C’est parfois en suivant la ligne vagabonde d’un renard parmi les herbes humides, ou la trace d’un chevreuil laissée sur un chemin mou qui m’amènent là où je plante mon chevalet. La baie Saint-Jean à Crac’h est une immense étendue de sable, de vase, d’herbes marines, au milieu de laquelle déambule silencieusement la marée. C’est au plus profond, au plus secret d’un de ses méandres que j’ai trouvé un petit havre de tranquillité. Exil. Le sentiment d’être au bout d’un monde. Silence, à peine émaillé au loin de quelques cris de goélands chamailleurs. À l’extrémité de cette anse oubliée s’écoule un petit ruisseau entre des blocs de granit noircis par le temps. Sous le mouvement flegmatique des pins et à l’ombre bleue des chênes quelques monstres granitiques s’envasent inéluctablement. Submergés, subissant la transgression marine, des monolithes héroïques tentent de survivre à la gangue oppressante. Au fil de la journée, entre la lumière chargée d’or du matin et l’ombre violette de son déclin, la baie délivre à tout être vivant son apaisante plénitude et souveraine beauté.
La canicule n’aura pas lieu. Enfin pour l’instant, elle ne s’est pas manifestée en Bretagne et c’est tant mieux. Il a fait chaud, normalement. Même si certaines journées ont été étouffantes. Quelques heures de pluie bienvenue ont ponctué l’été et ont permis à la nature de conserver toute sa fraîcheur. Ah, le bonheur de tous ces verts nuancés subtilement qui envahissent le regard. Ils offrent encore la possibilité d’une vie agréable sur terre alors que les régions inondées de soleil sont déjà les prémisses de futurs déserts hostiles à l’humanité. Sans oublier les domaines naturels qui perdent toute vie en quelques heures dans un embrasement de plus en plus difficile à maîtriser. Cette année, encore plus que d’habitude, je ne me serai beaucoup tourné vers la mer. Fréquentées par des hordes bruyantes fuyant la chaleur du sud, les plages Bretonnes font le plein. Et c’est de loin, sur les dunes que j’observerai la plupart du temps la mer. Loin, bien loin du tumulte des vagues et de l’agitation estivale. Le matin très tôt et le soir, seront mes moments favoris pour me glisser dans une nature retrouvée.
La vague avait passé. Perfide, affreusement silencieuse et dissolvante. La vague avait investi langoureusement mais inexorablement le havre. Soulevé les chalands comme de vulgaires semelles, que de braves gaillards d’hommes s’épuisèrent à amarrer tant de fois, que leur boute cédant, laissa partir au large leur gagne pain. La vague avait passé et sur les berges ruinées les herbes folles frémissaient encore de stupeur. Dans un désordre échevelé, elles mollissaient au vent, soyeusement mêlées formant un ondulant tapis.
Sur la grève à l’écart, là où le marin remise son attirail et confine sa pêche dans un baraquement – tout en le protégeant du mauvais temps – la vague avait tout emporté. Au clou, chaque jour l’ouvrier délaissait son bonnet de marin. Le sel avait nettoyé l’acier de sa rouille jusqu’au cœur. La lourde porte couleur de ciel contrarié, avait été chahutée si bien d’un côté et de l’autre que, sortie de ses gonds, elle gisait désormais sur le sol de béton.
Sur les murs carrelés, l’électricité échappée de ses gaines épousait le moindre filet d’humidité. Des arcs lumineux surgissaient en crépitant, couraient d’un mur à l’autre autour de moi. L’esprit de la vague habitait encore l’endroit et ne semblait pas vouloir l’abandonner. J’étais l’importun dans l’antre du Léviathan. Alors que le paysage tout proche s’éclairait déjà de pastel sucré, au loin le faîte des grands arbres pliait toujours sous la force de la tempête. Derrière la désolation, au beau milieu des décombres dispersés par la vague, une tâche rouge émergeait, droite, insolente. M’approchant, je vis une fleur à la bouche écarlate. Ses lèvres veloutées s’entrouvrirent pour me parler.
“Vois le lien qui m’unit à la terre. Comprends combien un simple geste adressé en toute innocence, me touche et me fait sentir si forte. Respecte ce fil ténu désormais enlacé autour de mon corps. Il est devenu nécessaire à ma vie, à ma joie, à ma beauté. Sois comme ce brin tendu. Donne ton âme, ton corps au monde et à l’espace. Repousse le Léviathan au fin fond des abysses car lui, ne recherche qu’une seule chose sur cette terre : retrouver le chaos originel.” Alors que ces mot résonnaient encore en moi, je sentis la vague perverse, gronder avec force et venir sur moi. Je fus soudainement soulevé dans une lueur translucide. Mes yeux s’ouvraient sur des formes diluées, évanescentes et claires.
Le sol n’en finissait pas de disparaître. Mon esprit vacillait peu à peu. Ma force s’amenuisait. Mon corps tout entier s’abandonnait aux douces clartés qui m’appelaient d’une voix si cristalline. Autour de moi une chevelure d’ange se développa, fine, douce, m’enroba d’un voile tissé d’un fil de lumière. L’étreinte se resserra jusqu’à ce que je ne puisse ni bouger ni respirer. Asphyxié je dus fermer les yeux. Lorsque je revins à moi une douce brise effilait quelques nuages cotonneux. La mer profonde et assoupie jouait de son ressac comme à l’accoutumée. L’abominable avait enfin rejoint son antre. Le jour renaissait. Il allait faire beau.
Oleksandre Matsievskii (encre sur papier 14×22 cm)
Que vaut l’interdiction de tuer pendant la guerre. La guerre dépasse les bornes. Elle dépasse la conquête des espaces autant qu’elle réduit le champ des libertés. Le monde subit l’effondrement des valeurs, y compris dans les rares territoires qui ne sont pas engagés. Qu’un homme soit disposé à tuer ou attaché à la valeur sacrée et universelle de la vie, peu importe. Tout est perverti dans la guerre. Soldats et civils se mêlent au chaos. La distinction entre l’arrière et le front vole en éclats et le meurtre de guerre flirte avec l’assassinat. Pour les soldats, tuer est un devoir. Tuer est vertueux. La guerre brise toute morale et ce nouvel ordre établi, procure parfois à l’homme l’ivresse du sang et de la cruauté.
La guerre éduque à l’inhumanité.
Texte extrait du documentaire 1942 (femmes, hommes, et enfants, racontent l’année 1942)
Je dois posséder dans des cartons quelques milliers de croquis réalisés à l’atelier de de Modèle Vivant. J’ai souvent pensé qu’il était dommage de ne pas profiter de tous ces dessins tout en me demandant comment je pourrais en tirer parti. Devaient t’ils dormir tranquillement dans l’obscurité de ma cave et se dégrader peu à peu, rongés par le temps. Ou prendre vie en retrouvant un peu de lumière. La difficulté que j’ai toujours ressentie à l’utilisation d’un croquis, c’est que, dans ses lignes très libres et sans repentir, il possède une force brute qui est pratiquement intouchable. Un croquis est une fin en soi. Le croquis doit fuser de la main. La spontanéité bannit de ce fait tout recours à la gomme. Du croquis à la peinture, il y a un parcours à inventer, la nécessité de le re-interpréter. Et bien souvent de passer à côté du meilleur.
Huile 50×65 cmHuile 50×65 cm
Si le croquis de nu fixe rapidement par quelques traits noirs l’essentiel d’un modèle, il n’en est pas moins relativement dématérialisé. Le croquis de nu n’a pas de volume, pas de contenu et c’est le rôle de la peinture de lui apporter les ingrédients nécessaires pour lui rendre un aspect plus charnel. Quels tracés essentiels conserver. Quel espace créer autour de la figure et quelle ambiance colorée lui offrir. Le questionnement nait du besoin d’assurance, de la nécessité de limiter l’inconnu, d’anticiper le coup d’après. Il s’avère que la réponse arrive très souvent de manière toute naturelle dans l’action. Garder, ajouter, transformer ou reprendre à l’identique, voilà le jeu progressif, toujours excitant. Modeler, assembler, puis gratter la couche comme on gratte une peau, redessiner les formes, ambiancer, développer une profondeur. C’est le jeu du “stop and go”. La peinture est une guerre de mouvements. (Les peintures originales sont au format 50×65 cm pour une partie et 16×24 cm pour les formats les plus petits.)
Il m’arrive de temps en temps de faire des tentatives techniques. Je me dis “tiens et si je faisais ça comme ça !”. J’ai compris qu’en changeant sa manière de faire, en faisant des essais de toute sortes, on découvre tout un tas de nouvelles possibilités. On finit par ne plus avoir d’appréhension face à la technique, les outils se banalisant on donne plus de place à l’expression. Bien connaître les possibilités des outils en sa possession me paraît indispensable et développer leur utilisation est nécessaire. Alors autant se lancer dans l’aventure. Pour cette série de portraits, j’ai mélangé pastel sec, oil stick et peinture à l’huile. J’ai déjà parlé des bâtonnets de couleur à l’huile ici (oil stick Sennelier), de leur qualités et défauts. Véritable huile solide, ils se mélangent parfaitement avec l’huile traditionnelle. Ne pas oublier que leur utilisation se fait surtout en y mettant les doigts. Donc, des gants en latex peuvent être recommandés. J’ai selon les cas, commencé à dessiner et mis en place la couleur avec du pastel sec. Puis fixé celui-ci avant de revenir sur la base avec les sticks ou la peinture à l’huile. Ça fonctionne très bien. Le pastel sec ne se mélangeant pas avec l’huile, j’ai pu m’en servir en le laissant apparaître parfois entre les touches de peinture. Le plus gros avantage que je vois aux bâtonnets de couleur (huile ou pastel), c’est cette rapidité qu’il y a à poser une couleur sans avoir à la fabriquer sur la palette. C’est très instinctif. Et en travaillant avec une gamme limitée, des couleurs inattendues, voire un peu “sauvages”, peuvent apparaître faute de choix.
Petite escapade dans le Vaucluse au pied du Mt Ventoux en cette fin de janvier. Le soleil et le ciel bleu assurés. Il fallait aussi compter sur des matinées particulièrement froides. Les gelées quotidiennes n’ont pas eu raison de ma détermination à poser ma boîte de peinture sur le motif. Dire que peindre au lever du jour par moins 5° fut agréable et facile, serait exagérer. Contraints par une grosse parka, mes gestes sont gauches et mécaniques. Le froid peu à peu rigidifie mes doigts. Peindre avec des gants me fait perdre la sensation des appuis, de la précision. Le manche des pinceaux glisse entre mes doigts. Les après-midi seront bien plus agréables. En cette saison, les paysages sont lumineux et magnifiques, teintés principalement d’ocre, de brun qui virent selon l’heure et la lumière aux nuances de mauve et de rose. Quelques touches de vert parfois tendre, parfois sombre ponctuent des parcelles incertaines. Les rangées de vignes plantées sur le sol calcaire, dessinent des lignes parallèles en descendant mollement la pente des vallons. Quelques chênes, par leur position dominante, magnifient des bosquets en conservant à leur cime une parure de couleur or. Dans le lointain, sur l’horizon occulté par les premières pentes du Ventoux, une fumée laiteuse monte paresseusement vers le ciel. Un chien aboie quelques instant, et le silence paisible revient, m’enveloppe de nouveau. Il ne reste plus que le chuchotement du pinceau posant la couleur sur le support.
Combe de Saint Estève.Combe de Saint Estève.Combe de Saint Estève.Combe de Saint Estève. Au loin Bedoin, en fond les Dentelles de Montmirail.Combe de Saint Estève. En fond le Ventoux enneigé.Combe de Saint Estève.Combe de Saint Estève.Sortie de Sainte Colombe. Sur la route du Ventoux.Combe de Saint Estève. Les vignes.Bedoin, combe de Curnier aux Colombets.Sainte Colombe.Combe de Saint Estève. Les vignes.Bedoin, les Couguious et la falaise d’ocre.Les Bruns depuis la combe de Saint Estève.
Passent les heures, passent les jours, les années et s’enfuit le temps comme le sable du désert coule entre des doigts gourds. Combien de silhouettes devenues vacillantes, de visages fugitifs, de voix atones peuplent mes souvenirs. Il y a les figures des proches qui ont fait le miel de mon enfance, souvent la contrariété de mon adolescence et ont révélé mon impuissance face à leur déclin. Combien de vies croisées, d’hommes et de femmes rencontrés, salués amicalement ou enlacés affectueusement dont je ne sais plus rien…de leur existence ou de leur absence. Des vides se créent et ne se comblent que de fugitives illusions. Ceux qui se sont perdus en route, ne retrouvent que rarement le chemin. À force d’attendre, de remettre à demain, la trace ténue qui nous relie s’estompe pour devenir aussi discrète qu’un fil de soie. Parfois, sans avoir fait appel à quelque incantation, un visage, une voix réapparaissent pourtant et prennent possession de mon esprit. L’incarnation est éphémère et entretenir un lien avec elle est tout aussi impossible. Un avatar n’est de nulle part et n’a rien à dire. Je me retrouve alors stupide, face au miroir à sonder dans la profondeur des reflets ma propre solitude et à douter de ma réelle existence.
Je ne résiste pas au plaisir de vous faire découvrir les dessins de ma petite fille de 15 ans qui s’est lancée dans les portraits de ses copines et copains à partir des photos qu’elle a faites. Je suis très fier d’elle et un peu de moi aussi pour l’avoir initiée et encouragée à ne jamais abandoner le dessin et la peinture. La construction du visage, les proportions sont bonnes, ombres et lumières sont parfaitement placées, l’ensemble est cohérent sur le plan de la couleur…et déjà un certain style. Maintenant, il faudra aller plus loin encore et toujours.
Le livre existe pour raconter des histoires. De vrais histoires d’hommes, d’animaux, de plantes. Des fables qui racontent un autre passé, un futur qui n’existe pas et aussi des paraboles mille fois refaçonnées pour rassurer l’être face à l’inconnu. Si le livre écrit a ses mots pour faire rire, pleurer ou réfléchir, et s’il m’emporte vers la culture de l’esprit, le livre d’images avec ses empreintes colorées sur papier blanchi, possède à sa manière une autre force d’évocation. L’album photo familial sitôt entrouvert, exhale d’entre ses pages plastifiées, la joie, l’amitié, l’amour réussi ou l’amour trahi, la naissance ou le souvenir de la disparition. C’est étonnant comment ce catalogue de moments passés, parvient à revisiter l’histoire des uns et des autres. Sur les plus vieilles images imprégnées de blanc et de gris, parfois floues ou à la limite de l’effacement renaissent incessamment les personnages qui ont accompagné mon parcours. A cette époque, la photo devait fixer pour “presque” l’éternité le mieux que nous étions. Il fallait observer la cérémonie du “bien habillé”, du sourire et surtout celle de l’immobilité en fixant l’objectif.
Dans le vieil album photo certaines vies silencieuses attendent impatiemment mon passage. Sous mon regard indulgent elles s’animent, reprennent de la couleur. Le récit se fait tantôt drôle tantôt dramatique. Je me moque gentiment…un peu, et parfois même beaucoup. Non mais, comment étions nous accoutrés à cette époque! Sous mon œil observateur, un détail ignoré apparaît et recompose la scène avec un nouvel éclairage. La photo, c’est cet instant là, précis, celui qui défie le temps. Elle devient le rocher immuable à l’ombre duquel coule une source. Alors quand les visages aimés s’effacent de ma mémoire, quand le grain de leur voix faiblit, je me penche humblement sur l’onde claire. Sur la photo, il y a les êtres qui sont, ceux qui ne sont plus et ceux qui se sont perdus dans les pages. Partis, sans un aurevoir, dans l’indifférence parce que…parce qu’il y a tant de raisons d’oublier les autres pour ne pas se détourner de son empressement. Tiens, mais comment s’appelait-t’il déjà, qu’est-il devenu ?
Dans ce grand recueil de vies passées et à grandir, tout le monde y est beau, les sourires me sont adressés comme un hommage, un éternel encouragement pour l’avenir. Malgré l’absence de couleurs, l’image raconte la clarté ocre d’un jour d’été. Je ressens encore cette ambiance chaude et cette lumière si dure, si haute qui me faisait cligner des yeux et souligne mon visage d’une ombre comme si je portais un masque. Je me souviens bien de cette couleur vert tendre que tu portais. Par contre, je ne sais plus qui tu regardes en dehors du cadre. Ta petite “mère” aux bras si doux et au baisers si tendres ou un inconnu qui semble t’inquiéter. Les photos d’autrefois méritent bien plus qu’une place au profond d’une armoire aux senteurs de naphtaline ou de santal. Les vieilles images sont des messages sans cesse renaissants auprès des générations futures. Elles sont un monde entier, un monde en soi, que personnellement je ne saurais oublier.
La canicule de cet été a brûlé tous les arbres du parc et leurs feuilles sont au sol en couche épaisse comme en automne. Pourtant en quelques jours, et aujourd’hui 12 septembre 2022 dans le Morbihan, pommiers et poiriers sont en fleur comme au début du printemps. Que nous annonce donc ce chamboulement de saison pour cet hiver. La nature est tellement perturbée que les plantes ne savent plus quelle attitude adopter…un peu comme nous en quelque sorte !
Lorsqu’on parle “d’incertitude”, c’est souvent face à notre avenir. En pensant à notre futur qu’il soit proche ou lointain. C’est la grande incertitude née de l’incroyable complexité du monde, de sa phénoménale puissance indomptée. Il serait temps alors que l’on se rende compte que nous ne sommes pas des “dieux” sur terre. Ni attendus, ni élus. La grande incertitude, génère de l’angoisse mais aussi du plaisir, comme celui que l’on peut éprouver en s’avançant vers l’inconnu. La certitude s’affirme souvent par des preuves, des faits établis, vérifiés, approuvés. La certitude serait en quelque sorte liée à la vérité. À contrario, l’incertitude serait-elle alors l’expression du mensonge. L’un n’est pas le pendant de l’autre. Si l’incertitude est liée au doute, ce dernier ne serait-il pas un équilibre instable entre la vérité qu’on souhaite et une réalité que l’on imagine ambiguë. Je laisse tous les philosophes et tous les penseurs épiloguer sur le sujet plus efficacement que je ne peux le faire.
Pour ma part, je m’intéresse d’avantage aux “incertitudes”, à ces petites interrogations qui peuvent se poser chaque jour à ma réflexion et qui sont après tout sans aucune importance, et passent dans leur grande majorité totalement inaperçues. J’aime lorsque l’interrupteur fait “clic-clac” et que l’ampoule s’éclaire et s’éteint. Là, c’est clair ! Mais je n’ai jamais su lequel du clic ou du clac allumait et éteignait. Vous comprenez qu’après une petite réflexion, que dis-je un petit moment d’arrêt sur soi-même, la certitude fait place à l’incertitude et bien des questions se posent. Que se passe t’il exactement entre le clic et le clac ? La lumière est ou n’est pas ? De même une balle qui n’atteint pas son but, à quel moment infléchi t’elle sa ligne pour tomber ? Qu’en est-il lorsqu’on dit que le verre est à moitié plein ou à moitié vide. On peut penser que l’optimiste le voit à moitié plein et le pessimiste à moitié vide. Mais les rôles peuvent s’inverser. Le pessimiste peut se réjouir qu’il n’a jamais été aussi proche de le remplir. Et l’optimiste songer tristement que son verre sera bientôt vide. Finalement, on n’y comprend plus rien. On est perturbé. Chemin faisant, devant vous se dresse un bloc sombre, une barrière d’improbables ténèbres. L’heure passant, de ce magma indistinct émergent prairies verdoyantes, vallons aux sources claires, falaises pourpres et mordorées. Votre vision vous aurait-elle trompé. Peut-on faire confiance à sa vision alors que le temps évolue incessamment. Doit-on douter de sa capacité à représenter le monde dans sa réalité puisque celui-ci est en mouvement permanent.
Ce qui m’intrigue le plus, c’est par exemple ce moment de la journée que l’on nomme “entre chien et loup”. Je n’ai jamais compris à quel moment sortait le loup et se cachait le chien. Le savez-vous ? J’ai là quelques images qui sont à cette distance du clair et du sombre. Précisément à l’endroit même où ne peut pas se situer un interrupteur. Sommes nous à l’aube, au couchant ? Quelqu’un a dit “il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée”. Mais non voyons ! Une porte entrouverte est si prometteuse, si propice à l’imagination, et à quelques fantasmes aussi. Une peinture entre chien et loup, c’est la représentation d’un moment qui ne saurait basculer vers la lumière ou l’obscurité. C’est un mélange de signes visibles, distincts, de connaissance et de confusion mêlées. Je ne certifie rien des sujets, de leur moment, de leur heure, ou de leur lieu, encore moins de leur crédibilité. Ces peintures sont tout simplement le reflet de mes petites incertitudes.
Nous essayons de nous entourer d’un maximum de certitudes, mais vivre, c’est naviguer dans une mer d’incertitudes, à travers des îlots et des archipels de certitudes sur lesquels on se ravitaille… Edgar Morin.
J’ai toujours beaucoup de courage pour peindre le matin et beaucoup moins le soir. Je n’ai pas grand mérite car j’ai tendance à me lever naturellement vers 6h. En quelque sorte une horloge programmée en tête. Être en place au lever du jour me procure bien des plaisirs. Une belle lumière, mais surtout ici, dans la campagne morbihannaise, la rencontre presque quotidienne avec quelques chevreuils. En revenant plusieurs fois au même endroit je me suis rendu compte que ces derniers s’habituaient à ma présence. Les champs de blé n’étaient pas encore moissonnés et les chevrettes accompagnées de leurs faons gitaient en leur plus grande hauteur. Les premiers jours au bruit de mes pas, les mères détalaient en sauts gracieux, froissant les blés, abandonnant les petits déjà convaincus que l’immobilité et le silence étaient leur seule chance de survie. Puis, jour après jour à mon passage, elles relevaient uniquement la tête pour estimer le danger. Je voyais alors juste leurs oreilles et leurs grands yeux noirs émerger d’une mer d’épis dorés. Sans doute existait-il une certaine reconnaissance pour qu’elles ne fuient pas. Je leur parlais doucement chaque fois que je passais. Leur demandant comment elles allaient, n’espérant bien entendu aucune réponse. Mais l’absence de fuite était déjà un joli signe de confiance et un beau contact.
Et puis, un jour, ma peinture finie et déjà sur le retour, le long du champ de blé j’aperçois deux faons au loin, jouer sur le chemin. Je tente le tout pour le tout. Je connais la légendaire curiosité des chevreuils. Je me mets alors à les siffler très doucement comme lorsqu’on appelle son animal familier. Et les voilà tout à coup interrompant leur jeu, m’aperçoivent et gambadent vers moi à toute allure. Le premier arrive à quelques mètres et saute soudainement dans le champ de blé. L’autre me vient dessus et s’arrête à portée de main. Il me regarde quelques instants et comprenant son erreur, disparaît lui aussi d’un bond désordonné dans les blés. Quelle émotion ! Je suis resté un bon moment comme absent. Avec un vide inexplicable. Ma plus belle rencontre depuis bien longtemps.Toujours lors de mes peintures matinales, il y a eu aussi le chevreuil venu manger à quelques mètres de mon chevalet. Et moi immobile, caché derrière ma boite de couleurs, pendant un temps infini pour qu’il ne détecte pas ma présence. Il était si proche que je l’entendais mâcher les herbes et autres plantes que ces beaux mammifères sélectionnent avec gourmandise. Et puis tant d’autres chevreuils et chevrettes traversant prudemment l’espace découvert d’un bois, d’une prairie sans me deviner ni me sentir. Tout un monde sauvage et libre qui malgré des territoires de plus en plus segmentés par l’homme continuent à vivre pour mon plus grand étonnement et plaisir, en silence et en toute discrétion.
Âmes sensibles passez votre chemin ! Aujourd’hui, ça va être brutal ! Du sang, du bruit, de la fureur et plus rarement des larmes. Les combats de coqs produisent des images aussi fantastiques qu’impressionnantes de violence.
Il est évident que ces combats (savamment préparés), s’ils produisent des images fantastiques pour un photographe ou vidéaste, n’en demeurent pas moins une pratique contestable et très contestée. L’attrait du mouvement, de la couleur, de la dynamique générale et peut-être aussi de l’aspect du drame sous-jacent qui se joue dans ces affrontements de plumes, de becs et d’ergots ne peuvent que provoquer de l’intérêt pour un peintre. En dehors de l’aspect “esthétique” reflété par l’image, j’ai voulu en savoir un peu plus sur cette pratique que certains qualifient de “loisirs”, d’autres de “spectacle” ou encore de “sport” à dimension sociale. Je pensais que les combats de coqs étaient interdits en France. Il n’en est rien. Tout comme la tauromachie, il existe des exceptions dans certaines régions où elle est considérée comme une tradition locale ininterrompue (Hauts de France et Outre-mer). La France fait partie des 27 pays dans le monde à autoriser les combats de coqs et reste un des 3 derniers pays européens à tolérer cette pratique.
Les coqs ont une tendance naturelle à se battre. Profitant de ce fait inné, l’éleveur sélectionne les oiseaux les plus agressifs, les plus forts, les plus endurants afin d’obtenir une vraie “bête” de combat. Génération après génération, le “coqueleur” conserve les poussins mâles et 2 à 3 femelles de la couvée de manière à forcer l’accouplement entre les meilleurs individus. Après l’éclosion, les poussins mâles sont séparés plus ou moins tôt. Vers 5 mois les animaux commencent à devenir dangereux et sont séparés de la volière commune. Chaque coq est isolé dans son propre enclos ce qui les rend très agressifs. Bien souvent il reçoit une alimentation particulière, car il est considéré comme un sportif de haut niveau. Comme tout athlète, son entrainement peut commencer.
Dans le nord de la France, la préparation physique débute par de la course et des exercices de musculation, suivie par des combats d’entraînement avec les ergots protégés pour éviter les blessures. Le premier combat d’entraînement commence en général vers 8 mois. Il a pour but de savoir si le sujet est assez combatif pour poursuivre une carrière complète. Pour le premier combat officiel, leur crête est coupée ainsi que les ergots, remplacés par un aiguillon tranchant qui peut atteindre 5 cm. Les “coqueleux” mettent les coqs face à face, les excitent de la voix et du geste et les lâchent dans le “gallodrome” au milieu des cris des parieurs. La rixe à mort est limitée à 6 minutes. Une fois le combat terminé, le perdant est cuisiné et consommé.
Chaque pays dispose de coutumes, d’usages différents. Certaines pratiques sont plus que suspectes et peuvent être qualifiées d’actes sadiques. Pour la préparation du coq antillais par exemple, son dos est déplumé, le ventre et les cuisses, la peau est badigeonnée de tafia (rhum de seconde qualité) et exposée au soleil. Elle se durcit, devient rouge vif et forme une carapace dure et insensible. Tout est fait pour éviter la perte de sang qui affaiblirait l’animal durant le combat. Les rémiges (grandes plumes de l’aile) sont taillées. Les caroncules (excroissances charnues et rouges qui se voient au front, à la gorge, aux sourcils des oiseaux) sont coupées. La crête est rasée pour ne pas laisser de prises à l’adversaire. Enfin, les ergots sont sectionnés dès les 12 à 14 mois. Il existe également des moyens biochimiques (injection d’hormones mâles) ou le recours à des coqs domestiques comme victimes lors des entraînements, afin d’affûter l’agressivité des coqs. Les combats de coqs étant d’une barbarie extrême, l’Association Stéphane LAMART s’y oppose fermement, au même titre que les combats de chiens, qui sont pour leur part interdits en France mais pratiqués parfois clandestinement.
Voilà un bref aperçu de cette “exploitation animale” qui peut en choquer plus d’un. Pour ma part si j’apprécie l’intérêt des documentaires que ces combats de coqs peuvent produire à titre d’information, et l’impact saisissant des photos, j’avoue ne pas militer pour défendre cette “pratique” qui me paraît totalement en dehors de notre temps.
Un ensemble de peintures des mois de mars et d’avril tout en bloc. Principalement sur le Morbihan. Quelques personnages discrets, minuscules silhouettes déambulent dans le paysage. Un peu perdus sans doute. Prendront t’ils plus de place dans l’avenir ? Avant tout ce travail sur les ciels. Ces ciels qui se font et se défont continuellement, comme une marée de vagues. Si neufs et si anciens dans le même temps. (Dommage que le format du blog ne permette pas la publication de reproductions plus grandes.)
Oui,merci à toutes celles et à tous ceux qui par fidélité ou simple intérêt suivent mon blog. Amis forcément indulgents, inconnus simplement abonnés, silencieux mais bien présents (et qui ne m’adresseront sans doute jamais le moindre commentaire), j’apprécie votre présence à tous qui ensoleille mes journées et rejette au loin l’indifférence. À l’instar de cette petite goutte de rosée qui s’accroche à son fragile support et qui n’existera plus demain, les relations virtuelles sont fragiles et peuvent être éphémères. Même si elles ne sont pas parfaites, “moins bien est mieux que rien”. Merci de rester éveillés tous ensembles, curieux et à l’écoute des autres. Il est dit que l’art est un petit radeau contre la bêtise. Souhaitons que cet art soit surtout un gage de paix et d’intelligence entre les individus et les peuples. Serge San Juan.
On ne les aime pas trop ces oiseaux plutôt noirs au chant un peu rauque. Corneilles et corbeaux sont mal vus dans les campagnes. Les jeunes semis, le maïs, le tournesol, le soja, etc…sont des cultures régulièrement attaquées. La corneille est chassée, piégée et de fait elle nous le rend bien en étant très farouche. Le corbeau à l’inverse est bien plus sociable et peut se rapprocher des habitations. La corneille est souvent confondue avec le corbeau…de même, elle n’est pas la femelle du corbeau. Ces oiseaux sont d’une intelligence remarquable et savent utiliser des outils dans certaines occasions (cailloux, branches). Les corvidés ont très bien compris que nos poubelles sont de fantastiques réserves de nourriture. Les corneilles savent reconnaître l’alimentation à travers les sacs transparents. Ces sacs transparents se trouvant la plupart du temps éventrés, l’utilisation de poubelles en plastique rigide est fortement recommandée. En période de reproduction, les corneilles peuvent défendre avec acharnement leur progéniture par des vols d’intimidation, des coups de becs ou de pattes. Gare à vous !
Quel est donc le lien entre les corneilles et le fait de bailler ? Contrairement à ce que l’on pense, l’expression s’écrit “bayer aux corneilles”, et ça change un peu les choses. Mais on peut se montrer indulgent envers celui qui confond les orthographes. Au XVIe siècle, le terme “corneille” s’est étendu en désignant un objet insignifiant, sans importance. “Voler pour corneille” exprimait le fait de chasser un gibier sans valeur. Cet usage du mot “corneille” renforce l’image de futilité que nous associons aujourd’hui à “bayer aux corneilles”. Bayer est une variante de “béer” qui signifie “avoir la bouche ouverte”. Selon le sens des différents termes qui constituent cette expression, nous pourrions ainsi la traduire par “rester la bouche ouverte devant une chose sans intérêt”.
Enfant, par les belles journées d’été, dans ma campagne Normande, je m’allongeais dans l’herbe tiède la tête tournée vers le ciel. Et là, par la force de mon désir ou peut-être par le hazard des turbulences atmosphériques, de l’azur naissait soudainement d’audacieux nuages. En groupe ou en solitaire, ils traversaient mon champ de vision sans se presser, me livrant leur fantasmagorique imagerie. Toutes sortes d’animaux défilaient ainsi sous mes yeux se formant, se déformant, s’effilochant comme la barbe à papa. Bien souvent, des figures burlesques m’apparaissaient, celles avec une grosse tête, un gros nez ou de grandes oreilles. D’autres silhouettes plus menaçantes, cachées parmi d’innocents nuages, germaient sournoisement. Mesquines, elles se déformaient devenant géantes et, tutoyant la voûte céleste assombrissaient soudainement le jour. Alors, la nature toute entière s’immobilisait, les arbres ne bruissaient plus, et sur ma peau d’enfant, un frisson de peur dressait mon duvet. Mais, la lumière revenait et la vie un moment perturbée, reprenait son souffle tendre et doux.
Aujourd’hui, je ne m’allonge plus dans l’herbe. Non qu’il n’y ait plus de nuages, le ciel en est tant et tant chargé. Mais il y a quelque chose dans leur forme et leur couleur qui ne m’inspire plus confiance. Sans doute ai-je perdu en vieillissant cette part d’enfance et d’imagination qui faisaient se dessiner sous mes yeux innocents un monde féerique et joyeux. Le ciel s’est obscurci en même temps que mon esprit. Du fond de l’horizon, pourtant pas si distant, de lourds et pestilentiels cumulus chargés de rancœur se sont formés alors que j’étais aveugle. Aveugle, comme un enfant fermant les yeux pour occulter le danger qui arrive. Des poussières noires et poisseuses ont envahi l’espace libre. Des arcs électriques ont embrasé les nuages, résonnant sous leur ventre douloureux. Les jours et les nuits se sont chargés de mercures et de poisons sulfurés brûlant l’oxygène, étouffant la vie en tout endroit. Sous le masque impassible de l’infâme, couvait le feu vengeur de la guerre et roulaient depuis longtemps les tambours d’un ordre nouveau. Les foudres sont lancées dans un ciel d’obsidienne. Les nuages liquéfiés, pleurent du sang sur le pauvre sort des hommes.
L’immensité bleue a fait place aux ténèbres et aux sombres desseins. Des lueurs de feu transpercent les nuages, frappent en cohortes meurtrières les enfants qui ; hier encore regardant de leurs yeux grands ouverts, l’azur et ses nuages candides, attendaient des signes d’avenir et des promesses de bonheur. Pendant ce temps, une poignée de fous avaient déjà décidé de réduire en cendres à jamais leurs rêves les plus éblouissants. L’ordre de la nature a toujours fait fi des querelles humaines et les crimes même impunis n’ont jamais empêché l’aube de renaître. Tôt ou tard, le ciel retrouvera ses couleurs et son harmonie resplendira de plus belle. Il le faudra bien !
Chaque soir, me couchant et fermant les yeux, je me demande à quel moment il va me rejoindre et perturber mon sommeil. Il apparaît sournoisement dans ma nuit et aucun signe, aucun acte particulier dans ma journée ne saurait provoquer ou prévenir son arrivée. Lui, c’est l’être de l’ombre, celui qui me visite de façon improbable, qui tente de me happer et de m’entraîner dans son antre profonde et froide. Dans mon repos silencieux, il glisse sur mes rêves, il avance prudemment mais irrémédiablement se rapproche monstrueux. Je sens son haleine humide, l’odeur de moisi et de poussière de ses effets recouvrant son corps hideux.
Quel long voyage a t’il parcouru et pendant combien de siècles a t’il survolé les nuits des hommes, tourmentant leurs songes, transformant leurs espoirs en cauchemars. Pour l’instant je suis plongé dans un abîme de bitume. Des amis sans nom et sans visage me précèdent. Ils avancent doucement sur une pente vers une pièce au loin, très éclairée. J’ai beau me dépêcher pour les rejoindre, chaque pas que je fais me retarde sur leur avancée. J’avance tout en reculant. Devenus silhouettes dans la lumière, ils referment doucement une porte dont le filet de lumière se projette dans l’espace charbonneux. La lame étincelante perd peu à peu de son intensité. Dans un claquement sec de pêne, la porte se referme et m’emmure dans le néant. Alors, il s’approche. Je le devine naître doucement des ténèbres. Il ne bouge presque pas, se mouvant comme le brouillard coule dans une vallée, oppressant et figeant chaque chose et chaque être. Je ressens pourtant la force de son désir. Il me veut. Il est là pour moi.
Et les autres là-bas qui ne remarquent pas mon absence. Je les appelle doucement de peur de déclencher la fureur du monstre. Et rien ne se passe. Je crie de plus en plus fort, jusqu’à hurler alors toute mon épouvante. Je vois de mes propres yeux, ma bouche béante articuler jusqu’à la distorsion toute ma souffrance ressentie. Mais, aucun son ne parvient à mes oreilles. J’étouffe dans des sanglots d’impuissance ! Le monstre se rapproche, ses membres gainés de suie me frôlent comme un avertissement. Il va me saisir, m’envelopper dans sa gangue noire, me transformer en exuvie qui contraindra mes os. De toute ma puissance, dans une douleur ultime, j’expulse mon dernier cri ! On me pousse on me secoue, j’entends parler, comme dans un ailleurs. Du bruit, soudain une lumière s’allume puis s’éteint ; et je me rendors ! Le monstre de la nuit s’est évanoui je le sais, mais il en rôde toujours un autre quelque part de l’aube au crépuscule qui me suit pas à pas. Je ne suis jamais sûr de ne pas le voir réapparaître dès que je baisse la garde. Il est partout, tout le temps depuis tous les temps. Et hier, je l’ai encore vu !
Sorti de l’ombre d’un chemin, un enfant à la chevelure bohème s’est installé à mes côtés. Dessine moi un arbre me dit-il, après un grand silence. Un arbre ? Tu ne préfères pas que je te dessine un mouton ? Je croyais que tous les enfants préférais les moutons. Moi, je n’aime pas beaucoup les moutons. Ils bêlent tout le temps, ils sentent le suint et foncent n’importe où sans réfléchir quand ils ont peur. J’avais envie de lui faire plaisir et me mis tout de suite à l’œuvre. Tiens, voilà ton arbre. Bien grand, avec de grosses branches fortes et noueuses comme des bras de géant et coiffé d’une belle chevelure verte à son sommet. Pas mal du tout, mais ton arbre est-ce qu’il parle ? Je n’ai jamais entendu un arbre parler, lui dis-je. Même dans ta tête ? Euh non ! Bien franchement.
Pourtant regarde et écoute celui-ci avec sa branche cassée comme il geint lorsque le souffle venu de la mer secoue son membre estropié. J’ai beau tendre l’oreille, je n’entends rien. Tu n’entends rien peut-être parce que tes oreilles sont devenues insensibles au malheur. Sais-tu aussi qu’on entend mieux avec un bon regard. Tu as peut-être aussi besoin d’une bonne paire de lunettes. Je ne savais pas quoi lui répondre. À vrai dire les réflexions des enfants m’avaient toujours laissé dubitatif quant à leur évidence. Ce n’était pas ce gamin qui allait me donner des leçons.
Montre-moi ces autres dessins que tu caches dans ton grand carnet noir. Il se mit à feuilleter le carnet avec grande attention et pour chaque dessin ne m’épargna pas ses commentaires. Cet arbre là est bien discret, fondu dans le paysage. Je le sens rêveur. Il n’ose pas se montrer dans la lumière et se cache derrière ses voisins présomptueux. Leur orgueil est pour lui l’assurance de sa tranquillité. Vois comme il maîtrise ses branches pour gagner en humilité et survivre à proximité des géants. Celui-là, je l’aime bien pour tout ce qu’il ne dit qu’à demi mot.
Alors cet arbre là ne parle pas vraiment ? C’est vrai, celui-là il ne parle pas beaucoup mais tout est dit dans son allure. C’est bien compliqué tout ça, je ne comprends rien à ce que tu me racontes. Et ceux là, ils te parlent comment ? Ceux-là, chétifs et souples, pliant sous le poids de leur feuillage mouvant dans l’éclat du jour, jettent à tout moment des flash argentés comme un banc de sardines surexcité. Ils sont joyeux, plein de vie, de jeunesse. Ils cherchent à attirer le regard. C’est pour ça qu’ils sont si beaux. Et puis ceux-ci encore qui émergent de l’ombre pour profiter de l’air chaud, dessinent de leurs troncs rosés des arcs tendus à l’assaut de la lumière. Ce sont des aventuriers, des conquérants de terres vierges, de véritables colonisateurs. Tous les arbres réunis dans ton carnet de dessins ont tous une personnalité particulière. Observe leur peau rugueuse ou lustrée qui court de leurs racines au plus haut de leur faîte. Admire leur toison qui change de couleur au gré des saisons pour le simple plaisir d’embellir ta vie. Touche leur corps somptueux et équilibré qui les fait tenir sur une jambe même en pleine tempête.
Tu vois, au delà des apparences ils ont tous quelque chose à nous dire. Et ce n’est pas tant qu’ils aient réellement à nous parler que nous qui avons à les observer et à les comprendre. Tiens je vais te dessiner mon arbre préféré, me dit-il. De sa petite main, il effleura la feuille blanche par des mouvements circulaires. Il semblait caresser le papier et le dessin apparaissait comme par magie. Un sourire aux lèvres et satisfait de son œuvre il me tendit le cahier et disparut aussi secrètement qu’il était apparu.
Je restais là, à regarder son magnifique dessin. Un arbre de vie ! Il m’avait dessiné un joli arbre de vie. Sous mes yeux lunettés et stupéfaits, je vis le dessin de l’arbre s’animer et les branches avec ses feuilles se mettre à danser. Relevant la tête vers le paysage, je me mis à regarder l’arbre campé devant moi avec un œil neuf et interrogateur. Aujourd’hui encore, j’en suis à me demander si tout cela était bien réel. Dans mon carnet de dessin, l’arbre de vie qu’avait dessiné l’enfant a disparu, remplacé désormais par une simple page blanche.
Etre modèle et poser pour les peintres, est devenu un vrai métier. Un métier où la concurrence est grande. S’il fallait auparavant avoir un peu de culot et se présenter à la porte de n’importe quelle académie pour décrocher des séances de pose, c’est beaucoup moins vrai aujourd’hui. Il ne suffit plus d’avoir une esthétique harmonieuse ou un corps digne d’intérêt. Il faut aussi savoir poser. Dans les ateliers de dessin, on demande au modèle de se mouvoir dans l’espace, de savoir se placer dans la lumière, de se camper par rapport au public. De la pose statique aux poses en mouvement, le modèle se doit de proposer une collection complète d’attitudes qu’il adaptera en fonction de la durée des poses (entre 2 et 45 mn). De nombreux modèles calquent leur répertoire de poses à partir des peintures de maîtres. Il n’est pas rare d’avoir une attitude de Saint Sébastien peint par Andréa Mantegna, ou de celle de l’Odalisque immortalisée par François Boucher. On n’imagine pas réellement la difficulté physique de ne plus bouger avec les bras levés, les jambes repliées dans une position inconfortable. Le corps supporte alors de grandes tensions musculaires. Et malgré tout, cela ne suffit pas pour que s’ouvrent en grand les portes des ateliers. Il doit se créer quelque chose entre l’artiste et son modèle. Une relation particulière qui créera une alchimie dynamique. Un très beau modèle mais indifférent à son espace, ignorant du public à ses pieds sera la plupart du temps écarté au profit d’un modèle plus participatif. Un modèle aux poses paresseuses ou atones a souvent une mauvaise influence sur le résultat d’un dessin. Et puis chacun possède ses propres critères en matière de physique avec lesquels il se sent motivé. La femme a été depuis toujours la source privilégiée des peintres mais aujourd’hui je mets en avant des dessins d’hommes.
(Croquis à l’aquarelle temps de pose n’excédant pas 10 minutes)
Vous me direz, encore des peintures au carré ! Et oui, après les portraits, maintenant les paysages au carré. Cela veut-il dire que je tourne en rond ? Je dois avouer que ce format me plait particulièrement. C’est peut-être l’envie de sortir des formats conventionnels. Sans doute aussi compte tenu de ma fainéantise, un format carré m’en fait moins à peindre sur les côtés ! Mais non, je plaisante. Ce que je peux dire en tout cas, c’est que le format vertical pour un paysage (à la française) est un cadre qui ne m’inspire pas trop. Ce qui peut me séduire à la limite, ce sont les formats verticaux où le rapport largeur/hauteur serait très différencié. Mais les sujets de paysages susceptibles de se composer dans de tels formats sont un peu plus rares. Chinois et Japonais s’y sont confrontés merveilleusement. Je les laisse tout à leur art. Pour cette galerie, des sujets simples, habituels. Quelques arbres, un coin de champ ou de forêt lors de balades, un chemin, quelques ambiances saisies au lever du soleil en campagne. Voilà pour mon univers. Pour la technique, certains visuels sont réalisés à la gouache, d’autres à l’huile. Cherchez à les différencier si ça vous amuse.
Quel plaisir que de retrouver la simplicité de la gouache. Elle est souvent oubliée, méprisée même car elle rappelle les années scolaires, les heures de peinture autrefois sous l’œil bienveillant, mais parfois incompétent, du maître ou du prof de géographie ou d’histoire. Ces matinées ou après-midi étaient beaucoup moins l’expression d’une grande créativité que le moment de défouloir pour le plus grand nombre. On sortait alors sa boite de gouaches, en godets ou pastilles et sa pochette de papier Canson. Les mieux équipés possédaient leurs gouaches en tubes et faisaient figure de privilégiés. La différence matérielle opérait déjà une fracture entre les plus doués et les autres.
Ce sont bien des souvenirs enfouis qui surgissent à l’utilisation de la gouache. Ce qui me revient souvent en tête, ce sont les faibles moyens accordés à la peinture, au matériel lui-même. Quand une couleur était épuisée, je faisais sans, jusqu’à ce que ça ne devienne plus tenable. C’était toujours le blanc qui manquait en premier. Il fallait que je négocie avec mes parents pour acheter quelques tubes, un peu de papier. Cette fourniture créative n’étant pas la plus indispensable. J’avais donc toujours le temps d’attendre un peu. J’ai aussi en tête, l’image du bocal d’eau nuageuse qui se renversait sur la peinture, toujours au dernier moment.
Il y a une délectation toute naturelle à jouer librement avec la matière et sa couleur. En commençant mes autoportraits à la gouache, je me suis fait plaisir sans trop de contraintes techniques. De la couleur, de l’eau et du papier. Des ingrédients d’un grand commun. J’ai étalé de la couleur sans me soucier de la gestion du temps de séchage qu’impose l’huile. Ça soulage l’esprit. Ce qui m’a vraiment impressionné en découvrant les gouaches qu’un ami avait réalisées, c’est leur aspect mat, véritablement velouté. Il s’en dégage une douceur, une sensualité très charnelle. C’est une impression que je n’avais pas perçue auparavant. Et cela ne se ressent pas du tout à travers des reproductions. Comme quoi, voir un original apporte une dimension qui fait appel à d’autres sens que celui de la vue.
Cette série d’autoportraits, n’est pas la manifestation d’un égo surdimensionné, mais plutôt le fait qu’il n’y a pas plus simple de poser soi-même devant un miroir pour travailler le portrait. Par contre, se voir autrement que de face est une réelle difficulté face au miroir. Il sera facile au visiteur d’identifier le portrait qui est réalisé à partir d’une photo. Je ne reviendrai pas sur la sempiternelle “question du sourire” sur les autoportraits. Remarque ayant été déjà tellement traitée.
Je t'aime pour toutes les femmes
Que je n'ai pas connues
Je t'aime pour tout le temps
Où je n'ai pas vécu
Pour l'odeur du grand large
Et l'odeur du pain chaud
Pour la neige qui fond
Pour les premières fleurs
Pour les animaux purs
Que l'homme n'effraie pas
Je t'aime pour aimer
Je t'aime pour toutes les femmes
Que je n'aime pas
Qui me reflète sinon toi-même
Je me vois si peu
Sans toi je ne vois rien
Qu'une étendue déserte
Entre autrefois et aujourd'hui
Il y a eu toutes ces morts
Que j'ai franchies
Sur de la paille
Je n'ai pas pu percer
Le mur de mon miroir
Il m'a fallu apprendre
Mot par mot la vie
Comme on oublie
Je t'aime pour ta sagesse
Qui n'est pas la mienne
Pour la santé je t'aime
Contre tout ce qui n'est qu'illusion
Pour ce cœur immortel
Que je ne détiens pas
Que tu crois être le doute
Et tu n'es que raison
Tu es le grand soleil
Qui me monte à la tête
Quand je suis sûr de moi
Quand je suis sûr de moi
Tu es le grand soleil
Qui me monte à la tête
Quand je suis sûr de moi
Quand je suis sûr de moi
Je t'aime (Paul Eluard)
Les “mugshots” ou photos d’identité judiciaire ne datent pas d’aujourd’hui et sont consécutives à l’invention de la photographie. Lors de la conquête de l’Ouest, Allan Pinkerton fut le premier à utiliser les portraits des bandits et autres délinquants sur les fameuses affiches “wanted”. La photo s’est avérée rapidement insuffisante pour décrire un individu. Elle ne définit que les aspects physiques à travers l’image. À la fin du XIXe siècle le français Alphonse Bertillon met au point l’identification anthropométrique. Elle vient accompagner, surtout compléter par une indexation exhaustive, les détails qui vont permettre de reconnaître une personne sans risque d’erreur, notamment le risque de méprise avec un sosie. Selon les pays, les époques, on trouve des mugshots de différentes factures. Souvent portrait face et profil. Parfois un portrait doublé d’une pose en pied en habits de ville. C’est à partir de ces fiches d’identité historiques (d’origine australienne) que j’ai réalisé ces portraits, pour la plupart en noir en blanc ou sépia. L’époque que j’ai retenue est comprise entre 1920 et 1930.
(Il existe aujourd’hui sur internet un véritable trafic crapuleux à propos des “mugshots”. Des sites ont référencé les fiches et photos de milliers de détenus ou de personnes ayant fait l’objet d’une simple identification policière. Ces sites réclament plusieurs centaines ou milliers de dollars lorsque l’intéressé souhaite faire disparaître son portrait d’internet. C’est un véritable chantage. À contrario, internet a aussi permis dans de nombreux cas de diffuser des informations susceptibles de résoudre des affaires criminelles.)
Sur l’estran désormais abandonné au vent et à la vague, les grains de sable glissent et effacent promesses et espoirs. Qu’emporte l’océan, des misères et des joies dans son tumulte par delà la ligne d’horizon vers un pays indécis aux nouvelles couleurs. Que chaque syllabe prononcée, que chaque mot calligraphié soient l’accomplissement d’un destin unique. Que les prophéties d’un jour meilleur émergent au point de l’aube et se renouvellent à chaque flux. Sur l’estran de nouvelles promesses sont inscrites, toujours. Elles naviguent enfourchant amoureusement la crête écumeuse de l’océan. Et parfois sur la roche, une vague dépose dans un fracas de neige les bribes de vœux encore tout frais. Alors que le soir pousse à l’ouest un soleil fatigué, les dernières lueurs font scintiller sur le sable tiède le ventre nacré de quelques coquillages.
(Peintures technique mixte : encre, acrylique, huile. Format 50×65 cm)
Bientôt la fin septembre, signe de mon retour en région parisienne et l’adieu aux paysages du Morbihan. Avec une connexion internet au débit aléatoire, j’ai dû mettre de côté une bonne partie de mes peintures que je livre aujourd’hui aux flux indiscipliné. Pour le coup, ça fait un nombre conséquent de peintures. Une bonne partie des séquences où la mer est présente ont été réalisées en dehors des mois les plus touristiques de l’été. Juillet et août rassemblèrent ici toute une société d’arthropodes. Plages envahies d’insectes à deux pattes, chenilles randonneuses sur le sentier des douaniers, mille pattes motorisés formant une cohorte malodorante à toutes les croisées. C’est comme d’habitude à ce moment là que je me tourne vers l’intérieur des terres, la campagne fraîche aux senteurs odorantes et naturelles. Je reste plus que jamais fidèle à la peinture en plein air pendant ces mois passés dans le Morbihan. Je maintiens au maximum des séances sur le motif d’une durée n’excédant pas deux heures et je réduis au maximum les reprises.
Il existe la Grande “Zoa” et aussi la petite Zoé grimée en clown. Une transformation qu’elle semble particulièrement apprécier. Ça faisait un petit moment que je n’avais pas mis ce blog à jour. Voilà l’occasion grâce à cette séance de pose en live via l’application “Zoom” de combler cette lacune. Zoé nous a proposé deux heures de participation avec 2 poses sous trois angles de prises de vues. On en fait vite le tour dès lors que l’on ne se lance pas dans un dessin complexe ou une peinture qui réclame un peu de temps. Pour ma part, adepte du croquis rapide, j’ai doublé ou triplé parfois la même pose sous un angle différent en la reprenant avec des techniques distinctes (encre, fusain, crayons pastels ou aquarelle. Mais bref, cette séance m’aura remis un peu dans le bain, pour une rentrée soit avec du modèle vivant en présentiel…au pire en vidéo live.
Que c’est une chose charmante De voir cet étang gracieux, Où, comme en un lit précieux, L’onde est toujours calme et dormante ! Mes yeux, contemplons de plus près Les inimitables portraits De ce miroir humide ; Voyons bien les charmes puissants Dont sa glace liquide Enchante et trompe tous les sens.
Déjà je vois sous ce rivage La terre jointe avec les cieux Faire un chaos délicieux Et de l’onde et de leur image. Je vois le grand astre du jour Rouler dans ce flottant séjour Le char de la lumière ; Et sans offenser de ses feux La fraîcheur coutumière, Dorer son cristal lumineux.
Je vois les tilleuls et les chênes, Ces géants de cent bras armés, Ainsi que d’eux-mêmes charmés, Y mirer leurs têtes hautaines ; Je vois aussi leurs grands rameaux Si bien tracer dedans les eaux Leur mobile peinture, Qu’on ne sait si l’onde, en tremblant, Fait trembler leur verdure, Ou plutôt l’air même et le vent. … L’étang de Jean Racine (Extrait)
La maison dort sous les gouttes. Mélody Gardot me chuchote des mots d’amour si doux. De son gros ventre, une contrebasse expulse en vibrant ses notes suaves. Au grenier une rafale s’infiltre par une ouverture. Surprise, la charpente craque. De gros nuages aux nuances subtiles de l’acier, comme dans un cadre mouvant, défilent par delà les toits. À l’intérieur un mince filet d’air se faufile et fait trembler un voilage, vaciller une flamme. Une goutte sur l’aluminium de l’évier chronomètre le temps qui passe. Inexorable. Le fumet de mon thé noir envahit la pièce et laisse échapper un subtil parfum d’orange. Le jour se lève doucement. Dans la pâleur du petit matin, les chaudes lumières perdent conscience. Le bleu revient combler l’espace de la nuit. La maison commence à s’animer et les tendres pensées des enfants, à jamais gravées, emplissent de leur innocente affection mon cœur vieillissant.
Depuis plusieurs jours, on n’entendait parler que de liberté à venir pour les français. Nous étions en guerre et je l’avais oublié. La voilà donc cette liberté vendue à grand renfort de communication, d’émissions aux invités tous conviés à afficher leur meilleur optimisme quitte à ce que tout cela paraisse surjoué. Il faut faire repartir l’activité économique et aussi celle des esprits, nourrir le ventre comme le cerveau. Aujourd’hui, mieux que la libération de la France en 1945, il nous faut être joyeux. Allons donc, un peu d’entrain, chassons les esprits chagrins de notre voisinage. Tous sur le pont pour faire la fête. C’est le bonheur qu’on vous dit ! Souriez ! Ah oui, le masque…c’est vrai, ça gâche un peu quand même. Aujourd’hui, pour les français il ne se passe plus rien dans le monde. Les roquettes ne frappent plus, les bombes se posent dans un nuage ouaté, les gens ne meurent plus de faim ou de leurs idées, les dictatures repeignent leur étendards aux couleurs de la gay pride, les noirs ne servent plus de cible…Aujourd’hui le monde est bon. Sur toutes les ondes, sur tous les papiers, sur tous les réseaux, on n’a de mots que pour célébrer le retour à la vie. Trop c’est trop ! Aujourd’hui, on oublie les morts et leurs familles irréconciliables avec le deuil, les personnels hospitaliers écœurés, humiliés, trompés et en colère. On fait l’impasse sur les faillites et les drames personnels de Jean, de Cyril, de Mylène…et de tant d’autres à venir. Non, aujourd’hui, je n’arrive pas à m’unir totalement aux cris de joie (parfois) hystériques de certains. Pour l’instant nous avons gagné une bataille – et encore ! J’attendrai que la guerre soit vraiment finie et la paix définitivement signée.
Premières séances de peinture sur le motif en Bretagne. Renouer avec la réalité après plusieurs mois d’arrêt me demande toujours un certain échauffement. Au début tout me paraît compliqué, trop grand pour moi. Devant mes yeux le paysage se déroule en cinémascopeet j’ai bien du mal à sélectionner dans ce qui me semble être un grand fouillis, un sujet digne d’intérêt. Tant de verdure partout qui foisonne. Il faut que je me concentre sur un endroit. Comme point de départ je cherche souvent un arbre singulier ou dominant par sa forme, sa couleur, à partir duquel je vais composer ma peinture. L’arbre c’est ma béquille, mon homme de base en quelque sorte. Parce que je peignais sa maison, une femme m’invite à visiter son jardin afin d’y trouver des sujets à peindre. “Vous pouvez venir peindre quand vous voudrez !” me dit-elle.
Mais son jardin ne m’offre pas des points de vue intéressants. Des randonneurs quittent un moment leur circuit pour voir ce que je peins. Nous échangeons quelques propos sur l’art sans précautions particulières. Nous sommes tous vaccinés et nous goûtons une certaine liberté retrouvée. Sur le chemin qui mène à un champ cultivé, le propriétaire apparaît et me fait la conversation à propos de tout et de rien. Les jeunes qui passent en vélo me saluent sans ralentir. Trop pressés comme souvent. Le temps varie beaucoup en ce début mai. Ciel bleu, soleil, ciel gris, nuages, averses se succèdent. La météo s’amuse avec mes nerfs. Quelques gouttes déclenchent immédiatement le rangement du matériel. Par forte pluie un hangar ou une remise peut me sauver la vie. Rester, quitter les lieux, attendre, reprendre le pinceau. Je cultive l’hésitation. Comme toujours, je reste fidèle à une peinture peu finalisée, à l’aspect assez “brut” et je tente de ne pas passer plus de deux heures sur le sujet.
Comme d’habitude, Mme Klara emmena son petit garçon, cinq ans, au jardin public, au bord du fleuve. Il était environ trois heures. La saison n’était ni belle ni mauvaise, le soleil jouait à cache-cache et le vent soufflait de temps à autre, porté par le fleuve. On ne pouvait pas dire non plus de cet enfant qu’il était beau, au contraire, il était plutôt pitoyable même, maigrichon, souffreteux, blafard, presque vert, au point que ses camarades de jeu, pour se moquer de lui, l’appelaient Laitue. Mais d’habitude les enfants au teint pâle ont en compensation d’immenses yeux noirs qui illuminent leur visage exsangue et lui donnent une expression pathétique. Ce n’était pas le cas de Dolfi; il avait de petits yeux insignifiants qui vous regardaient sans aucune personnalité. Ce jour-là, le bambin surnommé Laitue avait un fusil tout neuf qui tirait même de petites cartouches, inoffensives bien sûr, mais c’était quand même un fusil ! Il ne se mit pas à jouer avec les autres enfants car d’ordinaire ils le tracassaient, alors il préférait rester tout seul dans son coin, même sans jouer. Parce que les animaux qui ignorent la souffrance de la solitude sont capables de s’amuser tout seuls, mais l’homme au contraire n’y arrive pas et s’il tente de le faire, bien vite une angoisse encore plus forte s’empare de lui. Pourtant quand les autres gamins passaient devant lui, Dolfi épaulait son fusil et faisait semblant de tirer, mais sans animosité, c’était plutôt une invitation, comme s’il avait voulu leur dire : – Tiens, tu vois, moi aussi aujourd’hui j’ai un fusil. Pourquoi est-ce que vous ne me demandez pas de jouer avec vous ? Les autres enfants éparpillés dans l’allée remarquèrent bien le nouveau fusil de Dolfi. C’était un jouet de quatre sous mais il était flambant neuf et puis il était différent des leurs et cela suffisait pour susciter leur curiosité et leur envie. L’un d’eux dit : – Hé ! vous autres !… vous avez vu la Laitue, le fusil qu’il a aujourd’hui ? Un autre dit : – La Laitue a apporté son fusil seulement pour nous le faire voir et nous faire bisquer1 mais il ne jouera pas avec nous. D’ailleurs il ne sait même pas jouer tout seul. La Laitue est un cochon. Et puis son fusil, c’est de la camelote ! – Il ne joue pas parce qu’il a peur de nous», dit un troisième. Et celui qui avait parlé avant : – Peut-être, mais n’empêche que c’est un dégoûtant ! Mme Klara était assise sur un banc, occupée à tricoter, et le soleil la nimbait d’un halo. Son petit garçon était assis, bêtement désœuvré, à côté d’elle, il n’osait pas se risquer dans l’allée avec son fusil et il le manipulait avec maladresse. Il était environ trois heures et dans les arbres de nombreux oiseaux inconnus faisaient un tapage invraisemblable, signe peut-être que le crépuscule approchait. – Allons, Dolfi, va jouer, l’encourageait Mme Klara, sans lever les yeux de son travail. – Jouer avec qui ? – Mais avec les autres petits garçons, voyons ! vous êtes tous amis, non ? – Non, on n’est pas amis, disait Dolfi. Quand je vais jouer ils se moquent de moi. – Tu dis cela parce qu’ils t’appellent Laitue ? – Je veux pas qu’ils m’appellent Laitue ! – Pourtant moi je trouve que c’est un joli nom. A ta place, je ne me fâcherais pas pour si peu. Mais lui, obstiné : – Je veux pas qu’on m’appelle Laitue !
Les autres enfants jouaient habituellement à la guerre et ce jour-là aussi. Dolfi avait tenté une fois de se joindre à eux, mais aussitôt ils l’avaient appelé Laitue et s’étaient mis à rire. Ils étaient presque tous blonds, lui au contraire était brun, avec une petite mèche qui lui retombait sur le front en virgule. Les autres avaient de bonnes grosses jambes, lui au contraire avait de vraies flûtes maigres et grêles. Les autres couraient et sautaient comme des lapins, lui, avec sa meilleure volonté, ne réussissait pas à les suivre. Ils avaient des fusils, des sabres, des frondes, des arcs, des sarbacanes, des casques. Le fils de l’ingénieur Weiss avait même une cuirasse brillante comme celle des hussards. Les autres, qui avaient pourtant le même âge que lui, connaissaient une quantité de gros mots très énergiques et il n’osait pas les répéter. Ils étaient forts et lui si faible. Mais cette fois lui aussi était venu avec un fusil. C’est alors qu’après avoir tenu conciliabules les autres garçons s’approchèrent : – Tu as un beau fusil, dit Max, le fils de l’ingénieur Weiss. Fais voir. Dolfi sans le lâcher laissa l’autre l’examiner. – Pas mal, reconnut Max avec l’autorité d’un expert. Il portait en bandoulière une carabine à air comprimé qui coûtait au moins vingt fois plus que le fusil. Dolfi en fut très flatté. – Avec ce fusil, toi aussi tu peux faire la guerre, dit Walter en baissant les paupières avec condescendance. – Mais oui, avec ce fusil, tu peux être capitaine, dit un troisième. Et Dolfi les regardait émerveillé. Ils ne l’avaient pas encore appelé Laitue. Il commença à s’enhardir. Alors ils lui expliquèrent comment ils allaient faire la guerre ce jour-là. Il y avait l’armée du général Max qui occupait la montagne et il y avait l’armée du général Walter qui tenterait de forcer le passage. Les montagnes étaient en réalité deux talus herbeux recouverts de buissons ; et le passage était constitué par une petite allée en pente. Dolfi fut affecté à l’armée de Walter avec le grade de capitaine. Et puis les deux formations se séparèrent, chacune allant préparer en secret ses propres plans de bataille. Pour la première fois, Dolfi se vit prendre au sérieux par les autres garçons. Walter lui confia une mission de grande responsabilité : il commanderait l’avant-garde. Ils lui donnèrent comme escorte deux bambins à l’air sournois armés de fronde et ils l’expédièrent en tête de l’armée, avec l’ordre de sonder le passage : Walter et les autres lui souriaient avec gentillesse. D’une façon presque excessive. Alors Dolfi se dirigea vers la petite allée qui descendait en pente rapide. Des deux côtés, les rives herbeuses avec leurs buissons. Il était clair que les ennemis, commandés par Max, avaient dû tendre une embuscade en se cachant derrière les arbres. Mais on n’apercevait rien de suspect. – Hé ! capitaine Dolfi, pars immédiatement à l’attaque, les autres n’ont sûrement pas encore eu le temps d’arriver, ordonna Walter sur un ton confidentiel. Aussitôt que tu es arrivé en bas, nous accourons et nous y soutenons leur assaut. Mais toi, cours, cours le plus vite que tu peux, on ne sait jamais… Dolfi se retourna pour le regarder. Il remarqua que tant Walter que ses autres compagnons d’armes avaient un étrange sourire. Il eut un instant d’hésitation. – Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-il. – Allons, capitaine, à l’attaque ! intima le général. Au même moment, de l’autre côté du fleuve invisible, passa une fanfare militaire. Les palpitations émouvantes de la trompette pénétrèrent comme un flot de vie dans le cœur de Dolfi qui serra fièrement son ridicule petit fusil et se sentit appelé par la gloire. – A l’attaque, les enfants ! cria t-il, comme il n’aurait jamais eu le courage de le faire dans des conditions normales. Et il se jeta en courant dans la petite allée en pente. Au même moment un éclat de rire sauvage éclata derrière lui. Mais il n’eut pas le temps de se retourner. Il était déjà lancé et d’un seul coup il sentit son pied retenu. A dix centimètres du sol, ils avaient tendu une ficelle. Il s’étala de tout son long parterre, se cognant douloureusement le nez. Le fusil lui échappa des mains. Un tumulte de cris et de coups se mêla aux échos ardents de la fanfare. Il essaya de se relever mais les ennemis débouchèrent des buissons et le bombardèrent de terrifiantes balles d’argile pétrie avec de l’eau. Un de ces projectiles le frappa en plein sur l’oreille le faisant trébucher de nouveau. Alors ils sautèrent tous sur lui et le piétinèrent. Même Walter, son général, même ses compagnons d’armes ! – Tiens ! attrape, capitaine Laitue. Enfin il sentit que les autres s’enfuyaient, le son héroïque de la fanfare s’estompait au delà du fleuve. Secoué par des sanglots désespérés il chercha tout autour de lui son fusil. Il le ramassa. Ce n’était plus qu’un tronçon de métal tordu. Quelqu’un avait fait sauter le canon, il ne pouvait plus servir à rien. Avec cette douloureuse relique à la main, saignant du nez, les genoux couronnés, couvert de terre de la tête aux pieds, il alla retrouver sa maman dans l’allée. – Mon Dieu! Dolfi, qu’est-ce que tu as fait ?
Elle ne lui demandait pas ce que les autres lui avaient fait mais ce qu’il avait fait, lui. Instinctif dépit de la brave ménagère qui voit un vêtement complètement perdu. Mais il y avait aussi l’humiliation de la mère : quel pauvre homme deviendrait ce malheureux bambin ? Quelle misérable destinée l’attendait ? Pourquoi n’avait-elle pas mis au monde, elle aussi, un de ces garçons blonds et robustes qui couraient dans le jardin ? Pourquoi Dolfi restait-il si rachitique ? Pourquoi était-il toujours si pâle ? Pourquoi était-il si peu sympathique aux autres ? Pourquoi n’avait-il pas de sang dans les veines et se laissait-il toujours mener par les autres et conduire par le bout du nez ? Elle essaya d’imaginer son fils dans quinze, vingt ans. Elle aurait aimé se le représenter en uniforme, à la tête d’un escadron de cavalerie, ou donnant le bras à une superbe jeune fille, ou patron d’une belle boutique, ou officier de marine. Mais elle n’y arrivait pas. Elle le voyait toujours assis un porte-plume à la main, avec de grandes feuilles de papier devant lui, penché sur le banc de l’ école, penché sur la table de la maison, penché sur le bureau d’une étude poussiéreuse. Un bureaucrate, un petit homme terne. Il serait toujours un pauvre diable, vaincu par la vie. – Oh ! le pauvre petit ! s’apitoya une jeune femme élégante qui parlait avec Mme Klara. Et secouant la tête, elle caressa le visage défait de Dolfi. Le garçon leva les yeux, reconnaissant, il essaya de sourire, et une sorte de lumière éclaira un bref instant son visage pâle. Il y avait toute l’amère solitude d’une créature fragile, innocente, humiliée, sans défense; le désir désespéré d’un peu de consolation; un sentiment pur, douloureux et très beau qu’il était impossible de définir. Pendant un instant – et ce fut la dernière fois -, il fut un petit garçon doux, tendre et malheureux, qui ne comprenait pas et demandait au monde environnant un peu de bonté. Mais ce ne fut qu’un instant. – Allons, Dolfi, viens te changer ! fit la mère en colère, et elle le traîna énergiquement, à la maison. Alors le bambin se remit à sangloter à cœur fendre, son visage devint subitement laid, un rictus dur lui plissa la bouche. – Oh ! ces enfants! quelles histoires ils font pour un rien ! S’exclama l’autre dame agacée en les quittant. Allons, au revoir, madame Hitler !
La plupart du temps en été, c’est sous le soleil et le ciel bleu que s’ouvrent les marchés du sud de la France. Une foule dense se presse lentement et se mélange dans les ruelles bordées d’étals colorés et odorants. Du stand d’épices ou le safran, le thym et autres ingrédients embaument tout le marché, s’ajoutent les fragrances des savons parfumés, des centaines d’huiles essentielles, aussitôt couvertes par les effluves pesantes du fromager tout proche. Les chalands sont conviés systématiquement à une petite dégustation. Le rôtisseur fait dorer ses volailles dont la peau dorée crépite en laissant fuser quelques postillons de graisse. Mieux vaut faire un petit écart et laisser le pauvre homme rougeoyant et suant, maîtriser le feu dévorant de sa machine. Une foule bigarrée déambule, se pousse, piétine en se remuant tel un gros serpent repus. Les uns veulent aller à droite et les autres à gauche. D’un bord à l’autre, la traversée se risque parfois de quelques énervements…surtout pour les autochtones qui ne sont pas là pour visiter le marché mais pour faire tout simplement leurs courses. Parfois un peu à l’écart comme un îlot préservé, quelques personnes se regroupent et échangent quelques mots, transmettent bonnes ou mauvaises nouvelles, saluent une amie, une connaissance. C’est aussi sur les marchés que surgissent “des têtes et des personnalités” qui trouveraient sans difficulté une représentation dans une comédie filmée ou constitueraient le sujet d’une peinture.
En peinture la palette couleur désigne tout autant le support sur lequel on pose ses couleurs que l’ensemble des couleurs qui vont être utilisées tout au long d’une réalisation. Certaines palettes de peintres célèbres nous sont parvenues intactes et portent encore la matière couleur utilisée par l’artiste à l’époque. Ainsi, il a été possible, en analysant d’une part leurs œuvres et d’autre part leur palette, d’établir leurs préférences en terme de couleurs. On connait la palette couleur prédominante de Georges Seurat, de Vincent Van Gogh, Du Greco, de Chardin, de Renoir et de bien d’autres. Je ne ferai pas la liste exhaustive des couleurs utilisées, mais on retrouve toujours une base commune à tous. Cette connaissance à elle seule, ne suffit pas à comprendre le talent de ces artistes.
La technologique numérique, télévision (et autres) nous offre de magnifiques images aux couleurs sublimes et on s’émerveille devant des écrans qui restituent avec fidélité des millions de nuances. Pourtant, le procédé que l’on appelle “synthèse additive”, ne fait que combiner 3 couleurs de base. Un rouge, un vert et un bleu. Ces couleurs combinées, produisent le blanc alors que le noir est obtenu par l’absence de totale de lumière.
Le principe des 3 couleurs primaires “synthèse soustractive” peut être utilisé en peinture. Mais les 3 couleurs de base sont légèrement différentes (rouge cyan, bleu cyan et jaune) puisqu’on utilise de la matière pigmentée opaque. Le blanc ne peut être réalisé par la lumière comme dans le principe additif. Il doit être signifié soit par le blanc du support soit par l’addition de matière blanche. Ainsi, avec ces couleurs de base, il serait possible de reproduire “toutes” les nuances colorimétriques possibles.
J’ai tenté cette expérience avec un set de gouaches sur cette peinture de visage. J’ai eu besoin de mixer certaines combinaisons de couleurs avec du blanc pour obtenir des nuances plus variées, plus ou moins claires. La difficulté que j’ai rencontrée avec la gouache, c’est qu’il arrive un moment où, contrairement à l’huile, on ne peut plus poser une couleur sur une autre sans diluer l’existante. Parvenir à une certaine matière, épaisseur de peinture est relativement difficile. Les repentirs sont délicats. Le blanc pur est obtenu non pas par addition de couleur mais en réservant le blanc du papier.
Sur le portrait ci-dessous, j’ai ajouté le noir à ma palette de gouaches afin d’obtenir des zones d’ombres plus fortes. Le mélange des 3 couleurs de base produisent un brun qui ne me satisfaisait pas.
Autre expéreince très intéresante surtout pour les portraits. J’ai choisi pour la peinture à l’huile ci-dessous de travailler avec une palette encore plus limitée et notamment en utilisant la palette couleur qu’utilisait Anders Zorn pour les portraits (peintre suédois de la fin du XIXème siècle). Cette gamme couleurs se compose ainsi, rouge cadmium clair, ocre jaune, noir d’ivoire et blanc titane. Il est facile de voir que cette palette ressemble à une gamme primaire légèrement modifiée mis à part le fait que le bleu est totalement absent.
Le nuancier révèle une palette de couleurs plutôt douces avec des tons sourds et veloutés. Dans ce portrait, l’absence de bleu dans la palette de base pour réaliser la couleur des yeux est un gros problème. J’ai essayé de traiter le bleu de l’iris avec du brun puis avec du gris mais je n’ai jamais réussi à rendre la justesse du regard. La petite histoire voudrait que dans l’atelier d’Anders Zorn on ait trouvé un certain nombre de tubes de bleu de cobalt. Il suffit de regarder quelques unes de ses toiles pour se rendre compte qu’il utilisait bien du bleu selon les sujets.
Anders Zorn (autoportrait)
Alors, quel bénéfice retirer de l’utilisation de palettes aux couleurs limitées. Avant tout, on découvre et on apprend par mélange les nombreuses possibilités de la couleur. On exerce son œil. On peut aussi se poser la question du nombre de tubes que l’on stocke dans sa boîte. Quelles sont les couleurs qui nous sont vraiment utiles ? À quoi sert un tube de couleur chair alors que la carnation change selon la personne, la lumière etc…On se pose moins de question quant à la couleur à choisir, on va plus directement au but. Il existe aussi des avantages qui ne sont pas négligeables, comme une économie financière et pour ceux qui peignent dehors, moins de couleurs égale aussi moins de poids à transporter. Les couleurs adjacentes issues du mélange des couleurs de base, ont toutes une source commune et en se répondant les unes les autres, produisent un résultat plus harmonieux. Il ne faut pas occulter les inconvénients, les nombreux mélanges nécessaires pour créer la couleur que l’on souhaite, et de ce fait parfois une grande perte de temps ainsi que l’absence de certaines couleurs “toutes prêtes” qui sont originales et techniquement impossible à composer à partir des couleurs de base.
Un format carré en paysage impose une vision inhabituelle et contrariée par rapport à la vision oculaire qui est une vision plutôt panoramique. C’est un format que j’apprécie beaucoup pour son aspect réducteur et stable qui oblige à “tailler” durement dans un sujet. Cinq petites peintures de campagne sous des lumières automnales. L’intérêt était de rendre le mieux possible les effets d’ombres, les contrejours, les lumières fortes des petits matins tout en conservant une palette couleur harmonieuse, sans “clinquant”.
“Têtes de l’art” ! Oui je sais, c’est pas d’une grande originalité mais il m’a été impossible de résister. À la suite d’un pari avec un ami peintre sur Facebook, nous nous sommes engagés à nous tirer mutuellement le portrait et à échanger nos peintures. C’est avec Régis Pettinari que j’ai commencé pour la première fois ce deal. Aujourd’hui, je partage cette idée avec Gabor Kopatsy, peintre d’origine Hongroise qui travaille de son côté sur mon portrait. Cette formule d’échange permet à chacun de se rendre compte comment d’autres artistes nous perçoivent et peuvent nous représenter. Il faut bien évidemment choisir un artiste qui réponde à certains critères de qualité, qui pratique le portrait et surtout qui exprime de l’enthousiasme pour le projet. À partir d’un certain nombre de photos échelonnées sur plusieurs années, j’ai réalisé avec grand plaisir ces portraits de mon ami Gabor en utilisant différentes techniques (encre, gouache, huile).
Moi, peint par Régis Pettinari.Gabor Kopatsy (gouache)