Défense de s’indigner ?

Il fait froid en ce vendredi sur le parvis de la Défense. Le temps est gris, l’air humide. L’esplanade est un espace ouvert ou les courants d’air, lorsqu’ils viennent de Paris, de Puteaux ou de Courbevoie, n’ont rien de sympathique. Depuis 15 jours les Indignés occupent la dalle entre le marché de Noël qui vient de s’installer et la Grande Arche qui domine les débats permanents. Quelques dizaines d’activistes, parfois une centaine dénoncent sans violence, par le dialogue une société aujourd’hui faite d’injustice.

Informer sans déformer les propos.

 

 

Les CRS ont volé les tentes et détruit le campement dans la nuit.

 

L’entrée du campement. La liste des courses côtoie la devise des Indignés.


Sur nous souffle le vent du capitalisme.
Pourquoi nous occupons la Défense depuis le 4 novembre!

  • Nous entendons dénoncer symboliquement le pouvoir financier en réinvestissant l’espace public pour en faire un lieu d’expression  démocratique.
  • Nous ne sommes ni un parti politique, ni un syndicat, ni une association.
  • Nous avons des idées et des positions potentiellement différentes et travaillons pour nous accorder par consensus sur un projet de société.
  • Nous appelons chacun et chacune à rejeter ce système qui nous opprime tous et à constituer ensemble une société plus juste.
  • Nous organisons des groupes de travail permettant de rédiger des propositions qui sont soumises en assemblée générale.
Les slogans sont écrits parfois maladroitement sur des cartons et s’étalent autour de leur campement. Certains sont adressés directement aux  public qui s’arrête et s’interroge.

Ne nous regardez pas comme ça, rejoignez-nous.
Les banques vous mentent, votre argent n’existe pas.
Dette publique, richesse privée…

Les échanges s’enchaînent sans discontinuer.

Pa rapport aux concentrations des Indignés Espagnols ou Américains, le mouvement peine à rassembler. Les Français ne sont pas encore au plus profond de la misère. Ils ont le menton hors de l’eau…pour combien de temps encore. Les politiciens nous annoncent des plans d’austérité en nous promettant qu’on va s’en sortir. Mais ce sont toujours les mêmes qui s’en sortent et nous payons sans cesse pour eux. 

Liberté, Égalité, Fraternité est la devise de la République Française, il devient nécessaire que ces mots qui sonnent de plus en plus faux, redeviennent des mots forts, vrais et de nouveau chargés de sens.

Vêtements, nourriture, parapharmacie, tout sera trié et rangé dans des cartons pour une utilisation quotidienne.

Après une nuit mouvementée et froide, c’est le réconfort d’un petit déjeuner chaud.

On passe en faisant ses courses, on s’informe ou on participe.

Il n’y a pas d’âge pour être solidaire.

La lecture des nouvelles d’autres Indignés, ailleurs, ensemble.

Indignée et costume cravate. Le contraste n’est peut-être que visuel.

Le bonheur d’être ensemble reste toujours aussi fort.

La jeunesse ouvre ses bras à l’avenir.

Pêcheurs écolos.

Ce matin, le soleil avait du mal à se lever. Il faisait gris, un peu froid, le jour peinait  à s’habiller de lumière. Et puis discrètement une lueur est apparue, déposant un voile légèrement ocré sur tout le décor.

Il vous est déjà arrivé de vous promener le long d’un étang ou barbotent quelques canards et quelques cygnes. Vous avez dû remarquer qu’il y a toujours un cygne plus téméraire que les autres qui vous suit à distance. Et pour peu que vous ouvriez votre sac pour en extraire un peu de pain, vous devenez l’objet de toute son attention. Et lui (le cygne) il était là ce matin pour ma promenade. Méfiant tout d’abord, il est resté à bonne distance de la berge. Puis petit bout de pain par petit bout de pain, lancés de plus en plus proche du bord, il s’est avancé majestueux. Nous sommes restés silencieux, surtout lui, durant toute sa collation. Mieux vaut ne rien dire, profiter de l’aubaine et ne pas trop s’ébattre au risque d’attirer les “copains”. Et puis au bout d’une demi-heure, il est parti sans un regret, en silence, me laissant là avec mon sac vide. Finalement je ne sais pas ce que vous en pensez, mais les cygnes ne sont pas très sympathiques.

Trois pas plus loin, je pensais rencontrer des pêcheurs. Oui, il y a aussi toujours quelques pêcheurs au bord des étangs. Ils suivent les berges, un peu comme les cygnes. Les postes étaient déserts. Je n’ai trouvé que débris et déchets. J’ai tout de suite pensé à un drame, à une agression. Peut-être l’assassinat d’un pêcheur ! Oui, j’ai tendance à tout dramatiser très vite. Plus loin en cheminant j’ai découvert d’autres restes. Des reliques en quelque sorte. J’ai finalement compris que pour quelques uns, la nature pouvait servir tout naturellement de dépotoir. Parvenu à la bonne conclusion, je m’en suis retourné soulagé tout en pensant que si les cygnes ne sont pas très sympathiques avec la main qui les nourrit, certains pêcheurs ne sont pas très reconnaissants à la nature qui leur procure du plaisir. Marie, priez pour eux “pauvres pêcheurs”.

 

Fin du monde.

Aujourd’hui 11 novembre 2011. Il parait qu’à 11 heures 11 la fin du monde va s’inviter à notre table. Pour ma part le 11 novembre signifie la fin d’une horreur, celle de la première guerre mondiale. Par ces deux images, je souhaite juste rendre hommage à tous ces humains qui ont souffert et sont morts sans comprendre parfois pourquoi, pour quels enjeux et au profit de qui. La fin du monde c’était hier!

 

Aincourt.

Aincourt est un petit village tranquille du Val d’Oise juché sur une colline, adossé à une forêt et entouré de terres cultivées. Rien ne saurait le distinguer d’un autre village du Vexin Français, si ce n’est la présence de l’ancien centre hospitalier de la Bucaille.

Dans les années 20, la tuberculose pulmonaire est en recrudescence. En France, 10 000 tuberculeux en meurent chaque année et en 1929, 700 000 personnes en sont atteintes. En 1930 sur l’initiative conjuguée du conseil général de la Seine et Oise (aujourd’hui le Val d’Oise), et du préfet, un vaste complexe hospitalier est envisagé.
Édouard Crevel et Paul-Jean Decaux architectes, remportent le concours en proposant un projet innovant et ambitieux.

La “Maison de la Cure” sur la colline de la Bucaille est lancée.

Commencés en avril 1931, les travaux s’achèvent en juillet 1933. L’ensemble voit le jour en un temps record et s’impose comme l’un des plus grands et des plus remarquables sanatoriums du XXe siècle.


Trois pavillons sont construits, celui des hommes, celui des femmes et celui des enfants au sein d’un parc de 73 hectares. Pour améliorer la qualité de l’air une forêt de pins des Vosges est plantée afin de recréer les conditions climatiques de la moyenne montagne. Par leur implantation et leurs proportions grandioses, les 3 pavillons semblent voguer tels des paquebots sur une mer de feuillages. Les meilleurs ouvriers et spécialistes sont appelés sur le site. L’ensemble des bâtiments est réalisé en béton armé, crépi à l’extérieur. L’orientation sud-est apporte à chaque pavillon des conditions lumineuses et d’ensoleillement jamais atteintes à cette époque pour des sanatoriums.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En 1934, 150 hommes, 141 femmes et 127 enfants sont hospitalisés.
En 1936, le centre hospitalier compte 430 patients.
En 1939, le pavillon des enfants est définitivement fermé.

En pleine zone de conflit, le sanatorium d’Aincourt est contraint en juin 1940 d’évacuer ses malades et de fermer ses portes. Disséminés dans différentes régions, de nombreux patients trouvent notamment refuge dans des centres de cure en Bretagne.

Aincourt devient un camp d’internement

En octobre 1940, le pavillon Bonnefoy-Sibour (pavillon des hommes) est réquisitionné par les autorités militaires d’occupation. Le centre hospitalier d’Aincourt devient dès lors le premier Camp d’Internement Administratif de la Zone Nord.

La transformation du centre hospitalier en camp de concentration de transit, est le résultat zélé de la collaboration du gouvernement de Vichy avec l’Allemagne nazie. Aincourt emprisonnera plus de 1500 personnes pendant 2 ans à peine (du 5 octobre 1940 au 15 septembre 1942). Résistants, suspects de tous ordres, juifs, communistes considérés comme “dangereux pour la sécurité publique”, seront pour la plupart soit fusillés, soit déportés dans les camps de concentration nazis.
Après la seconde guerre mondiale, Aincourt redeviendra un sanatorium puis “Centre Hospitalier Départemental du Vexin”. Mais les normes hospitalières et les considérations économiques ont bien évoluées. Deux des trois bâtiments (le pavillon Edmond Vian et Adrien Bonnefoy Sibour) sont respectivment fermés en 1988 et 2001.

Un seul bâtiment, celui des enfants sera agrandi, rénové et maintenu en activité.

Le site et ses bâtiments aujourd’hui

Mon intention est avant tout de rendre compte en images de l’état actuel du site d’Aincourt. Il est profondément désolant de découvrir ces grands “vaisseaux” de béton dresser encore fièrement leur silhouette et offrir leur ossature à toutes sortes d’outrages.
Le pillage des lieux à été fait depuis bien longtemps et il ne reste plus rien aujourd’hui qui puisse susciter la convoitise ou offrir le moindre intérêt.
Le vandalisme a pris la relève et c’est sans doute là que se manifeste le plus visiblement la disparition des “paquebots”.


Sur les images on peut apprécier la frénésie qui anime les casseurs. Rien ne saurait survivre à leur passage. Ce qui est déjà détruit doit être réduit en poussière de plus belle manière, encore et encore, avec une rare violence.


Tags, parfois réalisés avec talent, séances de paintball, incendies (les pompiers ont utilisé le bâtiment Edmond Vian pour des exercices), il semble que tout soit fait pour effacer la mémoire des lieux.

Le scandale d’Aincourt résulte d’un “non-choix”. Destruction totale des bâtiments, réhabilitation, musée souvenir…avis et partis-pris ne manquent pas de s’exprimer sur le sujet et de parfois de façon bien animée.

Certains prétendront qu’une simple plaque commémorative suffit (une stèle fut érigée sur le site en 1994). En tout état de cause, on ne peut qu’avoir le cœur serré en découvrant ces bâtiments qui n’en finissent pas d’agoniser. Ceux qui ont souffert dans leurs murs ne tenteraient t-ils pas, à travers ce long crépuscule, de vouloir retenir encore un peu notre attention.