Moins égale plus ?

En peinture la palette couleur désigne tout autant le support sur lequel on pose ses couleurs que l’ensemble des couleurs qui vont être utilisées tout au long d’une réalisation. Certaines palettes de peintres célèbres nous sont parvenues intactes et portent encore la matière couleur utilisée par l’artiste à l’époque. Ainsi, il a été possible, en analysant d’une part leurs œuvres et d’autre part leur palette, d’établir leurs préférences en terme de couleurs. On connait la palette couleur prédominante de Georges Seurat, de Vincent Van Gogh, Du Greco, de Chardin, de Renoir et de bien d’autres. Je ne ferai pas la liste exhaustive des couleurs utilisées, mais on retrouve toujours une base commune à tous. Cette connaissance à elle seule, ne suffit pas à comprendre le talent de ces artistes.

La technologique numérique, télévision (et autres) nous offre de magnifiques images aux couleurs sublimes et on s’émerveille devant des écrans qui restituent avec fidélité des millions de nuances. Pourtant, le procédé que l’on appelle “synthèse additive”, ne fait que combiner 3 couleurs de base. Un rouge, un vert et un bleu. Ces couleurs combinées, produisent le blanc alors que le noir est obtenu par l’absence de totale de lumière.

Le principe des 3 couleurs primaires “synthèse soustractive” peut être utilisé en peinture. Mais les 3 couleurs de base sont légèrement différentes (rouge cyan, bleu cyan et jaune) puisqu’on utilise de la matière pigmentée opaque. Le blanc ne peut être réalisé par la lumière comme dans le principe additif. Il doit être  signifié soit par le blanc du support soit par l’addition de matière blanche. Ainsi, avec ces couleurs de base, il serait possible de reproduire “toutes” les nuances colorimétriques possibles.

J’ai tenté cette expérience avec un set de gouaches sur cette peinture de visage. J’ai eu besoin de mixer certaines combinaisons de couleurs avec du blanc pour obtenir des nuances plus variées, plus ou moins claires. La difficulté que j’ai rencontrée avec la gouache, c’est qu’il arrive un moment où, contrairement à l’huile, on ne peut plus poser une couleur sur une autre sans diluer l’existante. Parvenir à une certaine matière, épaisseur de peinture est relativement difficile. Les repentirs sont délicats. Le blanc pur est obtenu non pas par addition de couleur mais en réservant le blanc du papier.

Sur le portrait ci-dessous, j’ai ajouté le noir à ma palette de gouaches afin d’obtenir des zones d’ombres plus fortes. Le mélange des 3 couleurs de base produisent un brun qui ne me satisfaisait pas.

Autre expéreince très intéresante surtout pour les portraits. J’ai choisi pour la peinture à l’huile ci-dessous de travailler avec une palette encore plus limitée et notamment en utilisant la palette couleur qu’utilisait Anders Zorn pour les portraits (peintre suédois de la fin du XIXème siècle). Cette gamme couleurs se compose ainsi, rouge cadmium clair, ocre jaune, noir d’ivoire et blanc titane. Il est facile de voir que cette palette ressemble à une gamme primaire légèrement modifiée mis à part le fait que le bleu est totalement absent. 

Le nuancier révèle une palette de couleurs plutôt douces avec des tons sourds et veloutés. Dans ce portrait, l’absence de bleu dans la palette de base pour réaliser la couleur des yeux est un gros problème. J’ai essayé de traiter le bleu de l’iris avec du brun puis avec du gris mais je n’ai jamais réussi à rendre la justesse du regard. La petite histoire voudrait que dans l’atelier d’Anders Zorn on ait trouvé un certain nombre de tubes de bleu de cobalt. Il suffit de regarder quelques unes de ses toiles pour se rendre compte qu’il utilisait bien du bleu selon les sujets.

Alors, quel bénéfice retirer de l’utilisation de palettes aux couleurs limitées. Avant tout, on découvre et on apprend par mélange les nombreuses possibilités de la couleur. On exerce son œil. On peut aussi se poser la question du nombre de tubes que l’on stocke dans sa boîte. Quelles sont les couleurs qui nous sont vraiment utiles ? À quoi sert un tube de couleur chair alors que la carnation change selon la personne, la lumière etc…On se pose moins de question quant à la couleur à choisir, on va plus directement au but. Il existe aussi des avantages qui ne sont pas négligeables, comme une économie financière et pour ceux qui peignent dehors, moins de couleurs égale aussi moins de poids à transporter. Les couleurs adjacentes issues du mélange des couleurs de base, ont toutes une source commune et en se répondant les unes les autres, produisent un résultat plus harmonieux. Il ne faut pas occulter les inconvénients, les nombreux mélanges nécessaires pour créer la couleur que l’on souhaite, et de ce fait parfois une grande perte de temps ainsi que l’absence de certaines couleurs “toutes prêtes” qui sont originales et techniquement impossible à composer à partir des couleurs de base.

3 réflexions sur « Moins égale plus ? »

  1. Toujours instructif et récréatif de te lire ! Merci à toi de transmettre ces expériences.

  2. Toujours interressant et agréable de te lire. Pour les palettes comme dans pas mal d’autres domaines, la simplicité de moyens est difficile à obtenir mais intellectuellement et économiquement positive

  3. L’alchimie du peintre… Article intéressant, et je n’y connais rien en peinture.
    J’aurais aimé photographier toutes ces palettes.

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