héraldique me montre comment réaliser un blason par la technique du moule en os de seiche. Une technique ancestrale depuis que l’homme a voulu pour la première fois transformer une pierre en métal ou plus précieusement en manipulant l’or. Pour l’heure, il découpe au bocfil l’os de seiche en un parallélépipède – plus ou moins régulier – et insère dans le cœur souple de l’animal pour marquer l’empreinte en creux, la maquette du blason qu’il souhaite travailler.

Pour fabriquer un moule, il faut réaliser un parallélépipède régulier.

Pour fabriquer un moule, il faut réaliser un parallélépipède régulier.

La maquette du blason est incrustée dans l'os de seiche.

La maquette du blason est incrustée dans l’os de seiche.

L'empreinte en creux du blason qui recevra l'étain fondu.

L’empreinte en creux du blason qui recevra l’étain fondu.

Quelques coups de scie latéraux sur l’os de seiche serviront à repositionner précisément les deux parties du moule. Sous le feu du chalumeau, la barre d’étain fond en grosses gouttes. Le métal liquide est versé rapidement avec précision dans le fragile moule par le trou de coulée. Quelques minutes suffiront au refroidissement du métal blanc.

Le moule attend le mélange d'étain.

Le moule attend le mélange d’étain.

Par le trou de coulée, l'étain se diffuse dans le moule.

Par le trou de coulée, l’étain se diffuse dans le moule.

Ouvert précautionneusement, le moule révèle le blason qu’il faut encore ébarber, affiner en supprimant les petits défauts de l’étain et en préciser le contour à l’aide du bocfil.

le bocfil permet d'ébarber, de retrouver avec précision la forme originale.

le bocfil permet d’ébarber, de retrouver avec précision la forme originale.

L’héraldique est une science et un langage. Communication des formes, des figures, des couleurs. Sur le métal, la symbolique des couleurs se traduit par un jeu de graphismes inscrit dans la matière même. L’azur, le vermillon, l’argent, l’or etc… ont leur correspondance en hachures verticales ou horizontales, en barres échiquetées, en losanges ou autres semis de points. Pour achever son blason, le bijoutier doit ici se transformer en véritable graveur dans le strict respect des codes de l’héraldique. Chaque effet de matière est exprimé par un travail minutieux au poinçon et à la fraise.

La transcription des couleurs par des effets graphiques.

La transcription des couleurs par des effets graphiques.

Le poinçon précise un trait, crée des hachures...

Le poinçon précise un trait, crée des hachures…

Jean-Pierre a mis ses gros yeux. Je dis “gros yeux” pour désigner le casque loupe qu’il pose sur sa tête un peu comme un heaume de chevalier. Il est vrai que le personnage est admiratif de l’épopée médiévale (l’héraldique aidant) et que, se déguiser en homme du moyen âge n’est pas pour lui déplaire. Cette fois, un dessin réalisé selon le nombre d’or lui a été confié afin de réaliser bague, pendentif et toutes sortes de déclinaisons possibles.

Un dessin tracé selon le nombre d'or.

Un dessin tracé selon le nombre d’or.

— Ça, me dit-il, c’est pour le Condor, le groupe musical de Jean-François Gérold ! Vous connaissez ?
J’avoue mon ignorance.
— C’est un groupe d’inspiration provençale et celtique, mais loin du folklore traditionnel. Il y a parfois jusqu’à 100 musiciens sur scène, c’est un vrai spectacle… carrément magique. C’est à voir et à entendre. Moi, j’aime beaucoup.

Sur ce, l’artisan bijoutier se saisit de la bague qui représente un condor toutes ailes déployées. Il me parle du nombre d’or, des dessins de Villard de Honnecourt, un architecte du XIIIème siècle, de culture fondée sur la tradition maçonnique. Je sens bien que tout cela suit un chemin initiatique et spirituel qui a un véritable sens. Médiévalité, héraldique, ésotérisme, franc maçonnerie, il y a sans doute là pour Jean-Pierre Honoré, dans son parcours une véritable quête.
— Voilà, ça c’est une pièce unique, une bague originale pour Jean-François Gérold.

La bague travaillée pour le Condor.

La bague travaillée pour le Condor.

Une pierre bleue, sertie, magnifiera le bijou.

Une pierre bleue, sertie, magnifiera le bijou.

Le bijou est superbe, aérien malgré sa forme complexe. Pour magnifier le métal doré, Jean-Pierre pose une petite pierre bleue dans les griffes du rapace. Il n’y a plus qu’a sertir ! Superbe ! C’est une touche de couleur qui donne immédiatement vie à la bague. J’imagine les reflets incisifs de la pierre sous les lasers de la scène.

Bijoutier des Lavandes, Jean-Pierre Honoré en homme passionné par sa région et son village, propose des journées à thème autour de Savoillans. Visite du village et de ses ruelles caladées, de la boulangerie au feu de bois, accompagnement sur le chemin botanique, visite d’une charbonnière etc…Outre ses talents de guide, il apprend même aux plus novices, comment transformer une pierre en métal avec un os de seiche, et surtout, comment réaliser à partir d’un brin de lavande, un bijou original et unique.

Être bijoutier à Savoillans, c'est avoir de multiples talents. Guide, démonstrateur, formateur, animateur...

Être bijoutier à Savoillans, c’est avoir de multiples talents. Guide, démonstrateur, formateur, animateur…

Un brin de lavande plongé dans un mélange de plâtre, fera un moule original.

Un brin de lavande plongé dans un mélange de plâtre, fera un moule original.

L'étain fondu remplacera la forme du brin de lavande.

L’étain fondu remplacera la forme du brin de lavande.

Un petit bijou fantaisie original, réalisable par tous...même par des enfants.

Un petit bijou fantaisie original, réalisable par tous…même par des enfants.

Chacun repart, une fois son “œuvre” réalisée avec un magnifique diplôme de “maître bijoutier”. Vraiment la visite de l’atelier de Jean-Pierre Honoré, s’impose pour découvrir des bijoux qui sont des pièces uniques réalisées à partir de fleurs de lavande.  Et vous pourrez vivre, tout comme j’ai pu les vivre de bons moments de découverte dans les salles voûtées, chargées d’histoire de la ferme Saint Agricol.

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Jean-Pierre Honoré
Le Bijoutier des Lavandes
Ferme Saint Agricol
84390 Savoillans
Tel. : 04 75 28 68 03
Mob. : 06.65.59.45.37

Jean-Pierre Henninger, forgeron.

le petit village perché de Brantes dans la vallée du Toulourenc (Vaucluse)

le petit village perché de Brantes dans la vallée du Toulourenc (Vaucluse)

C’était en début d’après-midi, juste un peu avant le réveillon du premier de l’an. Le rendez-vous est pris pour le 2 janvier.
“À jeudi donc, comme ça, on se fera la bise pour la nouvelle année. Je mets un mot sur la porte du frigidaire”.
La voix est enjouée, le ton humoristique. L’accent n’est pas “chantant” comme celui de la région. Malgré tout,  je sens tout de suite à travers le combiné téléphonique, quelqu’un de chaleureux et d’ouvert. J’avais entraperçu le gaillard à la carrure de lutteur quelques jours auparavant. Et ce matin, sous un ciel humide je suis là, devant une superbe porte en chêne ornée de ferrures noires. Jean-Pierre Henninger, forgeron à Brantes (Vaucluse), m’attend tout en préparant le poèle à bois.

Un coup de chalumeau pour allumer le poêle et la forge.

Un coup de chalumeau pour allumer le poêle et la forge.

Le feu est bien vite allumé avec le poste à soudure. Tout en me racontant un peu son parcours et son arrivée il y a quarante ans au village, l’homme s’affaire autour de la forge muette et encore froide. Quelques pelletées de lignite rassemblées autour d’un foyer creusé dans la brique réfractaire et bientôt, la forge s’anime, le feu se met à danser droit dans l’air. Pendant une heure, nous nous retrouvons dans le même temps, celui d’avant, celui de notre jeunesse. Études d’arts appliqués pour l’un, les arts déco pour l’autre, une passion partagée pour la bande dessinée, les cheveux longs et “peace and love”. Je m’attarde un peu du regard sur les murs de la forge. Ici, ils sont chargés d’outils portant les signes d’une longue vie, là, impeccablement rangées, des boîtes doivent contenir des “préciosités”. Des barres d’acier posées debout contre un mur semblent attendre les halebardiers. Il y a beaucoup d’ordre dans tout cet étalage d’acier. Normal pour un “alsacien” me lance Jean-Pierre Henninger avec un sourire de connivence.

Un atelier au rangement très "alsacien" paraît-il...

Un atelier au rangement très “alsacien” paraît-il…

Le forgeron prépare son travail pour la matinée. Il mesure, marque le fer d’un coup de pointeau l’endroit précis où tout à l’heure il perforera à cœur la barre d’acier. La pièce à forger est plongée dans la flamme vivante. Noir, brun, rouge, le métal se pare des couleurs du feu, se fond dans une gamme chatoyante. Au rouge sombre, un coup de ciseau à froid entame le métal d’une entaille profonde pour marquer l’emplacement du futur trou forgé. À sa plus haute température, l’acier devenu blanc perd toute sa rigidité. À la limite de la fusion, l’acier maléable s’ouvre, se tord telle la guimauve. De quelques coups de massette bien ajustés le ciseau transperce la barre. Les bélugues fusent alentour sur le tas de la forge. Le métal torturé, gonflé par le feu est rectifié, réaligné par l’œil expert de l’artisan.

Pointeau pour marquer l'acier

L’acier est marqué à l’aide d’un pointeau.

Un coup de pointeau marque l'acier.

La marque ne disparaîtra pas une fois la barre mise au feu.

La barre d'acier est mise au feu pour être travaillée.

La barre d’acier est mise au feu pour être travaillée.

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Quelques coups bien ajustés pour ouvrir la barre de métal.

Les bélugues fusent.

Les bélugues fusent.

Le ciseau à froid a transpercé l'acier.

Le ciseau à froid a transpercé l’acier.

Entre chaque ouvrage ou opération, nous discutons de tout et de rien. De ce métier de forgeron que personne sans doute ne reprendra. Une perte pour le village. C’est un savoir ancestral qui disparaît chaque jour un peu partout dans notre société trop industrialisée. La forge avec son feu est aussi un peu un cœur qui bat. Le martellement de l’acier résonne dans les ruelles en contrebas du village. On se dit : “tiens, Jean-Pierre est à sa forge !”. Le voisin passe avec ses courses encore sous le bras histoire de dire bonjour. Les deux amis échangent quelques nouvelles là, bien au chaud devant le feu, en ce mois de janvier. La neige n’est pas loin. Juste en face sur le versant nord du Ventoux, à quelques jets de pierres. Un photographe est monté ce matin par les pentes ravinées en espérant saisir quelques mouflons à travers son téléobjectif.

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En quelques coups, le pilon écrase la barre d’acier.

Une nouvelle pièce d’acier est mise au feu. Jean-Pierre ramène un peu le lignite au plus près de la barre à ouvrager. Quand l’acier a atteint sa couleur, il saisit la barre brûlante aidé de son gant au pouce maintes fois consolidé. Le métal docile, s’écrase au rythme cadencé et monotone du pilon. “Pong ! Pong ! Pong !”. En quelques coups, la barre carrée se transforme en une sorte d’épée à la lame grossière. Plusieurs tonnes pèsent sur l’acier aminci, affiné peu à peu, forgé pour réaliser le départ d’une volute sur le faux rouleau.

La réalisation d'une volute.

La réalisation d’une volute.

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La pièce est remise au feu de nombreuses fois.

J’admire la beauté des innombrables outils dont l’acier poli, renvoie l’éclat de la lumière du jour. Jean-Pierre me montre des pinces de forge :
“— Celles-là, je les ai forgées moi-même. De toute façon, les formes, les outils, il faut se les fabriquer dans la plupart des cas. Voilà, ça c’est un marteau avec un manche en cornouiller que j’ai fabriqué en 1960…et je l’ai toujours. Même le manche est d’origine.”

Je suis admiratif.

L’étau de forge est superbe. L’outil est non seulement fonctionnel, mais aussi ouvragé. Son embase dessine un cœur que transpercent trois boulons d’acier. L’ensemble est solidement ancré dans le sol en béton. Rejetés dans l’encadrement d’une fenêtre, quelques mécanismes d’horlogerie poussiéreux, ont servi de modèle à la réalisation d’une rotissoire.   Le temps semble s’être arrêté et pourtant il défile bel et bien. L’artisan a coupé la soufflerie de sa forge et déposé son ouvrage encore rouge sur le sol. Il est l’heure du déjeûner. L’acier refroidira tranquillement pendant ce temps. Pour l’instant, un petit “kir” nous fera le plus grand bien et je sais déjà de nous deux qui le mérite le plus. Merci à Jean-Pierre Henninger pour son accueil, ses explications, sa patience face à un insatiable curieux. Que vive longtemps pour notre plus grand bonheur, l’harmonie intelligente de la main et de l’esprit.12_jp-henninger_01_2014 13_jp-henninger_01_2014

L'outil de forge.

Le superbe étau de forge.

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Certains outils ont été forgés par Jean-Pierre Henninger.

De vieux mécanismes d'horlogerie sont figés par le temps.

De vieux mécanismes d’horlogerie sont figés par le temps.

Il faut laisser l'ouvrage refroidir.

Il faut laisser l’ouvrage refroidir.

Jean-Pierre Henninger, un sacré "bonhomme" au parcours étonnant.

Jean-Pierre Henninger, un sacré “bonhomme” au parcours étonnant.

Jean-Pierre Henninger
Forgeron
84390 Brantes
Tel. : 04.75.28.07.40

C’est quand la fête !

Père Noël, ou es-tu ?

Père Noël, ou es-tu ?

Je me demande parfois si les journalistes ne sont pas payés par les marques de l’industrie du commerce et de l’alimentation. Il faut voir combien de reportages on doit subir en ce moment sur les montagnes de foie gras, les tonnes de chocolat, les magasins débordant de jouets “en plastique made in china”. Combien d’interviews de soi disant “chefs cuisiniers” qui ont tous leurs bonnes recettes pour préparer le chapon, faire cuire les queues de langouste ou monter une mayonnaise onctueuse. Et vous n’avez sûrement pas raté le “chef patissier” qui vous bassine avec sa bûche de Noël bien grasse au chocolat et noisettes. Gavé ! Je suis déjà gavé par toutes les images qui dégoulinent sans arrêt de mon écran plasma. Les chiffres d’affaires défilent, en millions d’euros de marchandises. Les gens courent de magasins en magasins, en tous sens comme des robots aveugles, les caddies débordants. Sur les ondes, impossible d’éviter les magazines consacrés à la “bonne bouffe” avec les produits du terroir. Surtout quand on sait que la plupart des bons produits du terroir proviennent bien souvent de pays étrangers. Enfin, vous l’aurez compris, je suis écœuré et chaque année, ça devient de plus en plus insupportable. Sans doute suis-je en train de vieillir et ce monde de la consommation me paraît de plus en plus éloigné de mes préoccupations. Il faudra tout de même que je m’interroge : “suis-je en train de devenir un vieux con!”.

En attendant, je vous souhaite ce que je n’entends et ne vois nulle part en ce moment et qui ne se monnaie pas… de l’amour, de l’amitié, de la tendresse, de la tolérance. C’est tout ! Et c’est tout. À bientôt.