Femme

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    Je t'aime pour toutes les femmes
    Que je n'ai pas connues
    Je t'aime pour tout le temps
    Où je n'ai pas vécu
    Pour l'odeur du grand large
    Et l'odeur du pain chaud
    Pour la neige qui fond
    Pour les premières fleurs
    Pour les animaux purs
    Que l'homme n'effraie pas
    Je t'aime pour aimer
    Je t'aime pour toutes les femmes
    Que je n'aime pas

    Qui me reflète sinon toi-même
    Je me vois si peu
    Sans toi je ne vois rien
    Qu'une étendue déserte
    Entre autrefois et aujourd'hui
    Il y a eu toutes ces morts
    Que j'ai franchies
    Sur de la paille
    Je n'ai pas pu percer
    Le mur de mon miroir
    Il m'a fallu apprendre
    Mot par mot la vie
    Comme on oublie

    Je t'aime pour ta sagesse
    Qui n'est pas la mienne
    Pour la santé je t'aime
    Contre tout ce qui n'est qu'illusion
    Pour ce cœur immortel
    Que je ne détiens pas
    Que tu crois être le doute
    Et tu n'es que raison
    Tu es le grand soleil
    Qui me monte à la tête
    Quand je suis sûr de moi
    Quand je suis sûr de moi

    Tu es le grand soleil
    Qui me monte à la tête
    Quand je suis sûr de moi
    Quand je suis sûr de moi

Je t'aime (Paul Eluard)

Nature de femme

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Elle est de cette nature énergique et vivante tout comme le vent, la mer, la lumière ou même la nuit. Elle est tout ça à la fois. Le vent lorsqu’elle souffle sa foi en l’avenir de la féminité et son désir d’enlacer le monde. La mer lorsqu’elle s’offre à la vie avec une soif jamais apaisée. Elle devient lumière lorsque son sourire – prenant une timide naissance à la commissure de ses lèvres – irradie sereinement d’un trait rosé tout son visage.
Dans ses yeux d’un noir velours insondable, la nuit repose du jour. Et je sais, pour l’avoir vu, qu’au petit matin, dans ses longs cils s’accrochent parfois quelques étoiles égarées et vieillissantes.

Filles, les mal aimées !

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Dans certains pays et certaines régions, le poids de la tradition plus qu’il ne préserve de la folie dévastatrice de notre société, ne compte plus les méfaits dont il est responsable. Au Rajasthan, les filles sont tuées à la naissance, parce qu’elles coûtent trop cher. Les hommes ne supportent pas qu’une femme s’instruisent tout simplement parce que ces soi-disant descendants de guerriers, perdraient toute leur autorité. Les motifs pour légitimer les infanticides sont nombreux et ne semblent pas prêts d’être remis en cause. Choqué par ces pratiques, je mets ici pour information et partage, un article paru dans le Canard Enchaîné du mercredi 27 novembre 2013. Cet article concerne le reportage “Le pays qui n’aimait pas les femmes”, qui a été diffusé sur Arte  le 3 décembre 2013.
(Rediffusions Arte : mardi 17 décembre à 6h50 – dimanche 22 décembre à 5h00)
Clic ici pour l’extrait.

Quatre femmes puissantes.

Il y a onze ans, la mère de Saroj a refusé de tuer son bébé. Elle s’est rebellée contre sa belle-famille et les guerriers rajput qui maintiennent leur domination sur son village. Aidée de son mari, elle s’est enfuie vers la ville avec l’enfant.
La mère de Saroj était jeune lorsque sa première fille est née. « Ma belle-mère m’a demandé de la tuer, raconte la femme. – Et vous l’avez fait ? » Elle a un léger mouvement de tête : « Je l’ai étouffée avec du sable. » Quand on lui demande pourquoi elle a obéi, elle répond que c’est la tradition. Pour les hommes de sa région, une fille est une bouche inutile. Elle ne peut travailler, ne rapporte pas d’argent et coûte cher en noces. Quelque 8 000 euros offerts à la belle-famille lors des fiançailles, puis 15 000 le jour du mariage, pour être acceptée dans la maison de son mari. Alors, à la naissance de sa deuxième fille, sa belle-mère est revenue tuer. Elle a placé la nouveau-née dans une boîte, vivante, nue. Et puis l’a enterrée.
Mais Saroj, troisième fille du couple, a une fée penchée sur son berceau. Elle s’appelle Gadjendra, une autre femme du village, écoutée par les mères. Depuis des années, elle va de famille en famille pour tenter de sauver leurs filles. Elle explique que ce rituel sanglant n’a pas valeur de loi. Que l’infanticide est interdit en Inde. Que ceux qui se soumettent à la coutume sont des assassins. Convaincue par Gadjendra, la mère de Saroj s’est brusquement révoltée, abandonnant ce village du Rajasthan où tous les enfants sont des garçons.
A Delhi, Sunita est retournée chez sa mère, avec son fils. Son mari la battait. Elle saignait du nez, des oreilles, de la bouche, et sa belle-famille détournait le regard. Sunita, aussi, s’est rebellée. Police, plainte, tribunal. En attendant la décision de justice, sa propre famille l’exhorte à repartir. Sa présence est une charge, la honte des siens et leur déshonneur. « Tous les époux frappent leur épouse », explique sa mère. Elle lui dit qu’il faut accepter ce destin.
A Calcutta, Suzette a été la première victime indienne à porter plainte contre ses violeurs. Et à témoigner à visage découvert. Elle était seule, fréquentait les cafés. C’est pour cela qu’un groupe d’hommes l’a martyrisée à l’arrière d’une voiture. « Plus que le viol, leurs morsures et leurs coups, ce sont leurs rires qui me hantent aujourd’hui », dit-elle, des larmes plein les yeux.
A Vrindavan, au sud-est de Delhi, ce sont les larmes de Gulab Bai qui perlent. A 84 ans, cette femme est veuve, c’est-à-dire moins que rien. Réfugiée dans la ville de Krishna avec des milliers d’autres, elle s’est rasé les cheveux et s’est enveloppée d’un sari blanc, signe de son abandon. Fille, elle était inutile. Femme, elle était un fardeau. Veuve, elle est devenue pécheresse. Survivre à son mari est une calamité. Il y a des siècles, une veuve était jetée vive sur le bûcher de son homme. Aujourd’hui, elle est chassée de l’existence. Elle porte malheur, dort dans la rue, mendie sa poignée de riz. Gulab Bai a été mariée à 9 ans. De sa vie d’avant elle n’a pas de souvenirs. Et se bat aujourd’hui pour survivre.

Au bord du fleuve, quatre hommes portent l’une de ses sœurs, morte dans la nuit. Assis sur leurs talons, ils regardent le fagot qui la recouvre puis le feu qui la dévore.

Sorj Chalandon