Arbres de liberté.

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C’est avec quelque retard, que je mets en ligne les aquarelles du Cotentin réalisées cet été ainsi que les aquarelles toutes fraîches, peintes au mois de septembre dans le Vaucluse.

Les arbres font partie des principaux motifs que j’ai pu étudier ces trois derniers mois. J’ai particulièrement apprécié leurs différentes caractéristiques, qui font de chaque arbre un sujet unique, à l’égal des êtres humains. Je m’étais fixé une séance de trois heures de peinture par jour. Avec obligation de terminer chaque aquarelle dans la même séance. Objectif atteint pour le Cotentin et partiellement réussi dans le Vaucluse compte tenu de nombreuses diversions.
Le dessin d’un arbre, m’est toujours apparu comme une figure très difficile à rendre. On fait un tronc, les premières grosses branches, et puis ensuite, tout s’embrouille avec le feuillage. Les ramifications partent dans tous les sens. Il est toujours délicat d’en finir les extrémités qui vont se fondre dans le ciel.
Je vois très souvent des amateurs se lancer dans la peinture de paysages et buter sur l’expression des arbres. Ceux-ci sont souvent représentés de façon “maladroite, enfantine” car il n’y a pas eu de la part de l’artiste, de vécu, de réalité avec son sujet. L’arbre est un “personnage” à peindre pour lui-même. Et le saisir en vrai, sur le terrain, en plantant son chevalet sous son chapeau de verdure, c’est le vivre dans toute sa complexité.
En abandonnant la photo pour le pinceau, mon temps dédié à l’observation s’est rallongé considérablement. Ma relation avec le paysage et plus particulièrement avec les arbres, s’est développée jusqu’à entretenir avec certains sujets une relation amicale, familière, presque obsessionnelle. Certains arbres m’ont attiré bien plus que d’autres et je les ai peints sous différents angles sans me lasser. Normal, on devient vite intime avec quelqu’un que l’on côtoie de longues heures tout en partageant le même silence.

Dibond®, support magique

Le Dibond est un support rigide, développé par 3A Composite. C’est un matériau composite. Deux plaques d’aluminium sont “thermoliées” à une plaque centrale constituée de “polyéthylène”. Chaque surface du panneau est recouverte d’un film de protection. Les faces avant et arrière, sont thermolaquées en blanc ou en couleur, en mat, en brillant etc.

Plaque de Dibond

Le Dibond est extrêmement rigide, parfaitement plan, résistant aux températures. Il est souvent utilisé pour les stands, comme support d’affichage, le contrecollage de photos, l’impression numérique etc. Le Dibond est fabriqué en diverses épaisseurs, de 2 à 6 mm et selon le format (plaques de 100 à 405 cm). On trouve ce support chez Géant des Beaux Arts à un format maximum de 80 x 120 cm.

Plusieurs épaisseurs existent, de 2 à 6 mm

Un film protège chaque face du panneau

Mon idée était à l’origine de peindre sur un support lisse, de faire glisser la peinture afin d’obtenir des effets de pinceau. Un premier essai sur KapaPlast (couche de polyuréthane entre 2 surfaces de carton plastifié) avait donné d’assez bon résultats. Mais le support s’était avéré assez fragile à la manipulation.

Voici une petite démonstration sur un autoportrait qui montre assez simplement ce que je voulais obtenir.

Le dessin peut se réaliser au crayon gras (graphite genre mine “Cyclop” 6B). Le trait doit être un peu gras pour accrocher sur le support laqué très lisse. Les craies Néocolor ou les crayons StabiloTone de chez Swan sont excellents pour celles et ceux qui veulent esquisser leur tableau. Il n’est pas utile ni même recommandé de gommer une erreur. Mieux vaut essuyer le trait avec un chiffon ou une éponge humide si l’on veut tout effacer et recommencer. Le dessin achevé, je ne fixe pas le trait sous peine de modifier par un léger grain, l’aspect lisse du Dibond.

L’esquisse et le premier jus à l’essence. Format du panneau 50 x 60 cm

Je pose la base avec un peu de couleur et beaucoup d’essence. Je travaille avec la térébenthine, en ajoutant ou retirant de la couleur. Il faut savoir profiter des effets inattendus que provoquent les “coulures” ou les “retraits”. Tout le temps que dure la séance, c’est un va et vient de “construction et de déconstruction” de la matière et de la couleur. La peinture sèche lentement et peut se travailler presque indéfiniment, il est tentant de ne plus s’arrêter. Ne pas trop empâter pour la première séance. Conserver cet aspect “jeté” de jus de couleur est important pour préparer la phase suivante.
Bien laisser sécher avant de reprendre le tableau.

Premier aspect de l’autoportrait

Pour la deuxième séance la couleur peut être agrémentée de “médium” afin de coller sur les jus précédents. Pour ma part  j’utilise du “Painting Medium Quick-Drying” de chez Talens mélangé à une bonne proportion d’essence. Il suffit à chacun, soit de vouloir conserver cet aspect “coups de pinceaux” en travaillant par ajout de couleurs transparentes, soit de charger en matière en perdant l’aspect” esquisse peinte”.

L’aspect que l’on peut obtenir

Une vue rapprochée de l’autoportrait

Il est possible à tout moment, en utilisant de l’acétone (attention aux vapeurs très nocives) de faire fondre, de diluer, de trouer, la peinture à l’huile et de retrouver le support original. Si vous n’êtes pas satisfait du résultat, dans le frais, un chiffon, de l’essence de térébenthine et un peu d’huile de coude, enverra votre chef-d’œuvre aux oubliettes. Vous avez sous la main un support à usage presque perpétuel. Une sorte d’ardoise magique.

Toutes les tentatives sont permises et au moins, ça décomplexe.

Vieilles tôles

Il ne fait pas bon se promener sur les plages Landaises cette nuit du 2 au 3 décembre 1976. La tempête sur l’océan fait rage. À l’intérieur des terres, les pins craquent et se couchent sans combattre, entièrement soumis aux vents déments venus du large. Deux navires (le cargo à vapeur Virgo, le pétrolier Apolonian Wave) s’échouent l’un à côté de l’autre sur les plages de Mimizan.

L’Apolonian Wave brisé en deux sur les plages landaises.

L’Apolonian Wave comme un sous-marin surgi de la mer.

Parti de Bayonne en direction du Portugal, le Virgo, cargo de 109 mètres battant pavillon Grec est en vilaine posture au large de Bilbao. Le capitaine met cap au nord pour fuir la tempête.
Dans des creux de 14 mètres, au large de Mimizan le Virgo est à la dérive et vient s’échouer sur la plage de Lespecier à quelques kilomètres de la petite ville balnéaire.
Grâce à l’organisation rapide des secours, le naufrage ne fera aucune victime. L’équipage quitte le navire au petit matin.
Accessible à marée basse, la cargaison du navire attire vite les convoitises. Quelques téméraires, renouant avec l’instinct de piratage de leurs ancêtres, se hissent à bord et s’emparent de quelques marchandises. Le compas du Virgo fait partie des pièces dérobées.
Le Virgo est démantelé sur place dès avril 1977. Les tronçons d’acier découpés sont expédiés en Galice pour la récupération. Un violent incendie en juillet ravage les restes de l’épave. Le vieux cargo est entièrement démonté à la fin de l’été 1977, les fonds du navire disparaissant avec le temps sous les sables.
L’Apolonian Wave est un pétrolier grec de 207 mètres en fin de vie. Il se dirige vers les chantiers de démolition Espagnols avec le minimum de carburant pour arriver à destination. C’est sans compter sur la tempête qui l’oblige à consommer plus de combustible que d’habitude. C’est la panne de machines. Le pétrolier est en perdition. L’équipage est hélitreuillé dans la journée du 2 décembre. Le navire dérive sans équipage, entrainé par les courants et finit par s’échouer lui aussi sur la plage de Mimizan à 700 mètres du Virgo.

Il était possible d’atteindre le navire à marée basse.

Après de longs mois de discussions et d’hésitations, une tentative de remise à l’océan de l’épave échoue et brise le navire en 2 parties. C’est fini pour l’Apolonian Wave, il ne quittera plus la plage et est lui aussi soumis au chalumeau pour être démoli in situ.
Des parties du Virgo resteront de nombreuses années sur le sable blanc de la plage, se consumant lentement au gré des marées, des vents salins, et des intempéries.

Les restes du Virgo hantent la plage

Les vieilles tôles, source d’inspiration pour les photographes.

J’ai retrouvé et scanné quelques diapositives que j’avais réalisées à l’époque de l’Apolonian Wave déjà brisé en deux. J’ai eu l’occasion de visiter plusieurs années de suite ce site et de saisir la lente agonie d’une partie de la structure abandonnée sur la plage. Ce sont ces histoires et ces documents qui m’ont inspiré pour réaliser les deux toiles ci-dessous qui forment un diptyque.

(Aux même dates, le Rubben, cargo panaméen est lui aussi en perdition et finit par s’échouer sur les plages Landaises à Seignosse, 60 km plus au sud.)

Matières & matériaux

Un jeu de spatules carrossier est parfaitement adapté pour créer des matières.

Allez, aujourd’hui c’est bleu de travail, truelles et spatules. Je vais vous parler de ma façon de réaliser de l’épaisseur pour certains de mes sujets, de créer des effets dans les fonds. Pour cela, on va jouer un peu au peintre en bâtiment et tout d’abord oublier les matériaux dits pour “artistes”.

Pour l’acrylique, il existe de nombreux produits qui permettent de réaliser des effets plus ou moins prononcés. Des pâtes de modelage, des gels de texture sont à notre disposition dans différentes marques. Ces matériaux conviennent bien à la préparation des fonds tant pour l’acrylique que pour l’huile. Cependant de par leur nature, ils ne permettent pas un mélange avec les couleurs à l’huile.
Pour l’huile, les solutions d’empâtement sont moins nombreuses. Lefranc, Sennelier et quelques autres marques proposent différents médiums d’empâtements. Ce sont souvent des gels translucides qui tendent à donner du volume et de la transparence à la couleur sortie du tube. En utilisant ces produits, je n’ai jamais eu le sentiment de travailler avec de la “vraie” matière. J’ai toujours trouvé un manque de “présence” à la texture.
Ma solution est beaucoup plus simple, moins honéreuse aussi et consiste tout simplement à utiliser un enduit gras que l’on trouve dans tous les bons magasins de bricolage (comme on dit).

Les détails qui suivent ne sont pas tous extraits de cette toile.

Après différents essais, j’ai choisi l’enduit gras extra fin Gérard. C’est un enduit glycérophtalique pour un usage au couteau. La pâte est onctueuse et une boîte de 500 gr permet de réaliser bien des effets.
Bien qu’il me soit arrivé d’utiliser l’enduit gras sur toile, il faut reconnaître qu’un support rigide comme du contreplaqué, de l’isorel ou du latté préparé au Gesso est fortement conseillé.

L’enduit gras Gérard. Il ne faut pas hésiter à mettre de l’eau sur la pâte pour le conserver longtemps une fois ouvert..

La pâte est onctueuse, n’est pas très blanche. Il faut en tenir compte.

On peut utiliser l’enduit de 2 façons différentes.

L’appliquer directement au pinceau, au couteau sur le fond du panneau en créant des effets de matières. Il est possible de sculpter dans le frais ou après séchage du produit, de le poncer à sec ou à l’eau afin d’obtenir un fond très lisse. Il est possible aussi de rayer le fond avec une brosse métallique, de creuser, d’attaquer l’enduit avec toutes sortes de grattoirs ou d’outils improvisés. Attention, une fois bien sec, l’enduit gras Gérard devient très dur.
Il ne reste plus qu’à peindre à l’huile sur ce fond préparé, de jouer du pinceau intelligemment pour remplir les creux, travailler au chiffon en frottant, en déposant ou enlevant de la couleur ici ou là. Cette méthode demande une bonne appréhension du sujet que l’on va peindre. Elle demande une certaine anticipation.

Ici le fond a été gratté dans le frais avec une brosse métallique. Une teinte est posée puis frottée avec un chiffon afin de conserver la couleur foncée dans les creux.

Différents effets sont possibles. La couleur ici est posée après séchage de l’enduit.

La seconde façon d’utiliser cet enduit gras, méthode plus instinctive, c’est de mélanger sa couleur directement à la pâte. Il faut tenir compte du fait que la couleur est mixée avec une pâte plus ou moins blanche. D’où une perte de puissance de la couleur. La teinte obtenue prend une valeur proche des tons pastels. Il faut dans ce cas après séchage, revenir par des glacis sur les teintes qui manquent de vivacité. Pour conserver une certaine puissance à la couleur il faut dans ce cas rester modeste en terme d’épaisseur d’enduit et travailler en couches plus fines superposées.

la couleur est mixée à l’enduit et posé avec des spatules.

Enduit posé sur une couche de peinture encore fraîche.

Enduit posé sur une couche de peinture fraîche pour obtenir des effets de mélange vers une teinte claire.

Il est possible bien sûr de combiner les deux méthodes, commencer par travailler une partie du fond en posant l’enduit directement puis de continuer par l’application de couches colorées.

Derniers détails, l’emploi de l’enduit gras n’empèche pas d’utiliser les médiums à peindre pour obtenir une pâte plus onctueuse. Les instruments se nettoient à l’essence de térébenthine, au white spirit sans problème. Pour conserver dans les meilleures conditions le pot d’enduit, il suffit de mettre de l’eau sur la pâte avant de remettre le couvercle plastique.

Les orchidées et Théophraste.

Aujourd’hui en préambule, je dois vous dire deux mots sur Théophraste. Oui, le philosophe Grec celui-là même. Il fut le fondateur de la botanique en tant qu’étude des plantes et considéré comme un grand naturaliste. C’est à Théophraste que l’on attribue la dénomination suivante : “Orchidée, du grec orchis, qui signifie testicule, en référence à la forme des tubercules souterrains de certaines orchidées terrestres des régions tempérées”.
Si je dois vous parler maintenant de ma femme, ce n’est pas par rapport à la définition de Théophraste (je pense qu’elle ne connait pas cette définition)…mais tout simplement parce que ma femme adore les orchidées et que chez moi, il n’y a que ça. Il devenait donc évident que ces fleurs avaient tout pour servir tôt ou tard de sujet de dessin.

Pas facile de travailler sur des orchidées blanches sur un fond blanc. Soit on reste très clair et on ne voit rien, soit on force trop les valeurs et on aboutit à des morceaux de charbons accrochés à des tiges.
Le dessin exact, voire documentaire de l’orchidée n’est pas ma priorité. Je laisse aux artistes botanistes toute latitude pour nous épater par la précision de leur travail. C’est surtout le rythme et l’enchaînement d’une succession de valeurs qui m’ont le plus intéressé. C’est l’exercice que je me suis imposé ici. Le rendu au fusain sur papier, me fait penser à l’aspect de la peinture sur de la porcelaine. C’est une ambiance douce et légère, la valeur du gris s’évaporant progressivement dans le fond blanc.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’essai au pinceau et encre de chine (ci-dessous) donne un dessin plus noir, plus fort, plus contrasté. Le papier en ma possession n’étant pas bien adapté à cette technique du lavis, j’ai eu du mal à trouver la bonne gestuelle. Trop lisse et trop absorbant, ce papier sèche très vite et ne permet aucun travail dans l’humide. Le coup de pinceau et la densité du mélange encre/eau doivent être parfaits du premier coup…aucune reprise, aucun repentir ne sont possibles sitôt la touche posée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sans rapport avec les orchidées “testiculaires” (bien que…) me revoilà avec mes dessins de nus. Dans le cas présent, au lieu de coloriser mes croquis au fusain, j’ai attaqué  le dessin directement à l’aquarelle afin de ne pas avoir le tracé noir en sous-couche. J’ai fortement détrempé à l’éponge le papier au R° et au V°. Posé sur une planche, que j’ai peinte d’une couche de peinture acrylique, le papier bien mouillé conserve très longtemps son humidité. Dans le très humide, j’ai tracé un vague contour de la forme qui s’est très rapidement dilué. C’est ce qui crée cette sorte d’irisation. Sur un papier moins humide, je suis revenu peu à peu pour préciser le tracé. J’ai posé également les principales masses indiquant les ombres qui créent le relief. Le visage, les cheveux et quelques points forts ont été placés aussi sur le papier sec.