Le printemps déjà !

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La canicule de cet été a brûlé tous les arbres du parc et leurs feuilles sont au sol en couche épaisse comme en automne. Pourtant en quelques jours, et aujourd’hui 12 septembre 2022 dans le Morbihan, pommiers et poiriers sont en fleur comme au début du printemps. Que nous annonce donc ce chamboulement de saison pour cet hiver. La nature est tellement perturbée que les plantes ne savent plus quelle attitude adopter…un peu comme nous en quelque sorte !

Merci

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Oui, merci à toutes celles et à tous ceux qui par fidélité ou simple intérêt suivent mon blog. Amis forcément indulgents, inconnus simplement abonnés, silencieux mais bien présents (et qui ne m’adresseront sans doute jamais le moindre commentaire), j’apprécie votre présence à tous qui ensoleille mes journées et rejette au loin l’indifférence. À l’instar de cette petite goutte de rosée qui s’accroche à son fragile support et qui n’existera plus demain, les relations virtuelles sont fragiles et peuvent être éphémères. Même si elles ne sont pas parfaites, “moins bien est mieux que rien”. Merci de rester éveillés tous ensembles, curieux et à l’écoute des autres. Il est dit que l’art est un petit radeau contre la bêtise. Souhaitons que cet art soit surtout un gage de paix et d’intelligence entre les individus et les peuples.
Serge San Juan.

L’ombre

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Chaque soir, me couchant et fermant les yeux, je me demande à quel moment il va me rejoindre et perturber mon sommeil. Il apparaît sournoisement dans ma nuit et aucun signe, aucun acte particulier dans ma journée ne saurait provoquer ou prévenir son arrivée. Lui, c’est l’être de l’ombre, celui qui me visite de façon improbable, qui tente de me happer et de m’entraîner dans son antre profonde et froide. Dans mon repos silencieux, il glisse sur mes rêves, il avance prudemment mais irrémédiablement se rapproche monstrueux. Je sens son haleine humide, l’odeur de moisi et de poussière de ses effets recouvrant son corps hideux.

Quel long voyage a t’il parcouru et pendant combien de siècles a t’il survolé les nuits des hommes, tourmentant leurs songes, transformant leurs espoirs en cauchemars. Pour l’instant je suis plongé dans un abîme de bitume. Des amis sans nom et sans visage me précèdent. Ils avancent doucement sur une pente vers une pièce au loin, très éclairée. J’ai beau me dépêcher pour les rejoindre, chaque pas que je fais me retarde sur leur avancée. J’avance tout en reculant. Devenus silhouettes dans la lumière, ils referment doucement une porte dont le filet de lumière se projette dans l’espace charbonneux. La lame étincelante perd peu à peu de son intensité. Dans un claquement sec de pêne, la porte se referme et m’emmure dans le néant. Alors, il s’approche. Je le devine naître doucement des ténèbres. Il ne bouge presque pas, se mouvant comme le brouillard coule dans une vallée, oppressant et figeant chaque chose et chaque être. Je ressens pourtant la force de son désir. Il me veut. Il est là pour moi.

Et les autres là-bas qui ne remarquent pas mon absence. Je les appelle doucement de peur de déclencher la fureur du monstre. Et rien ne se passe. Je crie de plus en plus fort, jusqu’à hurler alors toute mon épouvante. Je vois de mes propres yeux, ma bouche béante articuler jusqu’à la distorsion toute ma souffrance ressentie. Mais, aucun son ne parvient à mes oreilles. J’étouffe dans des sanglots d’impuissance ! Le monstre se rapproche, ses membres gainés de suie me frôlent comme un avertissement. Il va me saisir, m’envelopper dans sa gangue noire, me transformer en exuvie qui contraindra mes os. De toute ma puissance, dans une douleur ultime, j’expulse mon dernier cri !
On me pousse on me secoue, j’entends parler, comme dans un ailleurs. Du bruit, soudain une lumière s’allume puis s’éteint ; et je me rendors !
Le monstre de la nuit s’est évanoui je le sais, mais il en rôde toujours un autre quelque part de l’aube au crépuscule qui me suit pas à pas. Je ne suis jamais sûr de ne pas le voir réapparaître dès que je baisse la garde. Il est partout, tout le temps depuis tous les temps.
Et hier, je l’ai encore vu !

Vieux cœur

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La maison dort sous les gouttes. Mélody Gardot me chuchote des mots d’amour si doux. De son gros ventre, une contrebasse expulse en vibrant ses notes suaves. Au grenier une rafale s’infiltre par une ouverture. Surprise, la charpente craque. De gros nuages aux nuances subtiles de l’acier, comme dans un cadre mouvant, défilent par delà les toits. À l’intérieur un mince filet d’air se faufile et fait trembler un voilage, vaciller une flamme. Une goutte sur l’aluminium de l’évier chronomètre le temps qui passe. Inexorable. Le fumet de mon thé noir envahit la pièce et laisse échapper un subtil parfum d’orange. Le jour se lève doucement. Dans la pâleur du petit matin, les chaudes lumières perdent conscience. Le bleu revient combler l’espace de la nuit. La maison commence à s’animer et les tendres pensées des enfants, à jamais gravées, emplissent de leur innocente affection mon cœur vieillissant.

La France libérée

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Depuis plusieurs jours, on n’entendait parler que de liberté à venir pour les français. Nous étions en guerre et je l’avais oublié. La voilà donc cette liberté vendue à grand renfort de communication, d’émissions aux invités tous conviés à afficher leur meilleur optimisme quitte à ce que tout cela paraisse surjoué. Il faut faire repartir l’activité économique et aussi celle des esprits, nourrir le ventre comme le cerveau. Aujourd’hui, mieux que la libération de la France en 1945, il nous faut être joyeux. Allons donc, un peu d’entrain, chassons les esprits chagrins de notre voisinage. Tous sur le pont pour faire la fête. C’est le bonheur qu’on vous dit ! Souriez ! Ah oui, le masque…c’est vrai, ça gâche un peu quand même. Aujourd’hui, pour les français il ne se passe plus rien dans le monde. Les roquettes ne frappent plus, les bombes se posent dans un nuage ouaté, les gens ne meurent plus de faim ou de leurs idées, les dictatures repeignent leur étendards aux couleurs de la gay pride, les noirs ne servent plus de cible…Aujourd’hui le monde est bon. Sur toutes les ondes, sur tous les papiers, sur tous les réseaux, on n’a de mots que pour célébrer le retour à la vie. Trop c’est trop ! Aujourd’hui, on oublie les morts et leurs familles irréconciliables avec le deuil, les personnels hospitaliers écœurés, humiliés, trompés et en colère. On fait l’impasse sur les faillites et les drames personnels de Jean, de Cyril, de Mylène…et de tant d’autres à venir. Non, aujourd’hui, je n’arrive pas à m’unir totalement aux cris de joie (parfois) hystériques de certains. Pour l’instant nous avons gagné une bataille – et encore ! J’attendrai que la guerre soit vraiment finie et la paix définitivement signée.

Hello !

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Je n’ai rien de particulier à vous montrer, pour l’instant. Il faut que je produise et quoique cela paraisse incroyable, je manque de temps pour peindre. Alors j’avais juste envie de vous souhaiter de passer une bonne journée et de tenir bon. Pour ceux qui sont dans les régions les plus atteintes par le virus, il va falloir encore un peu de patience pour bouger. Pour les autres, l’étau va se desserrer. Il faudra tout de même faire attention au rebond de l’épidémie, qui pourrait s’annoncer plus difficile à gérer que maintenant. Soyez prudents, ne relâchez pas votre attention.

Visite guidée

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Je sais bien que ce ne sont pas vos lectures sur mon blog qui vont combler vos longues journées de confinement. J’essaie toutefois avec les moyens dont je dispose de garder un peu d’animation avec mes plus fidèles visiteurs. Je tente d’apporter un petit détournement artistique ou amusant à notre quotidien qui est aujourd’hui bien introversif. Je ne sais pas si vous êtes très absorbés, mais pour moi ces publications m’occupent suffisamment pour être presque débordé. Réfléchir au prochain sujet et le préparer, que ce soit du dessin de la peinture ou autre chose, m’occupe bien quelques bonnes heures. Aujourd’hui, je n’ai pas de peinture à montrer et comme j’avais envie de faire quelques photos (oui, ça me prend comme ça), j’ai fait une petite exploration avec l’appareil photo dans la pièce ou je peins.

Personnellement j’ai toujours aimé découvrir les ateliers des peintres. J’ai toujours cru qu’en les visitant, j’allais y découvrir des secrets. Le plus souvent j’en ai ramené des odeurs d’essence et de vernis, reçu parfois de bons conseils, vécu des moments chaleureux, mais jamais aucun secret ne me fût révélé. Et ma modeste officine dont vous ferez bien vite la visite virtuelle, ne vous délivrera elle non plus aucun secret. Chez moi, pas de “poétique capharnaüm”. J’ai dû organiser les choses de manière très rationnelle pour profiter d’un peu d’espace et de recul. Chacun organise sa manière de travailler comme il l’entend et la peinture, quoique certains puissent en penser, c’est une activité très manuelle dont les outils lui sont aussi indispensables qu’une truelle à un maçon, ou un masque à un chirurgien. Le peintre est maniaque, j’en suis convaincu. Untel préfère tels pinceaux en poil de blaireau, de telle marque en excluant toutes les autres, car ils conviennent parfaitement à sa technique. Tel autre ne jure que par les pastels qu’il fabrique lui-même.  Enfin celui-ci commande ses couleurs auprès d’une maison artisanale réputée, véritable institution fréquentée des seuls initiés. Je n’ai pas tant d’exigences et pourtant, je n’échappe pas à la règle.  J’ai aussi mes propres usages, pour ne pas dire mes habitudes. L’outil le plus indispensable (hormis le chevalet) est pour moi la palette.

J’ai fait la mienne à partir de 2 plaques de verre. L’une me sert de palette tandis que j’utilise l’autre comme couvercle pour conserver la couleur ou préparer certains mélanges. La couleur même totalement sèche après des semaines, s’enlève sans problème avec un couteau de peintre très rigide. Je suis pour les efforts faciles. Le gros pot lave-pinceaux, j’en suis amoureux ! Je le trouve beau avec son allure de chaudron hors siècle. L’acier et le cuivre rouge se marient en parfaite harmonie. Avec son ressort repose pinceaux, il ne manque pas d’allure et même d’une certaine technicité. Il est en proportion de la grosseur de mes tubes de peinture.

Je ne suis ni Rembrandt ni Bonnard. Pas de couleurs de qualité “extra fine”, simplement des couleurs “étude” de différentes marques et au meilleur prix. Une palette assez limitée qui m’oblige à chercher la teinte par des mélanges successifs. Il me manque parfois une couleur particulière, intense pour illuminer une peinture…mais je fais sans. Mes “œuvres” ne traverseront pas les siècles. Comme un bon alchimiste, j’ai essayé une bonne dizaine de médiums pour appliquer la couleur. Je n’ai jamais trouvé la “solution” idéale. Je les conserve dans des petites bouteilles comme des onguents néanmoins précieux. J’utilise parfois tel médium selon le sujet, parfois tel autre en fonction du support. Dedans ou dehors je choisis quelquefois mes émulsions selon l’humeur du moment. Ça m’amène à des découvertes toujours intéressantes.

Mes nombreux pinceaux sont au garde à vous dans des pots en verre. Pots de confitures, de haricots, de cornichons…tout est bon pour les classer. Les pinceaux neufs d’un côté, les plus usés de l’autre. Les peintures sitôt finies rejoignent des cartons obèses, où s’entassent, se pressent des dessins, des peintures en nombre attendant de trouver un espace plus généreux à la cave. J’expose peu de choses aux murs à part ce qui m’est indispensable lorsque je travaille et les peintures en cours de séchage. J’observe beaucoup la peinture pendant sa réalisation pour en poursuivre correctement son avancement. Une fois terminée celle-ci perd pour moi très rapidement de son intérêt, et s’en va rejoindre, pour s’y reposer…le carton obèse !

Voilà, vous avez fait le tour de mon domaine de 9m2.
En sortant, n’oubliez pas le guide.
Merci de votre visite et au plaisir de vous revoir bientôt.

Un peu d’innocence

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C’était quelques temps avant le confinement, les grands parents avaient encore le droit de recevoir leurs petits enfants et, comme chacun le sait, les occuper n’était pas la moindre affaire. Alors voilà ce qui est né de la collaboration entre ma petite fille de 12 ans et moi. Avec un simple appareil photo, des centaines d’images, et quelques accessoires, beaucoup de patience, de complicité et surtout beaucoup de rires nous avons réalisé cette modeste animation. Ça ne dure pas longtemps car les enfants sont toujours impatients d’avoir fini une chose pour passer à une autre. J’espère que ce petit moment d’innocence vous fera oublier l’espace d’un instant ce confinement loin de ceux que vous aimez.

À l’heure du J24

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Ce matin, deuxième sortie depuis mon vingt quatrième jour “d’internement”. Un petit tour d’une heure à la recherche de quelques photos macros pour illustrer le printemps. Et puis rien de vraiment intéressant à mettre dans la boîte. Juste cette image de la Défense et de Paris au loin dans une brume matinale traversée d’une lumière jaunâtre. Devant ce paysage qui s’éveille en silence, il est étrange de penser qu’à portée de vue, la “contagion” est en train d’œuvrer insidieusement. Toute la nuit, des gens ont dû lutter contre la maladie, autant les souffrants que les soignants, pour une bataille qui n’est pas encore gagnée. Et après, va t’on gagner la “guerre” et dans combien de temps ?

Théorie du complot

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Pourquoi les électeurs du RN croient que le coronavirus a été inventé en laboratoire.
Source Libération – Par Tristan Berteloot — 30 mars 2020 à 08:30

Marine Le Pen et Gilbert Collard à l’Assemblée nationale, le 13 février 2019.


L’extrême-droite flatte les réflexes conspirationnistes de ses sympathisants. Selon une étude publiée samedi, près d’un Français sur quatre pense que le virus Covid-19 a été créé par l’homme. Le chiffre bondit à 40% chez les électeurs de Marine Le Pen.

Plus d’un Français sur quatre (26%) croit que le virus du Covid-19 a été fabriqué en laboratoire, dont 17% «intentionnellement», révèle une étude de la fondation Jean-Jaurès et de Conspiracy Watch, publiée samedi conjointement avec l’Ifop. Le chiffre, affolant, confirme les tendances des études précédentes de ces organismes, selon lesquelles «les générations les plus jeunes et les catégories sociales les plus défavorisées demeurent les plus perméables au complotisme». Mais si l’on regarde de plus près, le chiffre bondit : 40% des sympathisants du Rassemblement national souscrivent à la thèse. Le résultat a son importance, alors que, depuis le début de la crise du Covid-19, beaucoup de fake news circulent sur Internet, relayées en partie par des personnalités d’extrême droite. Ceci expliquant cela ? Lundi matin, interrogée sur France info sur les différentes théories du complot qui circulent sur le Covid-19 jusque dans son propre camp, Marine Le Pen a en tout cas répondu ceci : «En démocratie, on a le droit de douter. Ce n’est pas un délit.» Et aussi : «Que des gens s’interrogent pour savoir si ce virus est d’origine “naturelle” ou s’il ne peut pas avoir échappé d’un laboratoire est une question de bon sens». Questions à Rudy Reichstadt, fondateur de Conspiracy Watch, et Jérôme Fourquet, directeur du pôle opinion à l’Ifop.

On sait depuis longtemps que plus les conséquences d’un événement sont choquantes, plus la population cherche spontanément des causes «ailleurs» que dans les «versions officielles». Concernant les théories autour du Covid-19, quel serait le profil type du Français complotiste ?
Jérôme Fourquet : Chaque grand événement s’accompagne quasiment instantanément de récits conspirationnistes et complotistes, qui peuvent avoir plus ou moins d’audience dans la société. Chaque événement va générer des récits propres, qu’il s’agisse de l’incendie de Notre-Dame, d’une épidémie ou d’un attentat… mais les profils qui adhèrent à ce type de récits sont souvent les mêmes.

Ce sont d’abord les tranches d’âge les plus jeunes : dans ces générations, on n’a pas forcément un recul historique important, avec une influence massive des réseaux sociaux que l’on consulte beaucoup au détriment des grands médias classiques, qui sont pourtant des remparts à la propagation de la grille de lecture conspirationniste. On est aussi sur des publics assez peu diplômés, avec moins de distance critique. Au contraire : à niveau d’étude élevé, mécaniquement, on a tendance à produire des «anticorps» face aux récits simplistes. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’exceptions, bien sûr. Mais rappelons que la principale fonction intellectuelle de la grille de lecture conspirationniste, c’est de rendre simple un fait qui paraît compliqué.

Enfin, il y a un certain nombre de formes d’esprit qui sont propices à la culture complotiste, ce sont tous les publics qui vont être plus facilement dans la défiance, qui vont dire : «Je ne crois pas ce que les puissants nous disent.» Quand on est en bas de l’échelle sociale, on a plus tendance à être méfiant vis-à-vis de ce qui vient de plus haut.

…pas étonnant donc qu’une telle proportion de sympathisants du RN adhèrent à ces théories. Mais que disent-elles ?
Jérôme Fourquet : On a des récits très classiques en matière de thèses complotistes pour une épidémie. En plus de l’histoire du laboratoire secret, il y a la théorie de l’arme de guerre biologique qui aurait échappé à ses créateurs, ou encore la question de l’argent. Les laboratoires auraient créé le virus, pour ensuite produire des traitements pour pouvoir les vendre à grande échelle. Récemment, des vidéos ont beaucoup tourné dans la sphère des gilets jaunes, qui rentrent dans ces catégories-là. Généralement, elles viennent en soutien du professeur Didier Raoult. Lui n’est pas en cause, mais ce qu’il représente peut venir porter de l’eau au moulin de cette vision-là.

Quels réflexes les thèses complotistes excitent-elles chez les gens ?
Rudy Reichstadt : Il faut dire qu’on est toujours dans le registre de l’indignation, on y dénonce des scandales d’Etat. Comme si les situations n’étaient pas encore assez graves, on rajoute une couche de scandale, de sensationnalisme. L’idée qu’on «nous prend pour des imbéciles» revient très souvent. De même que le «regardez, tout est vérifiable», tout en s’appuyant sur des faits ou des documents lus de travers, surinterprétés ou dévoyés.

Il n’y a pas toujours que de la manipulation derrière tout cela. Il y a plutôt une volonté de «savoir mieux», d’être détenteur de la vérité. Il y a un sentiment d’être héroïque. On est typiquement dans l’effet Dunning-Kruger : plus on en sait sur un sujet et plus on s’estime incompétent, et inversement, moins on en sait sur un sujet et plus on a l’illusion qu’on est compétent pour en parler. Cela donne des vidéos de vingt minutes de quelqu’un qui affirme avoir la preuve que le brevet du coronavirus a été déposé par l’Institut Pasteur : l’auteur ne sait pas que le coronavirus est une famille de virus, et il ne sait pas lire un brevet non plus.

Les sites de fact-checking se sont multipliés ces dernières années et les gens n’ont jamais eu autant d’outils à leur disposition pour différencier les informations fiables des fake news. Pourtant les adhésions aux théories complotistes n’ont pas l’air de reculer. Comment expliquez-vous cela ?
Rudy Reichstadt : Ce n’est pas parce qu’on produit des articles sourcés et sérieux et qu’on répète depuis des années qu’il est important de bien s’informer, que le message passe forcément partout. Les gens qui auraient le plus besoin d’être exposés à ce type de messages ne le sont pas. L’essentiel de tout ce que produisent les fact-checkeurs en France n’est pas vu par eux. Il faut voir que dans la manière de s’informer de ces personnes, il y a des lacunes profondes. La vidéo sur le brevet de l’Institut Pasteur a été vue plusieurs millions de fois, elle a eu des dizaines de milliers de partages, parfois par des gens qui ne l’ont pas regardée. Ces personnes ne se demandent pas si ce qu’il y a dedans est vrai car les images viennent conforter un doute qu’elles avaient déjà. Il y a enfin le fait que toute la presse classique est tenue en suspicion. Beaucoup ne prennent même pas la peine de prendre connaissance de ce qu’elle produit.

Après les confessions d’Agnès Buzyn qui dit avoir alerté le gouvernement sur la dangerosité du coronavirus dès janvier, Marine Le Pen a crié au «scandale d’Etat», et le RN a tweeté que «le gouvernement savait, mais il n’a rien fait». Un cap a-t-il été franchi ?
Rudy Reichstadt : Non, parce que chez les populistes, c’est assez classique d’expliquer que le gouvernement au pouvoir est contre le peuple. Mélenchon aussi, au sujet de Buzyn, a parlé d’«aveux» et, récemment, il a expliqué que l’ancienne ministre de la Santé «savait et a menti», presque mot pour mot ce que le RN a posté. Il y a deux manières de lire les propos d’Agnès Buzyn : de manière charitable, et de manière inquisitrice. Et les populistes les lisent, comme ils lisent le réel en général, parce que cela les arrange, de façon inquisitrice. Les populistes n’ont aucune raison de cesser de l’être du jour au lendemain parce qu’il y a une crise.

L’eurodéputé RN Gilbert Collard a raconté dans une vidéo que le mari de l’ancienne ministre de la santé avait participé à la création d’un laboratoire de type «P4» à Wuhan, «ville où le Covid-19 a soudainement surgi»… sous-entendant que le virus s’y était échappé. Quel intérêt a l’extrême droite de flatter les réflexes complotistes ?
Rudy Reichstadt : Parce que c’est sa fonction. L’extrême droite l’assume, cela consiste à raconter une histoire, comme le font les autres camps politiques. Sauf que ces histoires prennent plus ou moins de libertés avec les faits, jusqu’à les violer.

Jérôme Fourquet : avant de parler d’intérêt, on peut penser qu’une partie des leaders politiques est assez en phase avec la vision du monde de leurs électeurs. Donc il n’y a pas forcément que du cynisme ou de l’instrumentalisation derrière leurs discours. Ce que l’on mesure, c’est qu’une majorité des électeurs de Marine Le Pen ou de Gilbert Collard envisagent que le coronavirus a été créé par l’homme. Si ces responsables politiques n’adhèrent pas totalement à cette idée, elle peut en tout cas être utilisée pour essayer de délégitimer le pouvoir en place, qui est le principal adversaire du Rassemblement national. S’ils le font, c’est aussi parce qu’ils baignent dans une vision du monde pleine de méfiance. Rappelons que Marine Le Pen, responsable politique de premier ordre, puisqu’elle a été au second tour de l’élection présidentielle, s’est opposée aux onze vaccins obligatoires. De manière générale, il y a une vieille défiance de l’extrême droite, notamment, en matière de santé publique.