Ma ville de banlieue

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Ma ville ressemble à beaucoup d’autres dans la banlieue qui encercle Paris. C’est une petite localité de 6300 habitants bordée sur un côté par une forêt autrefois royale devenue aujourd’hui un espace de promenade très populaire. La nature y est assez présente et facilement accessible. La ville possède son église, deux (petits) centres commerciaux, son café restaurant, des services administratifs, son stade, ses écoles, sa crèche, ses associations etc…etc… En vérité si je ne veux pas faire un inventaire des ressources et commodités ou tout simplement un cours d’histoire barbant qui n’intéressera personne, ou pire encore rentrer dans les détails genre “crottes de chien sur les trottoirs”, il n’y a vraiment pas grand chose à dire. Pire, je ne ferai aucune publicité pour ma ville afin de n’y attirer personne. Oui, je sais, c’est égoïste !

Zoologie

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Mes connaissances en zoologie sont très modestes mais je m’honore malgré tout de posséder quelques compréhensions animalières

L’ours, le tigre et le petit cochon.

L’ours est un animal souvent mal luné, grognon car pendant son sommeil, le monde a tellement évolué qu’il ne le reconnaît plus à son réveil. Il apprécie d’être reconnu comme le plus grand et le plus méchant animal à fourrure de son territoire. Il aime particulièrement le bon miel, le bon saumon et n’hésite pas pour se les approprier à sortir de son territoire et voler impunément ceux de ses voisins. Présomptueux, fort de sa puissance, il méprise les autres animaux. Il n’a pas vraiment d’amis proches. Il côtoie les autres mamifères avec un visage impassible derrière lequel il cache son agressivité et ses insatisfactions. L’ours n’aime pas qu’on lui tienne tête et la moindre contestation de son pouvoir le met dans une rage folle. Imprévisible, de sa patte fourrée aux longues griffes, il peut tout autant caresser et soudainement arracher des chairs avec délectation.

Le tigre est un bel animal qui ressemble à un gros chat plein de rayures. De loin, sa silhouette est majestueuse. De près, comme tous les carnivores, il sent horriblement mauvais (mais ça, c’est strictement subjectif). Le tigre a une démarche lente et assurée. Toute l’attitude d’un animal confiant, qui sait attendre le bon moment pour fondre sur sa proie. La patience, le silence sont ses règles de chasse. Il attire à lui par sa sympathie débonnaire. Il parcourt son fief discrètement et chaque jour sans le crier au quatres coins de la jungle, en prolonge un peu plus les limites en urinant sur un tronc de palmier, au pied d’un rocher. Bref arrose d’un petit jet, tout nouveau territoire convoité. Sa souveraineté est parfois contestée, mais en bon chasseur à l’afffût qu’il est, sa persévérance finit toujours par être récompensée.

Le petit cochon, on le connaît tous depuis notre enfance. Il est tout rose, tout gentil. Il marche souvent sur deux pattes et porte une culotte avec de gros boutons. Il a nourri avec ses histoires, ses aventures, notre vie de bambin braillard. Ce que j’ai retenu de la vie du petit cochon, c’est sa propension à savoir se protéger des autres. Carnivores, rapaces et autres bêtes très déterminées comme le loup. Il érige autour de lui un véritable mur de défense. Personne ne rentre et personne ne sort de sa maison construite en dur, avec beaucoup d’acier. Souvent ridiculisé par ses amis de la ferme et de la forêt, il a développé une grande aigreur qui se traduit aujourd’hui par une animosité envers tous ceux qui ne partagent pas sa bauge.

De cela, sans aucun doute Jean De La Fontaine en aurait écrit une fable et tiré une morale universelle aux petits oignons. Je reste plus modeste et je me demande simplement à la fin…qui mangera qui ?

L’incertain

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La photo d’art, d’actualité, de voyage, d’édition de toute nature, la photo documentaire…est la plupart du temps identifiée par le nom d’un auteur. Dans ces images on peut reconnaitre la signature de Steve McCurry de Sebastio Salgado, de David LaChapelle, de Martin Parr, de Diane Arbus ; et de nombreux autres artistes sans doute moins connus mais dont le style ou l’implication pour une cause, un thème, nous touchent plus particulièrement.
Tous ces photographes sont surtout des professionnels, des artistes amoureux, de l’image. Ils l’ont chevillée au corps et leur capacité à rendre visible le monde à travers leur objectif de manière si personnelle, nous émerveille ou nous surprend à chaque fois.

Mais au delà de la ”grande photo”, j’ai toujours été sensible à la ”petite photo”du quotidien, à celle qui capte avant ou après, un évènement familial, une réunion amicale, et l’heureux déjeuner sur l’herbe par une belle journée de printemps. C’est là que le tonton rigolo apparait, que le ”petit” que l’on place au premier rang et à qui on demande de ne pas faire le guignol, grimace faute d’avoir le soleil dans les yeux.
On possède tous au fond d’un tiroir ou dans une malle au grenier les fameuses photos de ”la” famille. Sagement collées dans un album ou en vrac dans une boite à chaussure. Elles émergent de temps en temps comme un corps refait surface. Un brin de souvenir pourrait t’il apaiser momentanément une plaie existentielle ?

En tout cas, à la vue de toutes ces photos si disparates tant par leur format, leur qualité, leur origine ou leur datation…je me suis toujours demandé qui pouvait être derrière l’objectif. En fait, il y a très souvent une absence et c’est le photographe lui-même. Ce fantôme qui apparait parfois discrètement en ombre juste là, couché au pied des personnages. Qui est-ce ? Dans la plupart des cas on ne le sait pas. Bien sûr, il existe quelques pointilleux qui me diront que le retardateur existait et qu’il était possible de s’immortaliser. Faites moi voir ça sur un Brownie Kodak !
Sur chaque photo, il est amusant de rechercher l’auteur du cliché. Par le style de la mise en scène ou précisément par son absence. Reviennent en mémoire la personnalité des uns et des autres, leurs habitudes lors des séances de pose. Car la plupart des clichés familiaux sont des tableaux posés, composés souvent avec exactitude. C’est un rite ou le degré de parenté et l’âge déterminent aussi le rang de visibilité. La hiérarchie d’un certain ordre moral, de la reconnaissance des liens unissant des parents, une fratrie, de la place des amis au sein d’une famille.

Aujourd’hui, des millions de selfies sont réalisés chaque minute dans le monde entier. On n’aura jamais eu autant d’individus photographiés, identifiés par leur portrait depuis une décennie. Cela compense t’il mon questionnement sur ce ”photographe anonyme” que j’ai tenté de découvrir et qui ne fait que fuir . Entre silence et ombre, ”Inconnu”, sous quelle apparence pourrais tu te révéler ?

Still life

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La nature morte est un terme qui désigne une œuvre d’art montrant des objets inanimés du monde naturel ou artificiel, tels que des fruits, des fleurs, du gibier mort, des récipients comme des paniers, des bols etc. À cette appellation “nature morte”, j’utilise parfois le terme “still life” pour des éléments plutôt silencieux ou immobiles mais pas morts du tout.

La nature morte est un genre qui traverse l’histoire de l’art. On le trouve partout, depuis les tombes égyptiennes antiques, décorées de peintures d’objets de la vie quotidienne, jusqu’aux œuvres d’art moderne où il offre l’occasion d’expérimenter de nouvelles techniques, formes et styles. Le genre est devenu particulièrement populaire aux Pays-Bas au XVIIe siècle, lorsque l’urbanisation a conduit à mettre davantage l’accent sur la maison, les biens personnels et le commerce.

À maintes reprises tout au long des trente dernières années de sa vie, Paul Cézanne a peint ces mêmes objets : le vase vert, la bouteille de rhum, le pot de gingembre et les pommes. Il a utilisé ces objets comme base pour expérimenter leur forme, leur couleur, leur éclairage et leur emplacement.

Il existe de nombreuses raisons qui peuvent pousser un artiste à se tourner vers la nature morte. Comme Cézanne, il peut avoir envie de jouer avec la perspective, la disposition des objets, la couleur, de tester de nouvelles techniques ou tout simplement éprouver ce sentiment d’intimité que l’on peut ressentir seul, dans son atelier avec des objets familiers.

La nature morte peut aussi représenter une période d’activité intérieure pour un peintre. Voire remplacer l’embauche d’un modèle vivant ou compenser une saison peu favorable aux sorties à l’extérieur pour le paysage.

Bien que cela puisse paraître simple, l’art de la nature morte peut aussi représenter des thèmes complexes. Certains célèbrent la vie et ses plaisirs en exhibant la nourriture, le vin et les richesses matérielles tandis que d’autres peuvent alerter sur les dangers ou le caractère temporaire de ces plaisirs. Les peintures de vanités abordent toutes deux les thèmes de la mort et de la fragilité. Les “memento mori” comprennent généralement des crânes, des bougies éteintes et des sabliers, tandis que les “vanités” incluent d’autres symboles de vanité comme le vin et les instruments de musique.

Les peintures de fleurs représentent un fort inconvénient qui est celui de leur fraîcheur qui se dégrade au fil des séances. Alors que les fruits se prêtent très facilement à un travail en atelier beaucoup plus long.

Miniatures

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Aujourd’hui, dans les galeries et les expos on peut voir des œuvres de grands, de très grands formats. Le fait n’est pas nouveau. Les anciens ont produit d’immenses toiles que l’on peut toujours découvrir au Louvre ou à Orsay. La taille des peintures possède un pouvoir attractif par le fait que le sujet semble à échelle humaine. On entre ainsi dans des univers inconnus avec une grande facilité. C’est une sorte de visite virtuelle dans l’ambiance des Noces de Cana (Véronèse), de Caïn (Fernand Cormon), de la Fête de Vénus (Rubens), de la mort de Sardanapale (Delacroix), et tant d’autres dont les campagnes Napoléoniennes traitées par Meissonier ou par Gros. Les Nymphéas de Claude Monet au musée de l’Orangerie doit aussi être considérée comme une œuvre magistrale.


Aujourd’hui, la palme de la plus grande surface peinte revient à l’artiste iranien Emad Salehi avec une œuvre intitulée “Ball Story” qui couvre 9600 m2. Battant ainsi Sacha Jafri qui détenait le record avec une toile de 1596 m2, vendue 52 millions d’euros.
Un peintre m’a dit un jour qu’un grand format convenait parfaitement aux expos et que les petits formats s’accordaient plutôt bien pour une diffusion sur internet.
Compte tenu de mon espace limité pour peindre, les grands sujets ne sont pas pour moi. C’est comme ça que je me replonge dès à présent sur ma toile de moins de 20 cm pour cette série qui n’est (hélas) pas réalisée sur le vif.
Aux USA, il existe une réelle pratique des peintures de petits formats. Peintures réalisées en une fois et dans un temps très limité, à l’aspect synthétique, sur des supports souvent inférieurs au format 21×30. Ces pochades enlevées, expriment par un coup de patte enlevé, un style en soi qui constitue un courant à part entière. C’est dans ce pays (allégé d’une culture picturale classique) que l’on trouve le matériel le plus varié et et le mieux adapté à la peinture sur le motif.

À poil

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C’est généralement l’expression populaire pour désigner le fait de se mettre à nu. Toute interprétation étant possible, on trouve cependant ici et là, cette explication : au 17ème siècle l’expression s’employait dans le domaine de l’équitation. Monter un cheval “à poil” signifiait qu’on le montait “à même le poil”, c’est à dire sans selle ni couverture. La locution “à cru” employée au 17ème siècle avait la même signification. Cette expression avait d’ailleurs le sens de “à même la peau” en parlant par exemple des vêtements. À poil avait également le sens de “courageux”, ce qui a donné aux soldats de la Première Guerre Mondiale le nom de “poilus”. L’origine exacte de cette locution reste obscure, mais la référence au domaine de l’équitation semble la plus probable.
En ancien français, le sens de poil n’avait pas la précision qu’il a en français moderne : il pouvait, non seulement renvoyer au poil mais aussi au cheveu. Il en va de même pour crin, qui pouvait désigner dès l’origine le poil d’un animal mais aussi la chevelure jusqu’au 17e siècle.

Du “à poil” au “poil”, il n’y a qu’un cheveu que je me suis permis de franchir cavalièrement.

En attendant…

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En attendant les beaux jours. Ce n’est pas le titre d’un joli film prometteur, mais plutôt l’expression de mon impatience. Celle de retrouver la douceur du printemps et par là-même, de replanter mon chevalet devant la nature retrouvée. Pour combler cette impatience, et sublimer les journées mornes et grises aussi amères qu’un café sans sucre, je m’autorise ce que j’appelle des “petits bonbons”. C’est ce plaisir de peindre sans contrainte, avec le seul et unique dessein d’étaler de la couleur ou peut-être de la gâcher avec une boulimie débridée. Tout me va dans ces cas là. Et la moindre image qui arrête mon regard, que ce soit par ses couleurs, son dynamisme ou son sujet, j’en fais ma source prioritaire. Pas de stratégie dans tout cela, pas d’idée préconçue. Juste faire courir le pinceau sur un papier blanc, histoire de délier l’œil et la main. Le plaisir pur . Aujourd’hui, c’est le film “Caravage de Michele Placido” qui sert d’ingrédient à ma peinture. Hormis les images aux couleurs chaudes et contrastées dans un clair-obscur qui se veut inspiré du style du peintre, le film montre un Caravage quelque peu hystérique, plus prompt à sortir l’épée qu’à manier le pinceau. J’oublie le film mais pas le peintre. Le personnage historique m’a toujours intrigué. J’ai toujours eu du mal à comprendre comment cet homme pouvait être en même temps ce peintre exceptionnel dont on admire les œuvres et ce criminel impénitent qui n’a eu de cesse d’échapper à la justice de son temps. En peinture, il faut pourtant reconnaître que ses sujets sont dotés d’une réalité et d’une force parfois brutale qui semble très souvent s’inspirer de sa vie très sulfureuse.

L’ombre bleue de la baie.

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C’est parfois en suivant la ligne vagabonde d’un renard parmi les herbes humides, ou la trace d’un chevreuil laissée sur un chemin mou qui m’amènent là où je plante mon chevalet.
La baie Saint-Jean à Crac’h est une immense étendue de sable, de vase, d’herbes marines, au milieu de laquelle déambule silencieusement la marée. C’est au plus profond, au plus secret d’un de ses méandres que j’ai trouvé un petit havre de tranquillité. Exil. Le sentiment d’être au bout d’un monde. Silence, à peine émaillé au loin de quelques cris de goélands chamailleurs. À l’extrémité de cette anse oubliée s’écoule un petit ruisseau entre des blocs de granit noircis par le temps. Sous le mouvement flegmatique des pins et à l’ombre bleue des chênes quelques monstres granitiques s’envasent inéluctablement. Submergés, subissant la transgression marine, des monolithes héroïques tentent de survivre à la gangue oppressante.
Au fil de la journée, entre la lumière chargée d’or du matin et l’ombre violette de son déclin, la baie délivre à tout être vivant son apaisante plénitude et souveraine beauté.

Canicule fake-news

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La canicule n’aura pas lieu. Enfin pour l’instant, elle ne s’est pas manifestée en Bretagne et c’est tant mieux. Il a fait chaud, normalement. Même si certaines journées ont été étouffantes. Quelques heures de pluie bienvenue ont ponctué l’été et ont permis à la nature de conserver toute sa fraîcheur. Ah, le bonheur de tous ces verts nuancés subtilement qui envahissent le regard. Ils offrent encore la possibilité d’une vie agréable sur terre alors que les régions inondées de soleil sont déjà les prémisses de futurs déserts hostiles à l’humanité. Sans oublier les domaines naturels qui perdent toute vie en quelques heures dans un embrasement de plus en plus difficile à maîtriser.
Cette année, encore plus que d’habitude, je ne me serai beaucoup tourné vers la mer. Fréquentées par des hordes bruyantes fuyant la chaleur du sud, les plages Bretonnes font le plein. Et c’est de loin, sur les dunes que j’observerai la plupart du temps la mer. Loin, bien loin du tumulte des vagues et de l’agitation estivale. Le matin très tôt et le soir, seront mes moments favoris pour me glisser dans une nature retrouvée.

Renaissance

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La vague avait passé. Perfide, affreusement silencieuse et dissolvante. La vague avait investi langoureusement mais inexorablement le havre. Soulevé les chalands comme de vulgaires semelles, que de braves gaillards d’hommes s’épuisèrent à amarrer tant de fois, que leur boute cédant, laissa partir au large leur gagne pain.
La vague avait passé et sur les berges ruinées les herbes folles frémissaient encore de stupeur. Dans un désordre échevelé, elles mollissaient au vent, soyeusement mêlées formant un ondulant tapis.

Sur la grève à l’écart, là où le marin remise son attirail et confine sa pêche dans un baraquement – tout en le protégeant
du mauvais temps – la vague avait tout emporté. Au clou, chaque jour l’ouvrier délaissait son bonnet de marin. Le sel avait nettoyé l’acier de sa rouille jusqu’au cœur.
La lourde porte couleur de ciel contrarié, avait été chahutée si bien d’un côté et de l’autre que, sortie de ses gonds, elle gisait désormais sur le sol de béton.

Sur les murs carrelés, l’électricité échappée de ses gaines épousait le moindre filet d’humidité. Des arcs lumineux surgissaient en crépitant, couraient d’un mur à l’autre autour de moi. L’esprit de la vague habitait encore l’endroit et ne semblait pas vouloir l’abandonner. J’étais l’importun dans l’antre du Léviathan. Alors que le paysage tout proche s’éclairait déjà de pastel sucré, au loin le faîte des grands arbres pliait toujours sous la force de la tempête. Derrière la désolation, au beau milieu des décombres dispersés par la vague, une tâche rouge émergeait, droite, insolente. M’approchant, je vis une fleur à la bouche écarlate. Ses lèvres veloutées s’entrouvrirent pour me parler.

“Vois le lien qui m’unit à la terre. Comprends combien un simple geste adressé en toute innocence, me touche et me fait sentir si forte. Respecte ce fil ténu désormais enlacé autour de mon corps. Il est devenu nécessaire à ma vie, à ma joie, à ma beauté. Sois comme ce brin tendu. Donne ton âme, ton corps au monde et à l’espace. Repousse le Léviathan au fin fond des abysses car lui, ne recherche qu’une seule chose sur cette terre : retrouver le chaos originel.”
Alors que ces mot résonnaient encore en moi, je sentis la vague perverse, gronder avec force et venir sur moi. Je fus soudainement soulevé dans une lueur translucide. Mes yeux s’ouvraient sur des formes diluées, évanescentes et claires.

Le sol n’en finissait pas de disparaître. Mon esprit vacillait peu à peu. Ma force s’amenuisait. Mon corps tout entier s’abandonnait aux douces clartés qui m’appelaient d’une voix si cristalline. Autour de moi une chevelure d’ange se développa, fine, douce, m’enroba d’un voile tissé d’un fil de lumière. L’étreinte se resserra jusqu’à ce que je ne puisse ni bouger ni respirer. Asphyxié je dus fermer les yeux.
Lorsque je revins à moi une douce brise effilait quelques nuages cotonneux.
La mer profonde et assoupie jouait de son ressac comme à l’accoutumée. L’abominable avait enfin rejoint son antre. Le jour renaissait. Il allait faire beau.

L’ivresse de la haine

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Oleksandre Matsievskii (encre sur papier 14×22 cm)

Que vaut l’interdiction de tuer pendant la guerre.
La guerre dépasse les bornes. Elle dépasse la conquête des espaces autant qu’elle réduit le champ des libertés. Le monde subit l’effondrement des valeurs, y compris dans les rares territoires qui ne sont pas engagés.
Qu’un homme soit disposé à tuer ou attaché à la valeur sacrée et universelle de la vie, peu importe.
Tout est perverti dans la guerre.
Soldats et civils se mêlent au chaos. La distinction entre l’arrière et le front vole en éclats et le meurtre de guerre flirte avec l’assassinat.
Pour les soldats, tuer est un devoir. Tuer est vertueux. La guerre brise toute morale et ce nouvel ordre établi, procure parfois à l’homme l’ivresse du sang et de la cruauté.

La guerre éduque à l’inhumanité.

Texte extrait du documentaire 1942 (femmes, hommes, et enfants, racontent l’année 1942)

In Naturalibus

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Huile 21x29cm

Je dois posséder dans des cartons quelques milliers de croquis réalisés à l’atelier de de Modèle Vivant. J’ai souvent pensé qu’il était dommage de ne pas profiter de tous ces dessins tout en me demandant comment je pourrais en tirer parti. Devaient t’ils dormir tranquillement dans l’obscurité de ma cave et se dégrader peu à peu, rongés par le temps. Ou prendre vie en retrouvant un peu de lumière.
La difficulté que j’ai toujours ressentie à l’utilisation d’un croquis, c’est que, dans ses lignes très libres et sans repentir, il possède une force brute qui est pratiquement intouchable. Un croquis est une fin en soi. Le croquis doit fuser de la main. La spontanéité bannit de ce fait tout recours à la gomme. Du croquis à la peinture, il y a un parcours à inventer, la nécessité de le re-interpréter. Et bien souvent de passer à côté du meilleur.

Huile 50×65 cm
Huile 50×65 cm


Si le croquis de nu fixe rapidement par quelques traits noirs l’essentiel d’un modèle, il n’en est pas moins relativement dématérialisé. Le croquis de nu n’a pas de volume, pas de contenu et c’est le rôle de la peinture de lui apporter les ingrédients nécessaires pour lui rendre un aspect plus charnel. Quels tracés essentiels conserver. Quel espace créer autour de la figure et quelle ambiance colorée lui offrir. Le questionnement nait du besoin d’assurance, de la nécessité de limiter l’inconnu, d’anticiper le coup d’après. Il s’avère que la réponse arrive très souvent de manière toute naturelle dans l’action. Garder, ajouter, transformer ou reprendre à l’identique, voilà le jeu progressif, toujours excitant. Modeler, assembler, puis gratter la couche comme on gratte une peau, redessiner les formes, ambiancer, développer une profondeur. C’est le jeu du “stop and go”.
La peinture est une guerre de mouvements.
(Les peintures originales sont au format 50×65 cm pour une partie et 16×24 cm pour les formats les plus petits.)

Huile 50×65 cm
Huile 50×65 cm
Huile 50×65 cm

Têtes d’affiches

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Il m’arrive de temps en temps de faire des tentatives techniques. Je me dis “tiens et si je faisais ça comme ça !”. J’ai compris qu’en changeant sa manière de faire, en faisant des essais de toute sortes, on découvre tout un tas de nouvelles possibilités. On finit par ne plus avoir d’appréhension face à la technique, les outils se banalisant on donne plus de place à l’expression. Bien connaître les possibilités des outils en sa possession me paraît indispensable et développer leur utilisation est nécessaire. Alors autant se lancer dans l’aventure. Pour cette série de portraits, j’ai mélangé pastel sec, oil stick et peinture à l’huile. J’ai déjà parlé des bâtonnets de couleur à l’huile ici (oil stick Sennelier), de leur qualités et défauts. Véritable huile solide, ils se mélangent parfaitement avec l’huile traditionnelle. Ne pas oublier que leur utilisation se fait surtout en y mettant les doigts. Donc, des gants en latex peuvent être recommandés.
J’ai selon les cas, commencé à dessiner et mis en place la couleur avec du pastel sec. Puis fixé celui-ci avant de revenir sur la base avec les sticks ou la peinture à l’huile. Ça fonctionne très bien. Le pastel sec ne se mélangeant pas avec l’huile, j’ai pu m’en servir en le laissant apparaître parfois entre les touches de peinture. Le plus gros avantage que je vois aux bâtonnets de couleur (huile ou pastel), c’est cette rapidité qu’il y a à poser une couleur sans avoir à la fabriquer sur la palette. C’est très instinctif. Et en travaillant avec une gamme limitée, des couleurs inattendues, voire un peu “sauvages”, peuvent apparaître faute de choix.

Hiver en Vaucluse

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Église de Sainte Colombe.

Petite escapade dans le Vaucluse au pied du Mt Ventoux en cette fin de janvier. Le soleil et le ciel bleu assurés. Il fallait aussi compter sur des matinées particulièrement froides. Les gelées quotidiennes n’ont pas eu raison de ma détermination à poser ma boîte de peinture sur le motif. Dire que peindre au lever du jour par moins 5° fut agréable et facile, serait exagérer. Contraints par une grosse parka, mes gestes sont gauches et mécaniques. Le froid peu à peu rigidifie mes doigts. Peindre avec des gants me fait perdre la sensation des appuis, de la précision. Le manche des pinceaux glisse entre mes doigts. Les après-midi seront bien plus agréables. En cette saison, les paysages sont lumineux et magnifiques, teintés principalement d’ocre, de brun qui virent selon l’heure et la lumière aux nuances de mauve et de rose. Quelques touches de vert parfois tendre, parfois sombre ponctuent des parcelles incertaines. Les rangées de vignes plantées sur le sol calcaire, dessinent des lignes parallèles en descendant mollement la pente des vallons. Quelques chênes, par leur position dominante, magnifient des bosquets en conservant à leur cime une parure de couleur or. Dans le lointain, sur l’horizon occulté par les premières pentes du Ventoux, une fumée laiteuse monte paresseusement vers le ciel. Un chien aboie quelques instant, et le silence paisible revient, m’enveloppe de nouveau. Il ne reste plus que le chuchotement du pinceau posant la couleur sur le support.

Combe de Saint Estève.
Combe de Saint Estève.
Combe de Saint Estève.
Combe de Saint Estève. Au loin Bedoin, en fond les Dentelles de Montmirail.
Combe de Saint Estève. En fond le Ventoux enneigé.
Combe de Saint Estève.
Combe de Saint Estève.
Sortie de Sainte Colombe. Sur la route du Ventoux.
Combe de Saint Estève. Les vignes.
Bedoin, combe de Curnier aux Colombets.
Sainte Colombe.
Combe de Saint Estève. Les vignes.
Bedoin, les Couguious et la falaise d’ocre.
Les Bruns depuis la combe de Saint Estève.

L’avenir est passé

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Passent les heures, passent les jours, les années et s’enfuit le temps comme le sable du désert coule entre des doigts gourds. Combien de silhouettes devenues vacillantes, de visages fugitifs, de voix atones peuplent mes souvenirs. Il y a les figures des proches qui ont fait le miel de mon enfance, souvent la contrariété de mon adolescence et ont révélé mon impuissance face à leur déclin. Combien de vies croisées, d’hommes et de femmes rencontrés, salués amicalement ou enlacés affectueusement dont je ne sais plus rien…de leur existence ou de leur absence. Des vides se créent et ne se comblent que de fugitives illusions. Ceux qui se sont perdus en route, ne retrouvent que rarement le chemin. À force d’attendre, de remettre à demain, la trace ténue qui nous relie s’estompe pour devenir aussi discrète qu’un fil de soie.
Parfois, sans avoir fait appel à quelque incantation, un visage, une voix réapparaissent pourtant et prennent possession de mon esprit. L’incarnation est éphémère et entretenir un lien avec elle est tout aussi impossible. Un avatar n’est de nulle part et n’a rien à dire. Je me retrouve alors stupide, face au miroir à sonder dans la profondeur des reflets ma propre solitude et à douter de ma réelle existence.

Portraitiste déjà.

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Je ne résiste pas au plaisir de vous faire découvrir les dessins de ma petite fille de 15 ans qui s’est lancée dans les portraits de ses copines et copains à partir des photos qu’elle a faites. Je suis très fier d’elle et un peu de moi aussi pour l’avoir initiée et encouragée à ne jamais abandoner le dessin et la peinture.
La construction du visage, les proportions sont bonnes, ombres et lumières sont parfaitement placées, l’ensemble est cohérent sur le plan de la couleur…et déjà un certain style.
Maintenant, il faudra aller plus loin encore et toujours.

Il était une fois

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Le livre existe pour raconter des histoires. De vrais histoires d’hommes, d’animaux, de plantes. Des fables qui racontent un autre passé, un futur qui n’existe pas et aussi des paraboles mille fois refaçonnées pour rassurer l’être face à l’inconnu.
Si le livre écrit a ses mots pour faire rire, pleurer ou réfléchir, et s’il m’emporte vers la culture de l’esprit, le livre d’images avec ses empreintes colorées sur papier blanchi, possède à sa manière une autre force d’évocation.
L’album photo familial sitôt entrouvert, exhale d’entre ses pages plastifiées, la joie, l’amitié, l’amour réussi ou l’amour trahi, la naissance ou le souvenir de la disparition. C’est étonnant comment ce catalogue de moments passés, parvient à revisiter l’histoire des uns et des autres. Sur les plus vieilles images imprégnées de blanc et de gris, parfois floues ou à la limite de l’effacement renaissent incessamment les personnages qui ont accompagné mon parcours.
A cette époque, la photo devait fixer pour “presque” l’éternité le mieux que nous étions. Il fallait observer la cérémonie du “bien habillé”, du sourire et surtout celle de l’immobilité en fixant l’objectif.


Dans le vieil album photo certaines vies silencieuses attendent impatiemment mon passage. Sous mon regard indulgent elles s’animent, reprennent de la couleur. Le récit se fait tantôt drôle tantôt dramatique. Je me moque gentiment…un peu, et parfois même beaucoup. Non mais, comment étions nous accoutrés à cette époque!
Sous mon œil observateur, un détail ignoré apparaît et recompose la scène avec un nouvel éclairage. La photo, c’est cet instant là, précis, celui qui défie le temps. Elle devient le rocher immuable à l’ombre duquel coule une source. Alors quand les visages aimés s’effacent de ma mémoire, quand le grain de leur voix faiblit, je me penche humblement sur l’onde claire.
Sur la photo, il y a les êtres qui sont, ceux qui ne sont plus et ceux qui se sont perdus dans les pages. Partis, sans un aurevoir, dans l’indifférence parce que…parce qu’il y a tant de raisons d’oublier les autres pour ne pas se détourner de son empressement. Tiens, mais comment s’appelait-t’il déjà, qu’est-il devenu ?


Dans ce grand recueil de vies passées et à grandir, tout le monde y est beau, les sourires me sont adressés comme un hommage, un éternel encouragement pour l’avenir.
Malgré l’absence de couleurs, l’image raconte la clarté ocre d’un jour d’été. Je ressens encore cette ambiance chaude et cette lumière si dure, si haute qui me faisait cligner des yeux et souligne mon visage d’une ombre comme si je portais un masque. Je me souviens bien de cette couleur vert tendre que tu portais. Par contre, je ne sais plus qui tu regardes en dehors du cadre. Ta petite “mère” aux bras si doux et au baisers si tendres ou un inconnu qui semble t’inquiéter.
Les photos d’autrefois méritent bien plus qu’une place au profond d’une armoire aux senteurs de naphtaline ou de santal. Les vieilles images sont des messages sans cesse renaissants auprès des générations futures. Elles sont un monde entier, un monde en soi, que personnellement je ne saurais oublier.

Le printemps déjà !

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La canicule de cet été a brûlé tous les arbres du parc et leurs feuilles sont au sol en couche épaisse comme en automne. Pourtant en quelques jours, et aujourd’hui 12 septembre 2022 dans le Morbihan, pommiers et poiriers sont en fleur comme au début du printemps. Que nous annonce donc ce chamboulement de saison pour cet hiver. La nature est tellement perturbée que les plantes ne savent plus quelle attitude adopter…un peu comme nous en quelque sorte !

Incertitudes

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Lorsqu’on parle “d’incertitude”, c’est souvent face à notre avenir. En pensant à notre futur qu’il soit proche ou lointain. C’est la grande incertitude née de l’incroyable complexité du monde, de sa phénoménale puissance indomptée. Il serait temps alors que l’on se rende compte que nous ne sommes pas des “dieux” sur terre. Ni attendus, ni élus.
La grande incertitude, génère de l’angoisse mais aussi du plaisir, comme celui que l’on peut éprouver en s’avançant vers l’inconnu. La certitude s’affirme souvent par des preuves, des faits établis, vérifiés, approuvés. La certitude serait en quelque sorte liée à la vérité. À contrario, l’incertitude serait-elle alors l’expression du mensonge. L’un n’est pas le pendant de l’autre. Si l’incertitude est liée au doute, ce dernier ne serait-il pas un équilibre instable entre la vérité qu’on souhaite et une réalité que l’on imagine ambiguë.
Je laisse tous les philosophes et tous les penseurs épiloguer sur le sujet plus efficacement que je ne peux le faire.


Pour ma part, je m’intéresse d’avantage aux “incertitudes”, à ces petites interrogations qui peuvent se poser chaque jour à ma réflexion et qui sont après tout sans aucune importance, et passent dans leur grande majorité totalement inaperçues. J’aime lorsque l’interrupteur fait “clic-clac” et que l’ampoule s’éclaire et s’éteint. Là, c’est clair ! Mais je n’ai jamais su lequel du clic ou du clac allumait et éteignait. Vous comprenez qu’après une petite réflexion, que dis-je un petit moment d’arrêt sur soi-même, la certitude fait place à l’incertitude et bien des questions se posent. Que se passe t’il exactement entre le clic et le clac ? La lumière est ou n’est pas ? De même une balle qui n’atteint pas son but, à quel moment infléchi t’elle sa ligne pour tomber ? Qu’en est-il lorsqu’on dit que le verre est à moitié plein ou à moitié vide. On peut penser que l’optimiste le voit à moitié plein et le pessimiste à moitié vide. Mais les rôles peuvent s’inverser. Le pessimiste peut se réjouir qu’il n’a jamais été aussi proche de le remplir. Et l’optimiste songer tristement que son verre sera bientôt vide. Finalement, on n’y comprend plus rien. On est perturbé. Chemin faisant, devant vous se dresse un bloc sombre, une barrière d’improbables ténèbres. L’heure passant, de ce magma indistinct émergent prairies verdoyantes, vallons aux sources claires, falaises pourpres et mordorées. Votre vision vous aurait-elle trompé. Peut-on faire confiance à sa vision alors que le temps évolue incessamment. Doit-on douter de sa capacité à représenter le monde dans sa réalité puisque celui-ci est en mouvement permanent.


Ce qui m’intrigue le plus, c’est par exemple ce moment de la journée que l’on nomme “entre chien et loup”. Je n’ai jamais compris à quel moment sortait le loup et se cachait le chien. Le savez-vous ? J’ai là quelques images qui sont à cette distance du clair et du sombre. Précisément à l’endroit même où ne peut pas se situer un interrupteur. Sommes nous à l’aube, au couchant ? Quelqu’un a dit “il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée”. Mais non voyons ! Une porte entrouverte est si prometteuse, si propice à l’imagination, et à quelques fantasmes aussi. Une peinture entre chien et loup, c’est la représentation d’un moment qui ne saurait basculer vers la lumière ou l’obscurité. C’est un mélange de signes visibles, distincts, de connaissance et de confusion mêlées. Je ne certifie rien des sujets, de leur moment, de leur heure, ou de leur lieu, encore moins de leur crédibilité. Ces peintures sont tout simplement le reflet de mes petites incertitudes.

Nous essayons de nous entourer d’un maximum de certitudes, mais vivre, c’est naviguer dans une mer d’incertitudes, à travers des îlots et des archipels de certitudes sur lesquels on se ravitaille…
Edgar Morin.

Bois et campagnes

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J’ai toujours beaucoup de courage pour peindre le matin et beaucoup moins le soir. Je n’ai pas grand mérite car j’ai tendance à me lever naturellement vers 6h. En quelque sorte une horloge programmée en tête. Être en place au lever du jour me procure bien des plaisirs. Une belle lumière, mais surtout ici, dans la campagne morbihannaise, la rencontre presque quotidienne avec quelques chevreuils. En revenant plusieurs fois au même endroit je me suis rendu compte que ces derniers s’habituaient à ma présence. Les champs de blé n’étaient pas encore moissonnés et les chevrettes accompagnées de leurs faons gitaient en leur plus grande hauteur. Les premiers jours au bruit de mes pas, les mères détalaient en sauts gracieux, froissant les blés, abandonnant les petits déjà convaincus que l’immobilité et le silence étaient leur seule chance de survie.
Puis, jour après jour à mon passage, elles relevaient uniquement la tête pour estimer le danger. Je voyais alors juste leurs oreilles et leurs grands yeux noirs émerger d’une mer d’épis dorés. Sans doute existait-il une certaine reconnaissance pour qu’elles ne fuient pas. Je leur parlais doucement chaque fois que je passais. Leur demandant comment elles allaient, n’espérant bien entendu aucune réponse. Mais l’absence de fuite était déjà un joli signe de confiance et un beau contact.

Et puis, un jour, ma peinture finie et déjà sur le retour, le long du champ de blé j’aperçois deux faons au loin, jouer sur le chemin. Je tente le tout pour le tout. Je connais la légendaire curiosité des chevreuils. Je me mets alors à les siffler très doucement comme lorsqu’on appelle son animal familier. Et les voilà tout à coup interrompant leur jeu, m’aperçoivent et gambadent vers moi à toute allure. Le premier arrive à quelques mètres et saute soudainement dans le champ de blé. L’autre me vient dessus et s’arrête à portée de main. Il me regarde quelques instants et comprenant son erreur, disparaît lui aussi d’un bond désordonné  dans les blés. Quelle émotion ! Je suis resté un bon moment comme absent. Avec un vide inexplicable. Ma plus belle rencontre depuis bien longtemps.Toujours lors de mes peintures matinales, il y a eu aussi le chevreuil venu manger à quelques mètres de mon chevalet. Et moi immobile, caché derrière ma boite de couleurs, pendant un temps infini pour qu’il ne détecte pas ma présence. Il était si proche que je l’entendais mâcher les herbes et autres plantes que ces beaux mammifères sélectionnent avec gourmandise.
Et puis tant d’autres chevreuils et chevrettes traversant prudemment l’espace découvert d’un bois, d’une prairie sans me deviner ni me sentir. Tout un monde sauvage et libre qui malgré des territoires de plus en plus segmentés par l’homme continuent à vivre pour mon plus grand étonnement et plaisir, en silence et en toute discrétion.

Passion sauvage

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Âmes sensibles passez votre chemin ! Aujourd’hui, ça va être brutal ! Du sang, du bruit, de la fureur et plus rarement des larmes. Les combats de coqs produisent des images aussi fantastiques qu’impressionnantes de violence.

Il est évident que ces combats (savamment préparés), s’ils produisent des images fantastiques pour un photographe ou vidéaste, n’en demeurent pas moins une pratique contestable et très contestée. L’attrait du mouvement, de la couleur, de la dynamique générale et peut-être aussi de l’aspect du drame sous-jacent qui se joue dans ces affrontements de plumes, de becs et d’ergots ne peuvent que provoquer de l’intérêt pour un peintre.
En dehors de l’aspect “esthétique” reflété par l’image, j’ai voulu en savoir un peu plus sur cette pratique que certains qualifient de “loisirs”, d’autres de “spectacle” ou encore de “sport” à dimension sociale. Je pensais que les combats de coqs étaient interdits en France. Il n’en est rien. Tout comme la tauromachie, il existe des exceptions dans certaines régions où elle est considérée comme une tradition locale ininterrompue (Hauts de France et Outre-mer). La France fait partie des 27 pays dans le monde à autoriser les combats de coqs et reste un des 3 derniers pays européens à tolérer cette pratique.

Les coqs ont une tendance naturelle à se battre. Profitant de ce fait inné, l’éleveur sélectionne les oiseaux les plus agressifs, les plus forts, les plus endurants afin d’obtenir une vraie “bête” de combat. Génération après génération, le “coqueleur” conserve les poussins mâles et 2 à 3 femelles de la couvée de manière à forcer l’accouplement entre les meilleurs individus. Après l’éclosion, les poussins mâles sont séparés plus ou moins tôt. Vers 5 mois les animaux commencent à devenir dangereux et sont séparés de la volière commune. Chaque coq est isolé dans son propre enclos ce qui les rend très agressifs. Bien souvent il reçoit une alimentation particulière, car il est considéré comme un sportif de haut niveau. Comme tout athlète, son entrainement peut commencer.

Dans le nord de la France, la préparation physique débute par de la course et des exercices de musculation, suivie par des combats d’entraînement avec les ergots protégés pour éviter les blessures. Le premier combat d’entraînement commence en général vers 8 mois. Il a pour but de savoir si le sujet est assez combatif pour poursuivre une carrière complète. Pour le premier combat officiel, leur crête est coupée ainsi que les ergots, remplacés par un aiguillon tranchant qui peut atteindre 5 cm.
Les “coqueleux” mettent les coqs face à face, les excitent de la voix et du geste et les lâchent dans le “gallodrome” au milieu des cris des parieurs. La rixe à mort est limitée à 6 minutes. Une fois le combat terminé, le perdant est cuisiné et consommé.

Chaque pays dispose de coutumes, d’usages différents. Certaines pratiques sont plus que suspectes et peuvent être qualifiées d’actes sadiques.
Pour la préparation du coq antillais par exemple, son dos est déplumé, le ventre et les cuisses, la peau est badigeonnée de tafia (rhum de seconde qualité) et exposée au soleil. Elle se durcit, devient rouge vif et forme une carapace dure et insensible. Tout est fait pour éviter la perte de sang qui affaiblirait l’animal durant le combat. Les rémiges (grandes plumes de l’aile) sont taillées. Les caroncules (excroissances charnues et rouges qui se voient au front, à la gorge, aux sourcils des oiseaux) sont coupées. La crête est rasée pour ne pas laisser de prises à l’adversaire. Enfin, les ergots sont sectionnés dès les 12 à 14 mois. Il existe également des moyens biochimiques (injection d’hormones mâles) ou le recours à des coqs domestiques comme victimes lors des entraînements, afin d’affûter l’agressivité des coqs.
Les combats de coqs étant d’une barbarie extrême, l’Association Stéphane LAMART s’y oppose fermement, au même titre que les combats de chiens, qui sont pour leur part interdits en France mais pratiqués parfois clandestinement.

Voilà un bref aperçu de cette “exploitation animale” qui peut en choquer plus d’un. Pour ma part si j’apprécie l’intérêt des documentaires que ces combats de coqs peuvent produire à titre d’information, et l’impact saisissant des photos, j’avoue ne pas militer pour défendre cette “pratique” qui me paraît totalement en dehors de notre temps.

Pêle-mêle

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Un ensemble de peintures des mois de mars et d’avril tout en bloc. Principalement sur le Morbihan. Quelques personnages discrets, minuscules silhouettes déambulent dans le paysage. Un peu perdus sans doute. Prendront t’ils plus de place dans l’avenir ? Avant tout ce travail sur les ciels. Ces ciels qui se font et se défont continuellement, comme une marée de vagues. Si neufs et si anciens dans le même temps.
(Dommage que le format du blog ne permette pas la publication de reproductions plus grandes.)

Merci

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Oui, merci à toutes celles et à tous ceux qui par fidélité ou simple intérêt suivent mon blog. Amis forcément indulgents, inconnus simplement abonnés, silencieux mais bien présents (et qui ne m’adresseront sans doute jamais le moindre commentaire), j’apprécie votre présence à tous qui ensoleille mes journées et rejette au loin l’indifférence. À l’instar de cette petite goutte de rosée qui s’accroche à son fragile support et qui n’existera plus demain, les relations virtuelles sont fragiles et peuvent être éphémères. Même si elles ne sont pas parfaites, “moins bien est mieux que rien”. Merci de rester éveillés tous ensembles, curieux et à l’écoute des autres. Il est dit que l’art est un petit radeau contre la bêtise. Souhaitons que cet art soit surtout un gage de paix et d’intelligence entre les individus et les peuples.
Serge San Juan.

Plumes noires

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On ne les aime pas trop ces oiseaux plutôt noirs au chant un peu rauque. Corneilles et corbeaux sont mal vus dans les campagnes. Les jeunes semis, le maïs, le tournesol, le soja, etc…sont des cultures régulièrement attaquées. La corneille est chassée, piégée et de fait elle nous le rend bien en étant très farouche. Le corbeau à l’inverse est bien plus sociable et peut se rapprocher des habitations. La corneille est souvent confondue avec le corbeau…de même, elle n’est pas la femelle du corbeau. Ces oiseaux sont d’une intelligence remarquable et savent utiliser des outils dans certaines occasions (cailloux, branches). Les corvidés ont très bien compris que nos poubelles sont de fantastiques réserves de nourriture. Les corneilles savent reconnaître l’alimentation à travers les sacs transparents. Ces sacs transparents se trouvant la plupart du temps éventrés, l’utilisation de poubelles en plastique rigide est fortement recommandée.
En période de reproduction, les corneilles peuvent défendre avec acharnement leur progéniture par des vols d’intimidation, des coups de becs ou de pattes. Gare à vous !

Quel est donc le lien entre les corneilles et le fait de bailler ? Contrairement à ce que l’on pense, l’expression s’écrit “bayer aux corneilles”, et ça change un peu les choses. Mais on peut se montrer indulgent envers celui qui confond les orthographes.
Au XVIe siècle, le terme “corneille” s’est étendu en désignant un objet insignifiant, sans importance. “Voler pour corneille” exprimait le fait de chasser un gibier sans valeur. Cet usage du mot “corneille” renforce l’image de futilité que nous associons aujourd’hui à “bayer aux corneilles”. Bayer est une variante de “béer” qui signifie “avoir la bouche ouverte”. Selon le sens des différents termes qui constituent cette expression, nous pourrions ainsi la traduire par “rester la bouche ouverte devant une chose sans intérêt”.

D’azur et de cendres

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Enfant, par les belles journées d’été, dans ma campagne Normande, je m’allongeais dans l’herbe tiède la tête tournée vers le ciel. Et là, par la force de mon désir ou peut-être par le hazard des turbulences atmosphériques, de l’azur naissait soudainement d’audacieux nuages. En groupe ou en solitaire, ils traversaient mon champ de vision sans se presser, me livrant leur fantasmagorique imagerie. Toutes sortes d’animaux défilaient ainsi sous mes yeux se formant, se déformant, s’effilochant comme la barbe à papa. Bien souvent, des figures burlesques m’apparaissaient, celles avec une grosse tête, un gros nez ou de grandes oreilles. D’autres silhouettes plus menaçantes, cachées parmi d’innocents nuages, germaient sournoisement. Mesquines, elles se déformaient devenant géantes et, tutoyant la voûte céleste assombrissaient soudainement le jour. Alors, la nature toute entière s’immobilisait, les arbres ne bruissaient plus, et sur ma peau d’enfant, un frisson de peur dressait mon duvet. Mais, la lumière revenait et la vie un moment perturbée, reprenait son souffle tendre et doux.

Aujourd’hui, je ne m’allonge plus dans l’herbe. Non qu’il n’y ait plus de nuages, le ciel en est tant et tant chargé. Mais il y a quelque chose dans leur forme et leur couleur qui ne m’inspire plus confiance. Sans doute ai-je perdu en vieillissant cette part d’enfance et d’imagination qui faisaient se dessiner sous mes yeux innocents un monde féerique et joyeux. Le ciel s’est obscurci en même temps que mon esprit. Du fond de l’horizon, pourtant pas si distant, de lourds et pestilentiels cumulus chargés de rancœur se sont formés alors que j’étais aveugle. Aveugle, comme un enfant fermant les yeux pour occulter le danger qui arrive. Des poussières noires et poisseuses ont envahi l’espace libre. Des arcs électriques ont embrasé les nuages, résonnant sous leur ventre douloureux. Les jours et les nuits se sont chargés de mercures et de poisons sulfurés brûlant l’oxygène, étouffant la vie en tout endroit. Sous le masque impassible de l’infâme, couvait le feu vengeur de la guerre et roulaient depuis longtemps les tambours d’un ordre nouveau. Les foudres sont lancées dans un ciel d’obsidienne. Les nuages liquéfiés, pleurent du sang sur le pauvre sort des hommes.

L’immensité bleue a fait place aux ténèbres et aux sombres desseins. Des lueurs de feu transpercent les nuages, frappent en cohortes meurtrières les enfants qui ; hier encore regardant de leurs yeux grands ouverts, l’azur et ses nuages candides, attendaient des signes d’avenir et des promesses de bonheur. Pendant ce temps, une poignée de fous avaient déjà décidé de réduire en cendres à jamais leurs rêves les plus éblouissants.
L’ordre de la nature a toujours fait fi des querelles humaines et les crimes même impunis n’ont jamais empêché l’aube de renaître. Tôt ou tard, le ciel retrouvera ses couleurs et son harmonie resplendira de plus belle. Il le faudra bien !

L’ombre

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Chaque soir, me couchant et fermant les yeux, je me demande à quel moment il va me rejoindre et perturber mon sommeil. Il apparaît sournoisement dans ma nuit et aucun signe, aucun acte particulier dans ma journée ne saurait provoquer ou prévenir son arrivée. Lui, c’est l’être de l’ombre, celui qui me visite de façon improbable, qui tente de me happer et de m’entraîner dans son antre profonde et froide. Dans mon repos silencieux, il glisse sur mes rêves, il avance prudemment mais irrémédiablement se rapproche monstrueux. Je sens son haleine humide, l’odeur de moisi et de poussière de ses effets recouvrant son corps hideux.

Quel long voyage a t’il parcouru et pendant combien de siècles a t’il survolé les nuits des hommes, tourmentant leurs songes, transformant leurs espoirs en cauchemars. Pour l’instant je suis plongé dans un abîme de bitume. Des amis sans nom et sans visage me précèdent. Ils avancent doucement sur une pente vers une pièce au loin, très éclairée. J’ai beau me dépêcher pour les rejoindre, chaque pas que je fais me retarde sur leur avancée. J’avance tout en reculant. Devenus silhouettes dans la lumière, ils referment doucement une porte dont le filet de lumière se projette dans l’espace charbonneux. La lame étincelante perd peu à peu de son intensité. Dans un claquement sec de pêne, la porte se referme et m’emmure dans le néant. Alors, il s’approche. Je le devine naître doucement des ténèbres. Il ne bouge presque pas, se mouvant comme le brouillard coule dans une vallée, oppressant et figeant chaque chose et chaque être. Je ressens pourtant la force de son désir. Il me veut. Il est là pour moi.

Et les autres là-bas qui ne remarquent pas mon absence. Je les appelle doucement de peur de déclencher la fureur du monstre. Et rien ne se passe. Je crie de plus en plus fort, jusqu’à hurler alors toute mon épouvante. Je vois de mes propres yeux, ma bouche béante articuler jusqu’à la distorsion toute ma souffrance ressentie. Mais, aucun son ne parvient à mes oreilles. J’étouffe dans des sanglots d’impuissance ! Le monstre se rapproche, ses membres gainés de suie me frôlent comme un avertissement. Il va me saisir, m’envelopper dans sa gangue noire, me transformer en exuvie qui contraindra mes os. De toute ma puissance, dans une douleur ultime, j’expulse mon dernier cri !
On me pousse on me secoue, j’entends parler, comme dans un ailleurs. Du bruit, soudain une lumière s’allume puis s’éteint ; et je me rendors !
Le monstre de la nuit s’est évanoui je le sais, mais il en rôde toujours un autre quelque part de l’aube au crépuscule qui me suit pas à pas. Je ne suis jamais sûr de ne pas le voir réapparaître dès que je baisse la garde. Il est partout, tout le temps depuis tous les temps.
Et hier, je l’ai encore vu !

Un arbre

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Sorti de l’ombre d’un chemin, un enfant à la chevelure bohème s’est installé à mes côtés.
Dessine moi un arbre me dit-il, après un grand silence.
Un arbre ? Tu ne préfères pas que je te dessine un mouton ? Je croyais que tous les enfants préférais les moutons.
Moi, je n’aime pas beaucoup les moutons. Ils bêlent tout le temps, ils sentent le suint et foncent n’importe où sans réfléchir quand ils ont peur.
J’avais envie de lui faire plaisir et me mis tout de suite à l’œuvre.
Tiens, voilà ton arbre. Bien grand, avec de grosses branches fortes et noueuses comme des bras de géant et coiffé d’une belle chevelure verte à son sommet.
Pas mal du tout, mais ton arbre est-ce qu’il parle ?
Je n’ai jamais entendu un arbre parler, lui dis-je.
Même dans ta tête ?
Euh non ! Bien franchement.

Pourtant regarde et écoute celui-ci avec sa branche cassée comme il geint lorsque le souffle venu de la mer secoue son membre estropié.
J’ai beau tendre l’oreille, je n’entends rien.
Tu n’entends rien peut-être parce que tes oreilles sont devenues insensibles au malheur. Sais-tu aussi qu’on entend mieux avec un bon regard. Tu as peut-être aussi besoin d’une bonne paire de lunettes.
Je ne savais pas quoi lui répondre. À vrai dire les réflexions des enfants m’avaient toujours laissé dubitatif quant à leur évidence. Ce n’était pas ce gamin qui allait me donner des leçons.

Montre-moi ces autres dessins que tu caches dans ton grand carnet noir. Il se mit à feuilleter le carnet avec grande attention et pour chaque dessin ne m’épargna pas ses commentaires.
Cet arbre là est bien discret, fondu dans le paysage. Je le sens rêveur. Il n’ose pas se montrer dans la lumière et se cache derrière ses voisins présomptueux. Leur orgueil est pour lui l’assurance de sa tranquillité. Vois comme il maîtrise ses branches pour gagner en humilité et survivre à proximité des géants. Celui-là, je l’aime bien pour tout ce qu’il ne dit qu’à demi mot.

Alors cet arbre là ne parle pas vraiment ?
C’est vrai, celui-là il ne parle pas beaucoup mais tout est dit dans son allure.
C’est bien compliqué tout ça, je ne comprends rien à ce que tu me racontes. Et ceux là, ils te parlent comment ?
Ceux-là, chétifs et souples, pliant sous le poids de leur feuillage mouvant dans l’éclat du jour, jettent à tout moment des flash argentés comme un banc de sardines surexcité. Ils sont joyeux, plein de vie, de jeunesse. Ils cherchent à attirer le regard. C’est pour ça qu’ils sont si beaux. Et puis ceux-ci encore qui émergent de l’ombre pour profiter de l’air chaud, dessinent de leurs troncs rosés des arcs tendus à l’assaut de la lumière. Ce sont des aventuriers, des conquérants de terres vierges, de véritables colonisateurs. Tous les arbres réunis dans ton carnet de dessins ont tous une personnalité particulière. Observe leur peau rugueuse ou lustrée qui court de leurs racines au plus haut de leur faîte. Admire leur toison qui change de couleur au gré des saisons pour le simple plaisir d’embellir ta vie. Touche leur corps somptueux et équilibré qui les fait tenir sur une jambe même en pleine tempête.

Tu vois, au delà des apparences ils ont tous quelque chose à nous dire. Et ce n’est pas tant qu’ils aient réellement à nous parler que nous qui avons à les observer et à les comprendre.
Tiens je vais te dessiner mon arbre préféré, me dit-il.
De sa petite main, il effleura la feuille blanche par des mouvements circulaires. Il semblait caresser le papier et le dessin apparaissait comme par magie. Un sourire aux lèvres et satisfait de son œuvre il me tendit le cahier et disparut aussi secrètement qu’il était apparu.

Je restais là, à regarder son magnifique dessin. Un arbre de vie ! Il m’avait dessiné un joli arbre de vie. Sous mes yeux lunettés et stupéfaits, je vis le dessin de l’arbre s’animer et les branches avec ses feuilles se mettre à danser.
Relevant la tête vers le paysage, je me mis à regarder l’arbre campé devant moi avec un œil neuf et interrogateur.
Aujourd’hui encore, j’en suis à me demander si tout cela était bien réel. Dans mon carnet de dessin, l’arbre de vie qu’avait dessiné l’enfant a disparu, remplacé désormais par une simple page blanche.

Hommes

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Etre modèle et poser pour les peintres, est devenu un vrai métier. Un métier où la concurrence est grande. S’il fallait auparavant avoir un peu de culot et se présenter à la porte de n’importe quelle académie pour décrocher des séances de pose, c’est beaucoup moins vrai aujourd’hui. Il ne suffit plus d’avoir une esthétique harmonieuse ou un corps digne d’intérêt. Il faut aussi savoir poser. Dans les ateliers de dessin, on demande au modèle de se mouvoir dans l’espace, de savoir se placer dans la lumière, de se camper par rapport au public. De la pose statique aux poses en mouvement, le modèle se doit de proposer une collection complète d’attitudes qu’il adaptera en fonction de la durée des poses (entre 2 et 45 mn). De nombreux modèles calquent leur répertoire de poses à partir des peintures de maîtres. Il n’est pas rare d’avoir une attitude de Saint Sébastien peint par Andréa Mantegna, ou de celle de l’Odalisque immortalisée par François Boucher. On n’imagine pas réellement la difficulté physique de ne plus bouger avec les bras levés, les jambes repliées dans une position inconfortable. Le corps supporte alors de grandes tensions musculaires. Et malgré tout, cela ne suffit pas pour que s’ouvrent en grand les portes des ateliers. Il doit se créer quelque chose entre l’artiste et son modèle. Une relation particulière qui créera une alchimie dynamique. Un très beau modèle mais indifférent à son espace, ignorant du public à ses pieds sera la plupart du temps écarté au profit d’un modèle plus participatif. Un modèle aux poses paresseuses ou atones a souvent une mauvaise influence sur le résultat d’un dessin. Et puis chacun possède ses propres critères en matière de physique avec lesquels il se sent motivé. La femme a été depuis toujours la source privilégiée des peintres mais aujourd’hui je mets en avant des dessins d’hommes.

(Croquis à l’aquarelle temps de pose n’excédant pas 10 minutes)

Paysages au carré

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Vous me direz, encore des peintures au carré ! Et oui, après les portraits, maintenant les paysages au carré. Cela veut-il dire que je tourne en rond ? Je dois avouer que ce format me plait particulièrement. C’est peut-être l’envie de sortir des formats conventionnels. Sans doute aussi compte tenu de ma fainéantise, un format carré m’en fait moins à peindre sur les côtés ! Mais non, je plaisante. Ce que je peux dire en tout cas, c’est que le format vertical pour un paysage (à la française) est un cadre qui ne m’inspire pas trop. Ce qui peut me séduire à la limite, ce sont les formats verticaux où le rapport largeur/hauteur serait très différencié. Mais les sujets de paysages susceptibles de se composer dans de tels formats sont un peu plus rares. Chinois et Japonais s’y sont confrontés merveilleusement. Je les laisse tout à leur art.
Pour cette galerie, des sujets simples, habituels. Quelques arbres, un coin de champ ou de forêt lors de balades, un chemin, quelques ambiances saisies au lever du soleil en campagne. Voilà pour mon univers. Pour la technique, certains visuels sont réalisés à la gouache, d’autres à l’huile. Cherchez à les différencier si ça vous amuse.

Paint-maton

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Quel plaisir que de retrouver la simplicité de la gouache. Elle est souvent oubliée, méprisée même car elle rappelle les années scolaires, les heures de peinture autrefois sous l’œil bienveillant, mais parfois incompétent, du maître ou du prof de géographie ou d’histoire. Ces matinées ou après-midi étaient beaucoup moins l’expression d’une grande créativité que le moment de défouloir pour le plus grand nombre. On sortait alors sa boite de gouaches, en godets ou pastilles et sa pochette de papier Canson. Les mieux équipés possédaient leurs gouaches en tubes et faisaient figure de privilégiés. La différence matérielle opérait déjà une fracture entre les plus doués et les autres.


Ce sont bien des souvenirs enfouis qui surgissent à l’utilisation de la gouache. Ce qui me revient souvent en tête, ce sont les faibles moyens accordés à la peinture, au matériel lui-même. Quand une couleur était épuisée, je faisais sans, jusqu’à ce que ça ne devienne plus tenable. C’était toujours le blanc qui manquait en premier. Il fallait que je négocie avec mes parents pour acheter quelques tubes, un peu de papier. Cette fourniture créative n’étant pas la plus indispensable. J’avais donc toujours le temps d’attendre un peu. J’ai aussi en tête, l’image du bocal d’eau nuageuse qui se renversait sur la peinture, toujours au dernier moment.


Il y a une délectation toute naturelle à jouer librement avec la matière et sa couleur.
En commençant mes autoportraits à la gouache, je me suis fait plaisir sans trop de contraintes techniques. De la couleur, de l’eau et du papier. Des ingrédients d’un grand commun. J’ai étalé de la couleur sans me soucier de la gestion du temps de séchage qu’impose l’huile. Ça soulage l’esprit. Ce qui m’a vraiment impressionné en découvrant les gouaches qu’un ami avait réalisées, c’est leur aspect mat, véritablement velouté. Il s’en dégage une douceur, une sensualité très charnelle. C’est une impression que je n’avais pas perçue auparavant. Et cela ne se ressent pas du tout à travers des reproductions. Comme quoi, voir un original apporte une dimension qui fait appel à d’autres sens que celui de la vue.


Cette série d’autoportraits, n’est pas la manifestation d’un égo surdimensionné, mais plutôt le fait qu’il n’y a pas plus simple de poser soi-même devant un miroir pour travailler le portrait. Par contre, se voir autrement que de face est une réelle difficulté face au miroir. Il sera facile au visiteur d’identifier le portrait qui est réalisé à partir d’une photo. Je ne reviendrai pas sur la sempiternelle “question du sourire” sur les autoportraits. Remarque ayant été déjà tellement traitée.

Femme

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    Je t'aime pour toutes les femmes
    Que je n'ai pas connues
    Je t'aime pour tout le temps
    Où je n'ai pas vécu
    Pour l'odeur du grand large
    Et l'odeur du pain chaud
    Pour la neige qui fond
    Pour les premières fleurs
    Pour les animaux purs
    Que l'homme n'effraie pas
    Je t'aime pour aimer
    Je t'aime pour toutes les femmes
    Que je n'aime pas

    Qui me reflète sinon toi-même
    Je me vois si peu
    Sans toi je ne vois rien
    Qu'une étendue déserte
    Entre autrefois et aujourd'hui
    Il y a eu toutes ces morts
    Que j'ai franchies
    Sur de la paille
    Je n'ai pas pu percer
    Le mur de mon miroir
    Il m'a fallu apprendre
    Mot par mot la vie
    Comme on oublie

    Je t'aime pour ta sagesse
    Qui n'est pas la mienne
    Pour la santé je t'aime
    Contre tout ce qui n'est qu'illusion
    Pour ce cœur immortel
    Que je ne détiens pas
    Que tu crois être le doute
    Et tu n'es que raison
    Tu es le grand soleil
    Qui me monte à la tête
    Quand je suis sûr de moi
    Quand je suis sûr de moi

    Tu es le grand soleil
    Qui me monte à la tête
    Quand je suis sûr de moi
    Quand je suis sûr de moi

Je t'aime (Paul Eluard)

Mugshots

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Les “mugshots” ou photos d’identité judiciaire ne datent pas d’aujourd’hui et sont consécutives à l’invention de la photographie. Lors de la conquête de l’Ouest, Allan Pinkerton fut le premier à utiliser les portraits des bandits et autres délinquants sur les fameuses affiches “wanted”. La photo s’est avérée rapidement insuffisante pour décrire un individu. Elle ne définit que les aspects physiques à travers l’image. À la fin du XIXe siècle le français Alphonse Bertillon met au point l’identification anthropométrique. Elle vient accompagner, surtout compléter par une indexation exhaustive, les détails qui vont permettre de reconnaître une personne sans risque d’erreur, notamment le risque de méprise avec un sosie.
Selon les pays, les époques, on trouve des mugshots de différentes factures. Souvent portrait face et profil. Parfois un portrait doublé d’une pose en pied en habits de ville.
C’est à partir de ces fiches d’identité historiques (d’origine australienne) que j’ai réalisé ces portraits, pour la plupart en noir en blanc ou sépia. L’époque que j’ai retenue est comprise entre 1920 et 1930.

(Il existe aujourd’hui sur internet un véritable trafic crapuleux à propos des “mugshots”. Des sites ont référencé les fiches et photos de milliers de détenus ou de personnes ayant fait l’objet d’une simple identification policière. Ces sites réclament plusieurs centaines ou milliers de dollars lorsque l’intéressé souhaite faire disparaître son portrait d’internet. C’est un véritable chantage. À contrario, internet a aussi permis dans de nombreux cas de diffuser des informations susceptibles de résoudre des affaires criminelles.)

Côte à côte

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Sur l’estran désormais abandonné au vent et à la vague, les grains de sable glissent et effacent promesses et espoirs. Qu’emporte l’océan, des misères et des joies dans son tumulte par delà la ligne d’horizon vers un pays indécis aux nouvelles couleurs. Que chaque syllabe prononcée, que chaque mot calligraphié soient l’accomplissement d’un destin unique. Que les prophéties d’un jour meilleur émergent au point de l’aube et se renouvellent à chaque flux. Sur l’estran de nouvelles promesses sont inscrites, toujours. Elles naviguent enfourchant amoureusement la crête écumeuse de l’océan. Et parfois sur la roche, une vague dépose dans un fracas de neige les bribes de vœux encore tout frais. Alors que le soir pousse à l’ouest un soleil fatigué, les dernières lueurs font scintiller sur le sable tiède le ventre nacré de quelques coquillages.

(Peintures technique mixte : encre, acrylique, huile. Format 50×65 cm)

Morbihan 2021

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Bientôt la fin septembre, signe de mon retour en région parisienne et l’adieu aux paysages du Morbihan. Avec une connexion internet au débit aléatoire, j’ai dû mettre de côté une bonne partie de mes peintures que je livre aujourd’hui aux flux indiscipliné. Pour le coup, ça fait un nombre conséquent de peintures. Une bonne partie des séquences où la mer est présente ont été réalisées en dehors des mois les plus touristiques de l’été. Juillet et août rassemblèrent ici toute une société d’arthropodes. Plages envahies d’insectes à deux pattes, chenilles randonneuses sur le sentier des douaniers, mille pattes motorisés formant une cohorte malodorante à toutes les croisées. C’est comme d’habitude à ce moment là que je me tourne vers l’intérieur des terres, la campagne fraîche aux senteurs odorantes et naturelles. Je reste plus que jamais fidèle à la peinture en plein air pendant ces mois passés dans le Morbihan. Je maintiens au maximum des séances sur le motif d’une durée n’excédant pas deux heures et je réduis au maximum les reprises.