
Aborder la Shoah (extermination des juifs) que ce soit par l’écriture, l’image ou tout autre mode d’expression est un sujet aussi difficile que délicat à mettre en œuvre. La monstruosité, l’horreur sont telles que tout entreprise, paraît bien dérisoire, voire vouée à l’échec à en produire les moindres mots, les moindres images.
C’est justement d’une tentative d’images qu’il est question ici, d’interprétation à partir de documents photographiques existants. J’ai essayé de poser une fenêtre sur cet événement tragique comme pour mieux en appréhender toute l’inhumanité. À travers ce cadre se sont imposées des figures, silencieuses, graves, mêlées comme dans un cauchemar où chaque porte entrouverte laisse échapper un flot d’ombres et de lumières.
Aussi loin que je me retourne sur mon passé, bien des récits et bien des images concernant l’Holocauste hantent mes souvenirs. Rien, dans ma famille ou parmi mes proches amis ne peut expliquer la présence de ces spectres qui m’habitent depuis un demi siècle à part la défaillance de ma sensibilité ou de l’hypertrophie de mon émotion dont l’horreur serait la génitrice maléfique. Il me fallait produire ces images, mes images. Il me fallait un jour avec tout le respect que je dois aux victimes et une toute aussi grande répugnance pour leurs bourreaux, tenter – non pas de me débarrasser de fantômes – mais au contraire, de les rendre visibles en les faisant passer de la représentation photographique à la représentation picturale. Comme si la matière, apportée par le pinceau, le geste qui pose chaque touche intensément, pouvait permettre une ultime survie. Comme si perpétuer encore une fois le souvenir allait contribuer à une certaine “incarnation”. Mais, faire ressurgir les archives, c’était aussi rappeler son cortège de perversité. Si on peut penser que l’histoire ne se répète pas, je peux imaginer qu’il existe parmi nous tout autant de prochaines victimes que de bourreaux et les “identifier” aujourd’hui est impossible car on ne sait jamais comment se révèle l’homme dans certaines circonstances.
Il me fallait représenter les monstres qui de leur haine aveugle ont participé, persécuté, mis à mort des hommes, des femmes, des enfants en les réduisant en cendres après avoir anéanti leur dignité. Cela pouvait paraître incongru, voire inutile. Cependant ne pas montrer le tortionnaire c’était aussi l’exonérer de toute responsabilité. Et les visages de ces tortionnaires – en les observant et en les détaillant pour les peindre – se sont révélés encore plus monstrueux par leur apparente “normalité”.
Je ne prétends nullement faire une exposition historique ou documentaire à travers ces peintures et encore moins en retirer une quelconque reconnaissance morale ou artistique. Les portraits se veulent être surtout un rappel à la mémoire à l’heure où l’antisémitisme, le racisme de tout poil, l’extrémisme religieux, et toute forme de bêtise qui exclut l’autre renaît ici et là, aussi bien en Europe que dans le monde. J’aurai pu aussi, comme chacun peut le penser, m’abstenir de peindre à partir des documents sur l’Holocauste mis à ma disposition. Mais là est un autre débat concernant la relation que peut entretenir tout “être humain” avec ses propres ténèbres.
Des camps de concentration et d’extermination, il ne reste souvent en mémoire que des images de charniers, des corps démembrés, des visages émaciés sur des châlits, des êtres fantomatiques qui semblent errer parmi leurs libérateurs. Il existe une grande confusion dans les images, souvent éditées dans la précipitation de l’époque. Des photographies publiées sans grande précaution d’exactitude concernant les identités des victimes, mal légendées sur les dates, les lieux etc…Mes peintures ne sont pas la copie exacte des documents photographiques. Mais, malgré leur interprétation (souvent éloignée de la représentation photographique), j’ai essayé de les légender dans la mesure du possible sans prétendre à l’exactitude. Les comparatifs de libellés que j’ai pu entreprendre pour certaines photos et publications témoignent de grandes contradictions.
Une exposition photographique, est très souvent construite selon un cheminement bien établi. Selon une chronologie, historique, artistique ou émotionnelle et des panneaux explicatifs, accompagnent les œuvres ou documents. Cet itinéraire permet au visiteur, de photo en photo, de salle en salle, d’appréhender correctement l’exposition selon le rythme souhaité par l’organisateur. Ce processus didactique n’existe pas forcément sur internet et les les images sont le plus souvent livrées brutes à l’internaute. En réponse à cette carence j’ai tenté une sorte de progression virtuelle qui était somme toute très conceptuelle et n’a peut-être pas été bien perçue.
Sur les portraits j’ai tenté dans un premier temps la technique de “distanciation” (floutage)”. Comme le définit le peintre “Gerhard Richter” dans le texte suivant, je me suis rendu compte bien vite que cet éloignement par rapport à la réalité, ne me permettait plus de rendre les visages expressifs.
J’ai donc commencé avec une facture habituelle cette série en noir et blanc comme le sont la plupart des documents réalisés à l’époque de la libération des camps. Il m’était nécessaire tout d’abord de poser le thème en quelques images symboliques et “redondantes” des camps d’extermination. Il n’a jamais été question de céder à un voyeurisme malsain en représentant des charniers ou d’exploiter l’atrocité en utilisant des photos choquantes ou obscènes. La couleur s’est initiée progressivement dans la galerie pour rendre chaque portrait plus éloquent, comme faisant partie de notre quotidien, de notre temps d’aujourd’hui. L’idée étant de faire oublier que nous étions dans un autre espace temps, et de ne plus considérer ces hommes et ces femmes comme des silhouettes du passé, mais comme des personnes bien réelles le temps d’une vision. Il me fallait implanter chacun des personnages ici et maintenant. Puis la couleur défraichit, pâlit, se flétrit pour certains portraits comme les teintes d’une image trop longtemps exposée au soleil. D’autres peintures se sont durcies à l’exemple d’une image reproduite encore et encore telle une photocopie qui sombre dans un uniforme bitume .
Cette série de peintures a immédiatement posé le problème de la reconnaissance. Que convenait t’il de commenter ? La peinture, le style, la maîtrise du peintre, le sujet, l’émotion que l’image suscitait. Comment apprécier des images qui reposent sur un thème relatif à la monstruosité. Je n’ai pas la réponse. Je pense que les visiteurs ont leur propre idée. En tout état de cause, j’ai le sentiment d’avoir fait ce que ma conscience m’indiquait de faire.
Les images, lorsqu’elles ne deviennent pas des “icônes” tendent vers l’indifférence, vers le commun, remplacées par d’autres plus récentes, plus en accord avec notre époque. Les photos de la Shoah, leur durabilité, leur conservation sont comparables au travail de notre mémoire…fragiles, soumises à l’effacement et parfois aussi à la manipulation. Un ami me disait que la visite du camp d’Auschwitz comptait plus de touristes asiatiques que d’européens alors que nous ne sommes qu’à deux heures d’avion du site. L’oubli est-il donc en marche ?
Je rapporterai ce texte d’Arno Gisinger (dans Mémoire de camps : Photographies des camps de concentration et d’extermination nazie – 1933-1999) à propos de Gerhard Richter, qui montre la difficulté que la peinture peut avoir à traduire l’extermination de manière frontale.
“Dans les productions contemporaines, il existe enfin une dernière catégorie d’artistes qui a choisi d’utiliser comme vecteur de la mémoire culturelle les images d’archives plutôt que les objets, les lieux ou les êtres humains. La tentative du peintre Gerhard Richter, de retranscrire sous la forme de tableaux peints des photographies d’archives, peut être considérée comme un point de référence pour cette catégorie de travaux. Richter effectua dans les années 1960 des recherches préparatoires pour une série sur les camps. Comme en témoigne Atlas, son recueil “d’esquisses photographiques”, il collecta alors des images d’archives dont il réalisa des reproductions volontairement floues. Aucun tableau utilisant, de près ou de loin, ces photographies ne vit cependant le jour. Richter expliqua d’ailleurs qu’il avait rapidement dû renoncer à sa technique habituelle de distanciation par le flou. Selon Fred Jahn c’est parce qu’il “ne voulait pas mettre en jeu de manière inconsidérée l’exigence morale de l’art”. La transformation de documents photographiques mimétiques en images peintes, procédé maintes fois utilisé par l’artiste, semblait vouée à l’échec car “l’horreur et les souffrances atroces montrées par les prises de vue originales ne [pouvaient] subir aucune transformation esthétique, celle-ci ayant pour résultat la disparition de l’individu, et finalement la banalisation”. Il est tentant d’interpréter cet “échec” de Richter comme un constat d’impuissance de la peinture face à l’effet percutant des photographies d’archives. Mais, à y regarder de plus près, il semble que les interrogations éthiques et esthétiques de Richter aient été finalement productives. Car, par la suite, Richter établit un rapport direct entre ce constat d’échec et la genèse en 1970 de sa série de monochromes gris. Par cette série, l’abstraction, c’est-à-dire l’impossibilité de la figuration, s’était imposée à lui comme la seule et unique solution pour représenter l’extermination.”
- Pulvérisation de produit désinfectant, Vaihingen 13 avril 1945
- Victime, légionnaire français, Vaihingen 11 avril 1945
- Victime, jeune russe atteint de dysenterie, Dachau fin avril-début mai 1945
- Victime, Émile-André Poupleau, Auschwitz 8 juillet 1942-17 août 1942
- Gardien à Buchenwald battu, 20-25 avril 1945
- Gardien à Bergen-Belsen, Franz Starfl, publié dans le Picture Post le 22 septembre 1945
- Gardienne à Bergen-Belsen, Irena Paschka, publié dans le Picture Post le 22 septembre 1945
- Gardien à Bergen-Belsen, Auzen Kinkartz, publié dans le Picture Post le 22 septembre 1945
- Gardienne à Bergen-Belsen, Wally Kierschke, publié dans le Picture Post le 22 septembre 1945
- Gardien à Bergen-Belsen, Ostrowski, publié dans le Picture Post le 22 septembre 1945
- Victime non identifiée, Dachau. Publication du 3 décembre 1936 dans Illustrierter Beobachter
- Victime non identifiée, Buchenwald 24 juin 1944
- Victime non identifiée, Buchenwald 24 juin 1944
- Victime, Albert Heis, Dachau 1942
- Victime non identifiée, Dachau. Publication du 3 décembre 1936 dans Illustrierter Beobachter

Ici, les croquis sont réalisés au pinceau d’un seul jet. Contrairement à l’aquarelle qui reste pour une partie en surface et autorise des corrections ou atténuations, l’encre pénètre tout de suite le papier compte tenu de sa fluidité. Le rendu est éclatant, plutôt dense et saturé comparé aux résultats obtenus avec l’aquarelle. Avantage ou inconvénient pour certains sujets, l’encre sèche assez vite et fonctionne plutôt bien par glacis. La densité de la couleur réclame beaucoup d’eau et nettoyer son pinceau et passer d’un bleu foncé à un jaune clair sans polluer la teinte la plus claire est d’une grande difficulté.










Quand on parle “encre à dessiner”, on pense très souvent à l’encre de chine. Traditionnelle et universelle elle est majoritairement utilisée par toutes sortes d’artistes. Il en existe de différentes qualités, plus ou moins denses, plus ou moins indélébiles. Pour ma part, j’aime aussi utiliser des encres classiques (Waterman, Sheaffer, Mont Blanc…) pour stylos plume. L’avantage est de dessiner avec un stylo dont l’encre pourra être ensuite diluée au pinceau mouillé. Cette façon de procéder permet de créer rapidement un jeu d’ombres sur son dessin.


porte plume Déleter est conçu pour accueillir les trois types de plumes de sections différentes. À l’usage, chaque plume développe son propre caractère. La plume Saji est une merveille de douceur. La Maru, la plus fine et au plus petit diamètre est la plume qui permet les traits les plus fins. Le blister Deleter m’est parvenu du Japon. Distinction toute asiatique, dans l’enveloppe scellé, j’y ai trouvé un petit origami représentant un oiseau. Quelle société Française aurait pour un modeste client ce genre d’attention?

Je ne renie pas pour autant mes vieilles plumes que je conserve pour certaines depuis trente ou quarante ans et qui, comme un vieux moteur poussif ont parfois bien du mal à démarrer. Mais quoi de plus émouvant qu’un trait lancé dans une fière assurance, qui soudainement dérape et perdant le contrôle de son encre me dépose une flaque noire, souillure sur la feuille immaculée. Il y a de l’indulgence à avoir car nous avons vieilli et bravé bien des difficultés ensemble. Nous sommes liées d’une fidélité complice. Il y a là, au repos la mythique plume Sergent Major, dédiée à l’apprentissage de l’écriture jusque dans les années 60. J’avoue avoir un petit coup de cœur visuel pour la plume en forme de main pointant toujours son index en direction de la page blanche.
Dans ma boîte à surprises, il n’y a pas que de la noblesse pure et dure, de l’acier insensible et fonctionnel. Dans ma boîte existe ce que j’appelle modestement mes outils “rustiques”, bouts de bois, bambous, morceaux de branches et même cure dents taillés. Ils apportent de l’inattendu, de la surprise en raison de leur caractère. Ils sont de ceux que l’on ne dompte jamais totalement parce que rien n’est fait dans leur nature pour se plier à un exercice de précision. Lorsque la main devient trop directive et tente de circonscrire l’outil “rustique” dans une norme dont il se moque, elle se heurte aux limites physique même de l’instrument.
Comme on le dit parfois de quelqu’un dont on ne comprend pas l’attitude ou les prises de positions, on parlera de comportement “fantaisiste”. Et “fantaisiste” est bien le mot approprié pour mes outils faits de bric et de broc. Au fil des jours, des saisons ou des opportunités, ils évoluent ou disparaissent pour être remplacés par de nouveaux bouts de bois, de nouveaux brins, de nouveaux accessoires.











































































Je n’ai pas grand chose à dire sur cette galerie dont certaines réalisations ont été publiées sur Facebook. Il m’arrive de ne plus savoir exactement ce qui a déjà fait l’occasion d’une publication. Les dessins et peintures, s’accrochent sur mes murs, s’entassent dans des cartons pendant un certain temps et partent comme un vin vieillir dans ma cave sur quelques étagères. Le temps bonifie t’il les peintures ? J’en doute. En tout cas ce que je sais c’est que l’absence de lumière agit sur l’huile de lin contenue dans les couleurs. Cette action assombrit les “œuvres” et il faudra une exposition à la lumière pour leur redonner leur éclat. Comme quoi, en peinture il faut aussi posséder un savoir de “petit chimiste”.





















Vous êtes prêts à vous lancer !
Il faut savoir que la pointe d’argent ne permet aucun repentir. Le trait doit être direct, car impossible de gommer, de se reprendre d’une quelconque manière. La réalisation des ombres, des valeurs se fait avant tout à l’aide de hachures finement croisées.
Commencez votre dessin avec légèreté, douceur et augmentez lentement la pression et le nombre de hachures pour obtenir des valeurs plus fortes. Mais, ne vous attendez pas à produire des zones très foncées, proches d’un grisé comparable à celui d’un crayon graphite. Le dessin général est d’une teinte grise légèrement bleutée et brillante. C’est le temps, son exposition à l’air qui va peu à peu donner à l’œuvre tout son charme. L’argent, va lentement s’oxyder, se foncer et donner cet aspect brun que vous pouvez voir avec vos couverts en argent. Des passionnés, des pinailleurs ou des fous (difficile de les qualifier) ont observé que selon la région, l’environnement écologique ou la météo, l’oxydation s’accomplissait de manière différente. Alors, pourquoi ne pas déplacer ses dessins d’un endroit à l’autre pour obtenir de multiples variations.


















L’hiver a ceci de positif, c’est que dans la plupart des cas, la météo étant peu favorable, il est difficile de sortir et c’est un bon prétexte pour rester peindre bien au chaud. C’est le temps privilégié pour s’essayer à la nature morte, à dénicher chez soi ce que l’on pourra bien représenter. Une pomme fripée, un morceau de pain, une sardine fraîche dans une assiette ou même une cafetière cabossée peuvent faire l’affaire. L’important étant moins le sujet que la façon de le peindre (avis tout à fait personnel). 













En parlant de portrait chacun s’attend à une “image” ressemblante du modèle. Un portrait n’est pas forcément l’image exacte du sujet.



































