Bois et campagnes

J’ai toujours beaucoup de courage pour peindre le matin et beaucoup moins le soir. Je n’ai pas grand mérite car j’ai tendance à me lever naturellement vers 6h. En quelque sorte une horloge programmée en tête. Être en place au lever du jour me procure bien des plaisirs. Une belle lumière, mais surtout ici, dans la campagne morbihannaise, la rencontre presque quotidienne avec quelques chevreuils. En revenant plusieurs fois au même endroit je me suis rendu compte que ces derniers s’habituaient à ma présence. Les champs de blé n’étaient pas encore moissonnés et les chevrettes accompagnées de leurs faons gitaient en leur plus grande hauteur. Les premiers jours au bruit de mes pas, les mères détalaient en sauts gracieux, froissant les blés, abandonnant les petits déjà convaincus que l’immobilité et le silence étaient leur seule chance de survie.
Puis, jour après jour à mon passage, elles relevaient uniquement la tête pour estimer le danger. Je voyais alors juste leurs oreilles et leurs grands yeux noirs émerger d’une mer d’épis dorés. Sans doute existait-il une certaine reconnaissance pour qu’elles ne fuient pas. Je leur parlais doucement chaque fois que je passais. Leur demandant comment elles allaient, n’espérant bien entendu aucune réponse. Mais l’absence de fuite était déjà un joli signe de confiance et un beau contact.

Et puis, un jour, ma peinture finie et déjà sur le retour, le long du champ de blé j’aperçois deux faons au loin, jouer sur le chemin. Je tente le tout pour le tout. Je connais la légendaire curiosité des chevreuils. Je me mets alors à les siffler très doucement comme lorsqu’on appelle son animal familier. Et les voilà tout à coup interrompant leur jeu, m’aperçoivent et gambadent vers moi à toute allure. Le premier arrive à quelques mètres et saute soudainement dans le champ de blé. L’autre me vient dessus et s’arrête à portée de main. Il me regarde quelques instants et comprenant son erreur, disparaît lui aussi d’un bond désordonné  dans les blés. Quelle émotion ! Je suis resté un bon moment comme absent. Avec un vide inexplicable. Ma plus belle rencontre depuis bien longtemps.Toujours lors de mes peintures matinales, il y a eu aussi le chevreuil venu manger à quelques mètres de mon chevalet. Et moi immobile, caché derrière ma boite de couleurs, pendant un temps infini pour qu’il ne détecte pas ma présence. Il était si proche que je l’entendais mâcher les herbes et autres plantes que ces beaux mammifères sélectionnent avec gourmandise.
Et puis tant d’autres chevreuils et chevrettes traversant prudemment l’espace découvert d’un bois, d’une prairie sans me deviner ni me sentir. Tout un monde sauvage et libre qui malgré des territoires de plus en plus segmentés par l’homme continuent à vivre pour mon plus grand étonnement et plaisir, en silence et en toute discrétion.

8 réflexions sur « Bois et campagnes »

  1. Tout au carré une belle série (mais on est habitué et on ne s’en lasse pas) Belle rencontre dommage que la nature soit inexorablement détruire par l’homme.

  2. Ces histoires de rencontres dans la nature font du bien à entendre…Quel plaisir aussi pour nous! Et toujours tes belles peintures, merci!

  3. …Et bien non, ce n’est pas un conte. Mes rencontres avec les animaux sont vraies.
    Tout comme le fait qu’un couple de pinsons arrive dès que j’ouvre ma porte le matin.
    Ils attendent au sol et tournent devant moi pour avoir leurs graines.
    C’est rare pour des pinsons cette familiarité.
    Il y a beaucoup d’histoires que je ne souffle à personne, tout simplement parce que je n’y pense pas.
    J’ai toujours beaucoup de plaisir à fusionner avec la nature. Elle me le rend parfois…

  4. Ca fait plaisir à voir. On voit que tu te réalises bien au sein de toute cette verdure . Tu t’appropries bien ton coin ! Une peinture classique et intemporelle .

  5. Et les faons, chevreuils, chevrettes n’ont pas le droit à leur portrait ?? Je m’attendais à les voir sur ces tableaux, mais ils doivent être cachés derrière les troncs… En tout cas merci pour ce moment de fraîcheur

  6. J ai la chance de voir tes œuvres en live mais tu as réservé aux lecteurs d humeric art ces magnifiques rencontres dont tu ne nous as soufflé mot…..joli conte ou vraie rencontres…..c est si bien écrit que peu importe………

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