Virginie Jeanne, maroquinier.

01_virginie_07_14Virginie Jeanne est un petit bout de femme à l’air jovial, aux cheveux rouges (et oui, sa coiffeuse a un peu raté sa couleur me dit confie t’elle). Ne vous méprenez pas, malgré son allure de jeune fille, cette charmante jeune femme de 47 ans est la maman de 2 grands garçons de 19 et 21 ans.

Installée au calme dans la campagne Cotentinoise, tout près de Coutances, Virginie m’explique que depuis toujours elle aime le cuir. Elle a de qui tenir puisque son père anciencordonnier, bottier, maroquinier, patronnier et orthopédiste (ouf !) a fait naître sa passion dès le plus jeune âge. D’ailleurs aujourd’hui encore, ce papa lui rend visite de temps à autre dans son atelier. Viendrait-il s’assurer que sa fille met en œuvre ses bonnes recommandations ? À moins que la nostalgie de l’atelier, de ses odeurs de cuir, du bruit mécanique de la machine à coudre ou l’odeur de la colle ne soit encore très présente chez le vieil artisan.
Virginie Jeanne se consacre donc au travail du cuir en concevant et en réalisant des produits originaux. Sacs à main, porte-monnaie, objets de décoration, bijoux en cuir et tissus.
“— Mon produit phare c’est le cartable porte-monnaie. Tout est fait maison. Chaque produit est personnalisé. J’essaie toujours de mettre un petit truc en plus.”
La matière première du maroquinier, c’est le cuir bien sûr. Des peaux que Virginie va chercher directement dans les tanneries. En France, ces entreprises se font de plus en plus rares. Virginie revient justement d’une tannerie située à Toulouse d’où elle a ramené de la chevrette et de la vache. Elle recherche des cuirs au traitement très souvent particulier, ce qu’elle appelle des cuirs “hollé, hollé”. Des peaux aux couleurs actuelles, teintes pastel, à l’aspect moiré, argenté, doré, ou des surfaces frappées de motifs.
“— Je choisis toujours mes cuirs au toucher. Je caresse le cuir pour sentir le grain. Mais, c’est par le visuel que je fais ma première sélection. C’est avec les mains ensuite que je sens la qualité de la peau, ses défauts, sa souplesse. Il y a toujours des petits défauts. Je n’achète pas les grandes peaux que les maroquineries de luxe recherchent. Une peau qui a un petit défaut, je m’en arrange. À moi d’en tirer parti. Comme disait mon père :
“— tout ce qu’on ne peut pas cacher, on le montre.”
02_virginie_07_14Dans l’entrée de l’atelier, des peaux roulées, de toutes les couleurs rangées sur un présentoir, s’offrent au choix du futur client ou du visiteur curieux.
Dans l’atelier, trois belles machines à coudre occupent au moins la moitié de la pièce. Le reste est occupé par une grande table de travail où, dans des casiers de cuisine bien propres, sont rangés des outils patinés par des années d’utilisation.
“— Je me sers beaucoup des outils de mon père. Et puis, j’utilise tout ce que je trouve pour parvenir au résultat. La maroquinerie que je pratique, c’est aussi beaucoup de bricolage…de la débrouille.”
03_virginie_07_14 04_virginie_07_14Pour la démonstration, Virginie sort le patron d’un cartable porte-monnaie réalisé dans un plastique un peu rigide. À l’aide d’un crayon argent, elle trace à même le cuir la forme du modèle.  Des repères sont reportés sur la peau. Ils serviront ultérieurement à positionner la poignée par des rivets, le petit fermoir métallique…
05_virginie_07_14 La découpe se fait au chasse-peau sur une plaque de zinc.
“— Je n’utilise jamais le cutter pour découper mes peaux. Je préfère cet outil de mon père que je réaffute de temps en temps. La lame est plus rigide. Je risque moins pour les doigts. Quoiqu’il me soit déjà arrivé d’y laisser un peu de peau au passage.”
Des petits outils apparaissent au fur et à mesure de la découpe. Celui-ci pour arrondir les coins, celui-là en forme d’emporte-pièce pour découper d’un unique coup de maillet une languette parfaite.
08_virginie_07_14Suite à la découpe, le bord du cuir est passé à la flamme afin d’éliminer les petites peluches. Chaque bordure est ensuite teintée à l’aide d’une couleur liquide qui sent bon l’amande, comme les petits pots de colle blanche font ressortir les souvenirs de notre enfance. Aujourd’hui, ça sera du noir pour ce cuir rouge. Demain, selon l’humeur de Virginie et la peau choisie, ça sera peut-être blanc ou tout simplement laissé au naturel. Une obsession du travail bien fait jusque dans les moindres détails. Ces petits détails qu’un client attentif, ne manquera pas de remarquer.
Le montage des différentes pièces de cuir, sont collées avant d’être consolidées et enjolivées par la couture.
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11_virginie_07_1412_virginie_07_14C’est sur la vieille machine à coudre Singer des années 30/40 que Virginie fait un essai afin de régler le pas de couture. Machine à coudre spéciale “cordonnier” avec un bras très long pour coudre les tiges des bottes et confectionner les chaussures. Cette Singer à haute performance, travaille avec une extrême précision et une grande finesse, à tel point qu’il est possible de coudre de la mousseline sans aucun problème. La hantise de l’artisan, c’est la casse d’une pièce. Les pièces de rechange sont désormais difficiles à trouver. Refaire des pièces par usinage reviendrait beaucoup trop cher, sans doute plus cher que la machine à coudre elle-même.
Après l’assemblage des pièces de cuir, il faut maintenant parachever les finitions. Pour faire un “tuck” (petit fermoir métallique), il faut 4 pièces. Virginie plonge la main dans la mallette à casiers ou généralement les bricoleurs rangent clous et vis.
14_virginie_07_14 15_virginie_07_14 16_virginie_07_14L’anse est rivetée sur le porte-monnaie. Avec la pince à monter, Virginie met en place la fermeture. Le cartable porte-monnaie est maintenant terminé.
Avec toutes ces manipulations, le cuir s’est un peu déformé (frisé aux coutures). Une bonne journée sous la presse lui redonnera toute sa forme originale.
Le petit cartable ira rejoindre les nombreux autres modèles déjà réalisés et prêts à la vente que l’artisan expose un peu partout dans le Cotentin.
17_virginie_07_14 18_virginie_07_14Avant de se quitter, Virginie me désigne une grande malle en bois ayant appartenu à son père. Avec précaution comme un coffre révélant quelque secret, elle me montre des patrons de chaussures (même un modèle de chaussures de clown), dessinés au dos de papiers de récupération, comme on le faisait autrefois pour économiser le beau papier. 19_virginie_07_14 20_virginie_07_14Elle plie et déplie les gabarits en papier jauni, caresse avec douceur les croquis annotés au stylo bleu. Toute la vie d’un homme se trouve là, consignée dans ce coffre en bois. C’est l’émouvant passage de témoin d’un artisan cordonnier à sa fille pour que vive encore longtemps le monde de la création, l’harmonie de l’intelligence de la main et de l’esprit.

Virginie Jeanne
Maroquinerie du Cotentin
Création, réparation, travail sur mesure
9 rue de Hotot
Saint-Georges-de-Bohon
50500 Terre-et-Marais
Normandie
France

Tel : 02 14 14 78 69
Tel : 06 67 28 32 40
Site commercial :
http://maroquineriecotentin.fr

 

 

 

 

 

Imprimerie Idem Paris

On m’a dit, “tu verras, l’atelier est exceptionnel, tout à fait dans l’esprit des entreprises du 19 ème siècle”. 

L’accès à l’imprimerie est pourtant bien banal. Il faut être averti et lever les yeux vers le ciel à l’entrée du passage pour remarquer un fronteau noir et lettres d’or qui signale “E. Dufrenoy. Imprimeur – Lithographe”. Le 49 rue du Montparnasse ne paie pas de mine, coincé entre deux crèperies, j’hésite presque. Est-ce bien là ce lieu mythique dont on m’a tant vanté l’atmosphère authentique. Au plus profond du porche, pas de sonnette, une simple porte en tôle peinte en vert. Une porte qui sonne comme un “gong” quand on la referme un peu trop vivement.

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La rumeur de la rue du Montparnasse disparaît soudainement. Je suis dans une petite cour intérieure. Quelques maigres plantes s’épanouissent sous la belle lumière d’une matinée ensoleillée. Une presse à bras semble en attente, des rames de papier sur des palettes, obstruent un peu le passage. Tout de suite le ton est donné et le caractère des lieux est fortement affirmé. Sur les murs, épinglées, de vieilles affiches finissent de se dégrader lentement à la lumière. En m’avançant de quelques pas, j’ai brusquement changé de siècle. Dans le petit couloir qui mène à l’atelier baigné de clarté, de grandes pierres lithographiques reposent sur le champ. Me voilà au cœur de la très célèbre imprimerie d’art Idem. C’est ici, que les plus grands artistes du monde entier se sont croisés et se donnent encore rendez-vous quand il s’agit de réaliser leurs éditions lithographiques.

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L’atelier a été construit en 1880 par Émile Dufrenoy qui y installa ses presses lithographiques. Le bâtiment de 1.400 m2 comprend au rez-de-chaussée, sous une verrière des Voirin et Marinoni (dont une Marinoni 120×160 cm acquise en 2013). Au 19 ème siècle, les presses étaient actionnées par un système de poulies et de courroies mues par un arbre de transmission. Une chaudère à vapeur alimentée au gaz, fournissait l’énergie nécessaire. Aujourd’hui encore, dans les hauteurs de l’atelier, d’anciennes poulies témoignent de cette dynamique à vapeur.
Les imprimeries Michard, spécialisées dans les cartes géographiques occupèrent ensuite les locaux à partir des années trente jusqu’aux années soixante-dix. La célèbre imprimerie Mourlot s’y installa en 1976. Fernand Mourlot annonça le renouveau de la lithographie et séduisit les plus grands maîtres de l’époque (Picasso, Matisse, Chagall, Miro, Braque, Giacommetti et tant d’autres…). Une grande effervescence créatrice devait imprégner le site. Bien des artistes du 20 ème siècle trouvèrent en ces lieux les hommes de métier qui surent, par la pierre et l’encre célébrer leurs œuvres. L’atelier de la rue du Montparnasse est le dernier que Dufrenoy ait occupé et où se trouvent les fameuses presses qui ont imprimé tous les chefs d’œuvre de la lithographie moderne. En 1997, l’imprimerie Mourlot, changera de nom et s’appellera désormais l’imprimerie Idem.

Les presses sont impressionnantes. Chacune est une harmonie faite d’un acier noirci par le temps, de pièces brillantes, lustrées par plus d’un siècle de manipulation. C’est un assemblage fantastique de rouages, de barres, de manivelles aux fonctions mystérieuses pour un néophyte. Ce sont des monstres d’acier qui grognent, remuent, s’animent soudainement et par à coup en propageant un souffle inhumain.

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On pourrait s’attendre à rencontrer de vieux messieurs aux binocles posés négligemment sur le bout du nez tant l’empreinte des siècles passés impose sa marque. Pas du tout ! La petite équipe de professionnels qui entoure la presse en action est particulièrement jeune. Les commandements sont clairs, les gestes précis. Ils sont au moins quatre aux petits soins de la machine et à l’écoute de l’artiste présent.
Il faut non seulement une grande compétence technique, mais aussi un “œil” artistique, le tout enrobé d’une bonne dose de patience et d’humilité, pour répondre parfois aux exigences des “auteurs”. Tout en faisant mes photos, je bavarde avec l’un, avec l’autre j’essaie d’en apprendre un peu sur ce métier et cette technique que je connais mal.

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La lithographie est un procédé d’impression à plat qui repose sur le principe de répulsion de l’eau et de la graisse. On dessine sur une pierre calcaire non poreuse à l’eau, à l’aide d’un crayon ou d’une encre grasse dite lithographique. Les parties non dessinées sont recouvertes d’une solution de gomme arabique légèrement diluée d’acide nitrique. On laisse agir jusqu’à ce que la pierre n’émette plus de bouillonnements, on essuie et on passe une solution de gomme neutre. La graisse du crayon lithographique et le calcaire se sont combinés, formant une pellicule très adhérente délimitant les zones imprimées. Les pores de la pierre s’ouvrent sous l’action de l’acide fixant la gomme neutre qui retiendra l’eau. Après avoir laissé reposer la pierre, on lave à l’eau l’excès de gomme et à l’essence l’excès de graisse, on laisse sécher. La pierre est alors mate dans les blancs gommés et brillante dans les gras. Pour faire les essais de tirage, on mouille la pierre, on encre le rouleau qu’on passe régulièrement sur la pierre. L’encre grasse se dépose sur les parties dessinées, grasses.

Lorsque le tirage d’une œuvre est terminé, la pierre est nettoyée et “égrenée” par un ponçage manuel comprenant un mélange d’eau et de quartz calibré. Il sera ensuite possible de créer un nouveau dessin sur la surface parfaitement lisse et de recommencer la procédure d’impression.

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Mais, l’atelier Idem ne se contente pas de marcher sur les terrains uniquement connus et balisés. Aujourd’hui, diverses techniques sont introduites dans l’atelier. Notamment une technique innovante sur matrice d’aluminium gravée au laser et imprimée en lithographie. C’est la technique de l’alugraphie (développée par Erwann Galivel, le responsable de l’atelier) qui est mise en œuvre ce matin pour un artiste issu de l’univers du “graff”. L’impression directe sur plaque d’aluminium semble poser problème… et le “bon à tirer” est loin d’être acquis pour l’instant. L’alugraphie, permet cependant de réaliser des tirages photographiques avec des encres lithographiques composées spécialement pour une œuvre. Huit passages et plus sont souvent nécessaires pour obtenir un résultat parfait.

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Sur les murs sont accrochés les grands tirages d’essais de David Lynch, fraîchement passé à l’atelier. Les pierres stockées contre les murs portent encore le graphisme d’une œuvre éphémère de JR. La liste des artistes qui vont et viennent ici est tout simplement incroyable. L’espace respire la liberté et la créativité que l’art à toujours su insufler partout ou il est présent. Je souhaite très sincèrement qu’un endroit comme celui-ci, aussi inspiré qu’inspirant puisse continuer à vivre dans l’avenir

Merci à toute la sympathique équipe (Patrice Forest, Erwann Galivel, Em-Khindelevert, Robin Marti, Patrick Pramil (bonne retraite), Mathilde Roussel, France Suzaine, Soukaloun Thoune…).
Merci à ceux avec lesquels j’ai pu échanger et à ceux que j’ai seulement croisés.

Imprimerie Idem Paris
49, rue du Montparnasse
75014 Paris.

Jean-Pierre Honoré, bijoutier.

Savoillans, village médiéval au pied du Mont Ventoux.

Savoillans, village médiéval au pied du Mont Ventoux.

Savoillans est un petit village à la limite nord du Vaucluse. Bordé d’un côté par le bien nommé Toulourenc (tout ou rien), garni de l’autre par des collines boisées. Une grappe de maisons bien serrées les unes contre les autres bravent sous la lumière bleue du matin, l’imprévisible Mont Ventoux. La dureté du paysage, cache pourtant un passé qui a toujours connu l’implantation de l’homme depuis les temps les plus anciens. Une villa gallo-romaine mise à jour en 1978, a livré monnaies, poteries et fragments d’animaux. La roche Guérin à un jet de là, témoigne d’abris utilisés depuis la préhistoire jusqu’au moyen-âge.

L'imposante ferme Saint Agricol.

L’imposante ferme Saint Agricol.

La cour carrée intérieure.

La cour carrée intérieure.

Non loin du village dont les belles bâtisses datent du 17 ème siècle, sur un promontoire, la ferme Saint Agricol s’impose à la vue par son caractère fermé. Ancien couvent d’Ursulines, le bâtiment construit au 18 ème siècle prend la forme d’un quadrilatère percé sur une cour intérieure. Une partie de l’édifice est réservée à des appartements, tandis que les magnifiques salles voûtées sont aujourd’hui dédiées aux événements culturels et artistiques de la vallée. C’est là, au cœur de ce paysage “quasi religieux” que Jean-Pierre Honoré, “Bijoutier des Lavandes” a installé son atelier.

Jean-Pierre Honoré, bijoutier des lavandes.

Jean-Pierre Honoré, bijoutier des lavandes.

Sur la musique entraînante de Vivaldi, un homme plutôt petit et tout en rondeur me reçoit. Tout dans son physique inspire la bonhommie. Tout de suite, je l’imagine en personnage de film ou de dessin animé. L’accueil est chaleureux. Rien de mieux pour commencer à se connaître que d’échanger quelques mots avec un café en main. Il me raconte l’histoire de cette femme étonnée de constater que les mains de bijoutier s’ornaient le plus souvent d’ongles noirs, de coupures, de mains rugueuses s’accordant mal avec l’idée qu’elle se faisait du bijou fini. Effectivement, les mains de l’artisan ne sont pas ingénues et laiteuses comme on pourrait s’y attendre. Elles ont la mémoire du travail. De celui qui use et qui s’incruste dans les sillons de la peau. Sur l’établi muni de sa peau de cuir, pinces à feu, triboulets, pièce à main, forets et une multitude de petits outils (parfois empruntés à la dentisterie), constituent une sorte de magasin hétéroclite. Tous attendent de prendre vie sous la main experte de l’artiste bijoutier.

L'artisan dans son environnement de travail.

L’artisan dans son environnement de travail.

Les fameux os de seiches.

Les fameux os de seiches.

Jean-Pierre Honoré en passionné d’héraldique me montre comment réaliser un blason par la technique du moule en os de seiche. Une technique ancestrale depuis que l’homme a voulu pour la première fois transformer une pierre en métal ou plus précieusement en manipulant l’or. Pour l’heure, il découpe au bocfil l’os de seiche en un parallélépipède – plus ou moins régulier – et insère dans le cœur souple de l’animal pour marquer l’empreinte en creux, la maquette du blason qu’il souhaite travailler.

Pour fabriquer un moule, il faut réaliser un parallélépipède régulier.

Pour fabriquer un moule, il faut réaliser un parallélépipède régulier.

La maquette du blason est incrustée dans l'os de seiche.

La maquette du blason est incrustée dans l’os de seiche.

L'empreinte en creux du blason qui recevra l'étain fondu.

L’empreinte en creux du blason qui recevra l’étain fondu.

Quelques coups de scie latéraux sur l’os de seiche serviront à repositionner précisément les deux parties du moule. Sous le feu du chalumeau, la barre d’étain fond en grosses gouttes. Le métal liquide est versé rapidement avec précision dans le fragile moule par le trou de coulée. Quelques minutes suffiront au refroidissement du métal blanc.

Le moule attend le mélange d'étain.

Le moule attend le mélange d’étain.

Par le trou de coulée, l'étain se diffuse dans le moule.

Par le trou de coulée, l’étain se diffuse dans le moule.

Ouvert précautionneusement, le moule révèle le blason qu’il faut encore ébarber, affiner en supprimant les petits défauts de l’étain et en préciser le contour à l’aide du bocfil.

le bocfil permet d'ébarber, de retrouver avec précision la forme originale.

le bocfil permet d’ébarber, de retrouver avec précision la forme originale.

L’héraldique est une science et un langage. Communication des formes, des figures, des couleurs. Sur le métal, la symbolique des couleurs se traduit par un jeu de graphismes inscrit dans la matière même. L’azur, le vermillon, l’argent, l’or etc… ont leur correspondance en hachures verticales ou horizontales, en barres échiquetées, en losanges ou autres semis de points. Pour achever son blason, le bijoutier doit ici se transformer en véritable graveur dans le strict respect des codes de l’héraldique. Chaque effet de matière est exprimé par un travail minutieux au poinçon et à la fraise.

La transcription des couleurs par des effets graphiques.

La transcription des couleurs par des effets graphiques.

Le poinçon précise un trait, crée des hachures...

Le poinçon précise un trait, crée des hachures…

Jean-Pierre a mis ses gros yeux. Je dis “gros yeux” pour désigner le casque loupe qu’il pose sur sa tête un peu comme un heaume de chevalier. Il est vrai que le personnage est admiratif de l’épopée médiévale (l’héraldique aidant) et que, se déguiser en homme du moyen âge n’est pas pour lui déplaire. Cette fois, un dessin réalisé selon le nombre d’or lui a été confié afin de réaliser bague, pendentif et toutes sortes de déclinaisons possibles.

Un dessin tracé selon le nombre d'or.

Un dessin tracé selon le nombre d’or.

— Ça, me dit-il, c’est pour le Condor, le groupe musical de Jean-François Gérold ! Vous connaissez ?
J’avoue mon ignorance.
— C’est un groupe d’inspiration provençale et celtique, mais loin du folklore traditionnel. Il y a parfois jusqu’à 100 musiciens sur scène, c’est un vrai spectacle… carrément magique. C’est à voir et à entendre. Moi, j’aime beaucoup.

Sur ce, l’artisan bijoutier se saisit de la bague qui représente un condor toutes ailes déployées. Il me parle du nombre d’or, des dessins de Villard de Honnecourt, un architecte du XIIIème siècle, de culture fondée sur la tradition maçonnique. Je sens bien que tout cela suit un chemin initiatique et spirituel qui a un véritable sens. Médiévalité, héraldique, ésotérisme, franc maçonnerie, il y a sans doute là pour Jean-Pierre Honoré, dans son parcours une véritable quête.
— Voilà, ça c’est une pièce unique, une bague originale pour Jean-François Gérold.

La bague travaillée pour le Condor.

La bague travaillée pour le Condor.

Une pierre bleue, sertie, magnifiera le bijou.

Une pierre bleue, sertie, magnifiera le bijou.

Le bijou est superbe, aérien malgré sa forme complexe. Pour magnifier le métal doré, Jean-Pierre pose une petite pierre bleue dans les griffes du rapace. Il n’y a plus qu’a sertir ! Superbe ! C’est une touche de couleur qui donne immédiatement vie à la bague. J’imagine les reflets incisifs de la pierre sous les lasers de la scène.

Bijoutier des Lavandes, Jean-Pierre Honoré en homme passionné par sa région et son village, propose des journées à thème autour de Savoillans. Visite du village et de ses ruelles caladées, de la boulangerie au feu de bois, accompagnement sur le chemin botanique, visite d’une charbonnière etc…Outre ses talents de guide, il apprend même aux plus novices, comment transformer une pierre en métal avec un os de seiche, et surtout, comment réaliser à partir d’un brin de lavande, un bijou original et unique.

Être bijoutier à Savoillans, c'est avoir de multiples talents. Guide, démonstrateur, formateur, animateur...

Être bijoutier à Savoillans, c’est avoir de multiples talents. Guide, démonstrateur, formateur, animateur…

Un brin de lavande plongé dans un mélange de plâtre, fera un moule original.

Un brin de lavande plongé dans un mélange de plâtre, fera un moule original.

L'étain fondu remplacera la forme du brin de lavande.

L’étain fondu remplacera la forme du brin de lavande.

Un petit bijou fantaisie original, réalisable par tous...même par des enfants.

Un petit bijou fantaisie original, réalisable par tous…même par des enfants.

Chacun repart, une fois son “œuvre” réalisée avec un magnifique diplôme de “maître bijoutier”. Vraiment la visite de l’atelier de Jean-Pierre Honoré, s’impose pour découvrir des bijoux qui sont des pièces uniques réalisées à partir de fleurs de lavande.  Et vous pourrez vivre, tout comme j’ai pu les vivre de bons moments de découverte dans les salles voûtées, chargées d’histoire de la ferme Saint Agricol.

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Jean-Pierre Honoré
Le Bijoutier des Lavandes
Ferme Saint Agricol
84390 Savoillans
Tel. : 04 75 28 68 03
Mob. : 06.65.59.45.37

Jean-Pierre Henninger, forgeron.

le petit village perché de Brantes dans la vallée du Toulourenc (Vaucluse)

le petit village perché de Brantes dans la vallée du Toulourenc (Vaucluse)

C’était en début d’après-midi, juste un peu avant le réveillon du premier de l’an. Le rendez-vous est pris pour le 2 janvier.
“À jeudi donc, comme ça, on se fera la bise pour la nouvelle année. Je mets un mot sur la porte du frigidaire”.
La voix est enjouée, le ton humoristique. L’accent n’est pas “chantant” comme celui de la région. Malgré tout,  je sens tout de suite à travers le combiné téléphonique, quelqu’un de chaleureux et d’ouvert. J’avais entraperçu le gaillard à la carrure de lutteur quelques jours auparavant. Et ce matin, sous un ciel humide je suis là, devant une superbe porte en chêne ornée de ferrures noires. Jean-Pierre Henninger, forgeron à Brantes (Vaucluse), m’attend tout en préparant le poèle à bois.

Un coup de chalumeau pour allumer le poêle et la forge.

Un coup de chalumeau pour allumer le poêle et la forge.

Le feu est bien vite allumé avec le poste à soudure. Tout en me racontant un peu son parcours et son arrivée il y a quarante ans au village, l’homme s’affaire autour de la forge muette et encore froide. Quelques pelletées de lignite rassemblées autour d’un foyer creusé dans la brique réfractaire et bientôt, la forge s’anime, le feu se met à danser droit dans l’air. Pendant une heure, nous nous retrouvons dans le même temps, celui d’avant, celui de notre jeunesse. Études d’arts appliqués pour l’un, les arts déco pour l’autre, une passion partagée pour la bande dessinée, les cheveux longs et “peace and love”. Je m’attarde un peu du regard sur les murs de la forge. Ici, ils sont chargés d’outils portant les signes d’une longue vie, là, impeccablement rangées, des boîtes doivent contenir des “préciosités”. Des barres d’acier posées debout contre un mur semblent attendre les halebardiers. Il y a beaucoup d’ordre dans tout cet étalage d’acier. Normal pour un “alsacien” me lance Jean-Pierre Henninger avec un sourire de connivence.

Un atelier au rangement très "alsacien" paraît-il...

Un atelier au rangement très “alsacien” paraît-il…

Le forgeron prépare son travail pour la matinée. Il mesure, marque le fer d’un coup de pointeau l’endroit précis où tout à l’heure il perforera à cœur la barre d’acier. La pièce à forger est plongée dans la flamme vivante. Noir, brun, rouge, le métal se pare des couleurs du feu, se fond dans une gamme chatoyante. Au rouge sombre, un coup de ciseau à froid entame le métal d’une entaille profonde pour marquer l’emplacement du futur trou forgé. À sa plus haute température, l’acier devenu blanc perd toute sa rigidité. À la limite de la fusion, l’acier maléable s’ouvre, se tord telle la guimauve. De quelques coups de massette bien ajustés le ciseau transperce la barre. Les bélugues fusent alentour sur le tas de la forge. Le métal torturé, gonflé par le feu est rectifié, réaligné par l’œil expert de l’artisan.

Pointeau pour marquer l'acier

L’acier est marqué à l’aide d’un pointeau.

Un coup de pointeau marque l'acier.

La marque ne disparaîtra pas une fois la barre mise au feu.

La barre d'acier est mise au feu pour être travaillée.

La barre d’acier est mise au feu pour être travaillée.

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Quelques coups bien ajustés pour ouvrir la barre de métal.

Les bélugues fusent.

Les bélugues fusent.

Le ciseau à froid a transpercé l'acier.

Le ciseau à froid a transpercé l’acier.

Entre chaque ouvrage ou opération, nous discutons de tout et de rien. De ce métier de forgeron que personne sans doute ne reprendra. Une perte pour le village. C’est un savoir ancestral qui disparaît chaque jour un peu partout dans notre société trop industrialisée. La forge avec son feu est aussi un peu un cœur qui bat. Le martellement de l’acier résonne dans les ruelles en contrebas du village. On se dit : “tiens, Jean-Pierre est à sa forge !”. Le voisin passe avec ses courses encore sous le bras histoire de dire bonjour. Les deux amis échangent quelques nouvelles là, bien au chaud devant le feu, en ce mois de janvier. La neige n’est pas loin. Juste en face sur le versant nord du Ventoux, à quelques jets de pierres. Un photographe est monté ce matin par les pentes ravinées en espérant saisir quelques mouflons à travers son téléobjectif.

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En quelques coups, le pilon écrase la barre d’acier.

Une nouvelle pièce d’acier est mise au feu. Jean-Pierre ramène un peu le lignite au plus près de la barre à ouvrager. Quand l’acier a atteint sa couleur, il saisit la barre brûlante aidé de son gant au pouce maintes fois consolidé. Le métal docile, s’écrase au rythme cadencé et monotone du pilon. “Pong ! Pong ! Pong !”. En quelques coups, la barre carrée se transforme en une sorte d’épée à la lame grossière. Plusieurs tonnes pèsent sur l’acier aminci, affiné peu à peu, forgé pour réaliser le départ d’une volute sur le faux rouleau.

La réalisation d'une volute.

La réalisation d’une volute.

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La pièce est remise au feu de nombreuses fois.

J’admire la beauté des innombrables outils dont l’acier poli, renvoie l’éclat de la lumière du jour. Jean-Pierre me montre des pinces de forge :
“— Celles-là, je les ai forgées moi-même. De toute façon, les formes, les outils, il faut se les fabriquer dans la plupart des cas. Voilà, ça c’est un marteau avec un manche en cornouiller que j’ai fabriqué en 1960…et je l’ai toujours. Même le manche est d’origine.”

Je suis admiratif.

L’étau de forge est superbe. L’outil est non seulement fonctionnel, mais aussi ouvragé. Son embase dessine un cœur que transpercent trois boulons d’acier. L’ensemble est solidement ancré dans le sol en béton. Rejetés dans l’encadrement d’une fenêtre, quelques mécanismes d’horlogerie poussiéreux, ont servi de modèle à la réalisation d’une rotissoire.   Le temps semble s’être arrêté et pourtant il défile bel et bien. L’artisan a coupé la soufflerie de sa forge et déposé son ouvrage encore rouge sur le sol. Il est l’heure du déjeûner. L’acier refroidira tranquillement pendant ce temps. Pour l’instant, un petit “kir” nous fera le plus grand bien et je sais déjà de nous deux qui le mérite le plus. Merci à Jean-Pierre Henninger pour son accueil, ses explications, sa patience face à un insatiable curieux. Que vive longtemps pour notre plus grand bonheur, l’harmonie intelligente de la main et de l’esprit.12_jp-henninger_01_2014 13_jp-henninger_01_2014

L'outil de forge.

Le superbe étau de forge.

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Certains outils ont été forgés par Jean-Pierre Henninger.

De vieux mécanismes d'horlogerie sont figés par le temps.

De vieux mécanismes d’horlogerie sont figés par le temps.

Il faut laisser l'ouvrage refroidir.

Il faut laisser l’ouvrage refroidir.

Jean-Pierre Henninger, un sacré "bonhomme" au parcours étonnant.

Jean-Pierre Henninger, un sacré “bonhomme” au parcours étonnant.

Jean-Pierre Henninger
Forgeron
84390 Brantes
Tel. : 04.75.28.07.40

Fin d’automne

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C’est l’heure exquise et matinale
Que rougit un soleil soudain.
A travers la brume automnale
Tombent les feuilles du jardin.

Leur chute est lente. On peut les suivre
Du regard en reconnaissant
Le chêne à sa feuille de cuivre,
L’érable à sa feuille de sang.

Les dernières, les plus rouillées,
Tombent des branches dépouillées ;
Mais ce n’est pas l’hiver encore.

Une blonde lumière arrose
La nature, et, dans l’air tout rose,
On croirait qu’il neige de l’or.

François COPPÉE (1842-1908) Le Cahier rouge

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La pauvreté si proche

Ce matin à la radio, j’ai entendu un journaliste qui annonçait qu’on avait découvert à Strasbourg une famille de “roms” qui vivait depuis 2 ans dans leur voiture. Comble de stupeur !!! Effrayant ce que l’on vit dans notre si belle France. J’ai cru un moment que le journaliste allait approfondir la dépêche, embrayer sur la misère qui se fait de plus en plus pressante en notre pays.

J’ai cru un moment – oh, un moment seulement – qu’en donnant la parole à la misère, un peu d’honneur allait être rendu aux milliers d’anonymes qui la vivent. Et bien non, vite fait bien fait, la dépêche suivante a avalé tout de go la précédente. Circulez, il n’y a plus rien à entendre. De temps en temps, les médias se focalisent sur un fait misérable qui sort de l’ordinaire. Car il faut du croustillant, du scoop pour attirer l’attention. C’est vrai, la pauvreté quotidienne, banale, c’est ennuyeux, c’est compliqué. Il vaut mieux ne pas trop en parler, ça donnerait le vertige à tout le monde. En parlant d’une famille de “roms” dans une voiture, l’exceptionnel éloigne le spectre de la misère quotidienne dans nos bonnes familles gauloises. Car celle qui progresse comme un cancer dans nos rues, dans nos villages et nos villes, la misère qu’on découvrait autrefois bien loin de nous, habite désormais souvent la maison d’à côté.pauvrete_02_281113

Les pauvres, l’Observatoire des Inégalités leur a consacré une étude dont les chiffres, sans concession, parlent d’eux-mêmes. En France, un individu peut-être considéré comme pauvre quand ses revenus mensuels sont inférieurs à 814 euros ou 977 euros selon la définition adoptée (1). En 2011 on comptait 14,4% de pauvres si l’on fixe le seuil de pauvreté à 60% du niveau de vie médian. Dans cette hypothèse la pauvreté touche près de 9 millions de Français. Ces chiffres ne tiennent pas compte des années 2012, 2013 où les inégalités n’ont pu que croître compte tenu de la forte accentuation du chômage. Le chiffre des chômeurs de longue durée, venu grossir le rang des pauvres a dépassé 2,1 millions de personnes en septembre 2013. Soit, une progression de 14% en 1 an.pauvrete_03_281113

Alors, parmi toutes les personnes que l’on croise, inconnues ou connaissances, combien font partie de cette masse silencieuse, de cette frange d’exclus. Retraités, ouvriers, agriculteurs, étudiants qui glanent sur les marchés comme certains petits vieux… aujourd’hui, la précarité peut toucher tout le monde. Il ne suffit plus de travailler pour échapper à la misère. Elle est le plus souvent vécue comme une honte par ceux qui la supportent. En plus de leur dénuement matériel et de leur détresse morale, certains ne se privent pas de les accabler de tous les maux possibles et de dénoncer le “cancer de l’assistanat”.

“Les pauvres font tout pour profiter au maximum des aides !”
Un grand nombre de personnes éligibles aux aides, n’en fait pas la demande. 50% pour le RSA, 68% pour le tarif de première nécessité d’EDF, 50 à 70% pour les transports urbains. Le montant des aides sociales non réclamées par ceux qui y ont droit, atteint un montant de 11 milliards d’euros par an. Significatif.

“Les pauvres sont des fraudeurs !”
Faux. Pour 60 millions d’euros de fraude au RSA détectés en 2009, on comptait plus de 200 millions d’euros de travail non déclarés par les entreprises, 370 millions d’euros de fraude douanière et  2,5 milliards d’euros de fraude fiscale. Où sont donc les tricheurs !!!

Lieux communs et idées reçues s’enchaînent :
S’ils sont pauvres, c’est de leur faute. S’ils sont à la rue, c’est qu’ils l’ont choisi. S’ils font des enfants, c’est pour les allocations familiales. Ce sont des assistés qui coûtent cher à la société. D’ailleurs, s’ils voulaient vraiment chercher du travail, ils en trouveraient. De toute manière, on gagne plus au RSA qu’avec le SMIC. Ils perçoivent des allocations alors qu’ils élèvent mal leurs enfants…etc.

ATD Quart Monde a publié un livret qui répond point par point à un grand nombre de ces idées reçues (la plupart calomnieuses) sur la pauvreté. “En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté”.
Le livre.

Le 10 octobre dernier, lors de l’émission “Des paroles et des actes” de France 2, une chômeuse mulhousienne, Isabelle Maurer apostrophe Jean-François Copé. Elle raconte cinquante ans de galères, de précarité, de rage de s’en sortir avec les 470 euros par mois du RSA et de maigres petits boulots. Elle fit entendre avec dignité la voix des “pauvres”, contre tous ceux qui les accusent de vivre en assistés, aux crochets des aides publiques.
La vidéo.

Lorsque l’on est confronté de loin à la pauvreté des autres, celle-ci reste indolore, inodore.  Il faut l’approcher de près pour en reconnaître la monstruosité :  l’isolement par la perte des amis, du manque d’accès à l’information, d’une situation géographique excentrée, de la pénurie des biens de première nécessité, du manque de respect et de l’absence de perspective d’avenir car bien souvent les enfants héritent de la précarité de leurs parents.

J’aurai une profonde pensée pour un vieil ami éleveur de moutons, malade, isolé dans sa montagne et enfermé dans la solitude du chagrin. Demain matin il fera trois pas vers la fenêtre pour faire son café. Il s’émerveillera sûrement un instant sur la beauté du ciel puis se retournant, se dirigera vers la cuisinière en sombrant dans l’apathie. Comment vivre heureux avec 420 euros de retraite par mois.

(1) La définition de la pauvreté :
Depuis 2008, l’Insee utilise la définition européenne de la pauvreté. Auparavant, le seuil de pauvreté le plus souvent utilisé était équivalent à la moitié du revenu médian, revenu qui partage en deux la population, autant gagne davantage, autant gagne moins. Mais dans les comparaisons européennes, le seuil le plus souvent pratiqué se situe à 60 % du revenu médian. Ce saut de 50 à 60 % change tout : il fait augmenter le seuil de 814 à 977 euros (pour une personne seule), le nombre de personnes concernées de 4,9 à 8,8 millions et le taux de 7,9 à 14,3 %.
Le seuil de pauvreté désormais utilisé est équivalent à 60 % du revenu médian. Ce revenu est de 1 628 euros pour un célibataire. Le seuil est donc de 977 euros pour une personne seule (60 % de 1 628 euros). Selon les conventions de l’Insee, ce même seuil est de 1 466 euros pour un couple sans enfants et 2 052 euros pour un couple avec deux enfants de moins de 14 ans. A ces niveaux de vie, on se situe au double du revenu de solidarité active : 492 euros pour une personne seule, 739 euros pour un couple sans enfant, 1 035 euros avec deux enfants. Le seuil de pauvreté à 60 % prend en compte des situations sociales très diversifiées, qui vont de ce que l’on appelait il y a quelques années le « quart monde », aux milieux sociaux très modestes.

 

 

 

Tout est dans tout.

Une balade est comme un film qui se déroule en situation réelle. Sur le parcours on accumule un certain nombre de détails qui paraissent dissociés, sans lien entre eux. La ballade, c’est une bonne occasion pour faire quelques images. Saisir un bout de paysage ici, un morceau de route là. On peut se demander quelle relation ces images perçues et enregistrées, peuvent avoir avec un monde qui est en même temps passé et d’avenir. Quelles questions peuvent-elles éveiller en nous ? Et quelles réponses sous forme de légendes pourrions nous appliquer sous chacune des images ? Chacun apportera ses propres réponses, selon sa culture, son sentiment, ses connaissances. En tout cas aucune image n’est réellement silencieuse.

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Grande banlieue.
En semaine, les Franciliens consacrent en moyenne 82 minutes par jour à se déplacer
Sur l’ensemble des déplacements effectués quotidiennement par les Franciliens, 19 % le sont par des Parisiens, 37 % par des habitants de la petite couronne et 44 % par des habitants de la grande couronne. Les déplacements consacrés au travail représentent 40 % du temps que les Franciliens passent à se déplacer. Cumulés avec les études, c’est environ la moitié du temps de déplacement quotidien qui est absorbé par des déplacements contraints en termes d’horaire et de fréquence.

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Gros Moulu.
Je conserverai un mauvais souvenir de la campagne autour de Gros Moulu. Chemins défoncés, remplis d’eau, boue glissante et pentes abruptes. Pas âme qui vive en ce vendredi de novembre gris et froid. Dans le village, même pas un voilage qui se soulève pour dévisager un étranger qui cherche son chemin. Rien, même pas un chien. Le seul sur pattes encore dehors…c’était moi !

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Grosse tension.
La consommation d’énergie finale dans le monde en 2009 est de près de 8,4 milliards de tonnes d’équivalent pétrole Elle a augmenté de plus de 40% entre 1990 et 2008. Les autres estimations placent la consommation mondiale d’énergie à 12,2 milliards de tonnes équivalent pétrole. La consommation énergétique mondiale va exploser : on estime que les besoins énergétiques mondiaux vont représenter plus de 14 milliards de “tep” par an en 2020.

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Le grand chemin.
Un chemin d’exploitation est un chemin privé. Les propriétaires peuvent l’interdire au public. Dans ce cas, il leur est nécessaire de mettre à l’entrée du chemin un panneau “Interdit à tous véhicules sauf riverains”. Il peut être ouvert à la circulation publique sous réserve du consentement de tous les propriétaires desservis. Dans ce cas, les règles de la circulation publique s’appliquent. Les propriétaires dont les biens sont desservis par le chemin doivent contribuer aux travaux nécessaires à leur entretien et leur mise en état de viabilité. Leur responsabilité conjointe et solidaire peut être engagée en cas d’accident provoqué par un mauvais entretien du chemin.

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Gros dégueulasse.
Chaque année en France, un habitant produit 354 kg d’ordures ménagères. Les calculs sont réalisés par l’Ademe à partir des tonnages des poubelles des ménages (hors déchets verts) collectées par les collectivités locales. On peut aussi, comme le fait Eurostat afin d’effectuer des comparaisons internationales, évaluer la quantité de déchets municipaux par habitant. La quantité produite monte alors à 536 kg par an, et intègre en plus des déchets des ménages, ceux des collectivités et également une partie des déchets d’activités économiques.

Salon de la photo 2013

Voilà, c’est une première.
Non, pas la première du Salon de la Photo, qui existe lui depuis très longtemps. Mais tout simplement ma première vidéo. C’est pas le top, mais filmer avec un compact sans pouvoir accéder au moindre réglage manuel, c’est pas de la tarte et ça tourne vite à la prise de tête. Flous de mise au point automatique, flous de bouger, balance des blancs capricieuse. Le salon de la Photo était l’endroit idéal pour capter un peu de matière vidéo. Il m’aura fallu dépenser un peu de sueur sur le clavier pour assimiler rapidement les principes de base du montage. Bref, une soixantaine de plans plus loin j’accouche douloureusement de ce clip modeste qui, aussi court soit-il, m’aura appris beaucoup en deux jours de manipulation. Allez, un petit tour au Salon en 1minute 20.

“Double Clic” pour lancer la vidéo ou “Download Vidéo”.

 

 

la Tour 13 infernale.

La Tour 13 en bordure de Seine, face au ministère des finances.

La Tour 13 en bordure de Seine, face au Ministère des Finances à Bercy.

La fameuse Tour 13 rue Fulton ferme au public à partir du 1er novembre en vue de sa démolition.
Pendant presque un an, cette tour aura connu nuit et jour une incroyable effervescence créative. Sur 9 étages, (36 appartements de 4 à 5 pièces pour une surface de 4500 m2), une centaine d’artistes venus du monde entier avaient investi le lieu. Développée dans le plus grand secret sur l’initiative de la galerie parisienne “Itinerrance”, cette opération de “street-art” était dès l’origine vouée à l’éphémère. Rien à vendre, c’est un peu ce que l’on retiendra avec regret de cette exposition hors norme. C’est un véritable musée à ciel ouvert qui permet d’initier le public aux pratiques artistiques actuelles. L’évènement est qualifié de “projet street-art”, je trouve pour ma part cette appellation trompeuse et limitative. Ici, pas de grafs, de lettres chromées ou de “logos” torchés à l’abri des lueurs de la nuit. C’est un vrai travail d’artistes d’intérieurs. Les appartements se cotoient avec des expressions originales selon les appartenances culturelles et géographiques (au moins 16 nationalités). Les réalisations sont des œuvres pensées, très travaillées, qui ont demandé un réel investissement en terme de temps, de matériaux et d’outils. On peut apprécier de la peinture, de l’illustration, de la sclupture, des installations. L’espace des appartements est réaménagé pour certains, détruit sous forme de gravats pour d’autres, comme si l’avenir posait déjà son empreinte fatale. Durant un mois, la visite de la Tour 13 a attiré plus de 15 000 passionnés et de curieux. Une file d’attente de 6 à 8 heures s’est constituée tous les jours au pied du bâtiment. Vidéos, photos, albums, suite interactive sur internet, le musée éphémère ne survivra que virtuellement ou dans la seule mémoire des artistes et des visiteurs. En tant que visiteur privilégié (entrée directe le jour de fermeture) j’ai pu apprécier dans le calme et avec recul la créativité de tous ces “globe-trotteurs” du graphisme. Ce petit tour (en photo) dans les étages est un résumé très synthétique de ce qui pouvait se découvrir et s’apprécier tout au long du mois d’octobre.

Visiter et sauver la Tour 13 sont deux choses désormais impossible, mais il est encore temps de vous propulser sur le site pour une dernière découverte virtuelle. Le site “Tour Paris 13”.


 

 

Cul Froid

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Le petit matin est gris, poisseux, de cette humidité lourde qui pénètre lentement jusqu’au plus profond des os. J’espère une lumière qui finalement n’arrivera jamais.
Près de la ferme et tout le long du chemin qui borde la bergerie et les prairies, le sol exhale des odeurs animales. Je saute d’une zone herbeuse à une autre. J’évite les flaques jaunâtres colorées de purin et les mottes de boue grasse que les tracteurs ont propulsé sur les bas-côtés. Les “salers” intriguées m’observent comme un étranger “paumé” dans cette brume matinale. Leur robe rouge bouclée, est recouverte d’une fine couche de gouttelettes. Je leur parle. Les vaches semblent m’écouter. Semblent seulement ! Insensible à l’humidité ambiante, d’un mouvement coordonné, elles se retournent lentement vers le râtelier débordant du foin du matin. Leur gros cul dirigé vers moi m’apparaît comme le signe d’une profonde indifférence. villarceaux_04_10_2013Tant pis, nous n’aurons désormais plus rien à nous dire. La campagne est muette, rase, figée. Chaque son est étouffé, paraît joué derrière l’horizon. Des formes spectrales émergent de temps à autre au détour d’un chemin gras, au sortir d’un bosquet moite. Une pauvre libellule agrippée à une tige de chardon, tente de survivre au-delà du raisonnable. Une enveloppe de cristal liquide, momifie son corps grêle et ses ailes démesurées. Les arbres jouent au théâtre des ombres chinoises quand ils ne s’inclinent pas pour un baiser vers la terre maternelle. Les rus improvisent dans les chemins creux des escapades en suivant des voies libertaires. C’est l’époque ou la nature ne sait plus ou est sa véritable place. C’est l’entre saison. L’espace temps semble parti à la dérive. Est-il possible de rejoindre “Cul Froid” par ces chemins défoncés et ces routes noires qui semblent se diriger vers l’enfer ? villarceaux_15_10_2013“Haute Souris”, ne serait-il pas un village né de l’absurde où tous les habitants portent grandes oreilles et museau pointu ? De frêles barrières tentent parfois de circonscrire quelques espaces privés. De hauts murs, une grille en fer s’efforcent de protéger les vivants de l’incursion des morts. Sur cette campagne désolée nul être pourtant ne semble à même de recevoir leur visite. Une chapelle aux moellons disloqués, accablée d’un lierre dévorant, laisse filer dans ses plaies béantes les frissons humides de la plaine.