Savoillans est un petit village à la limite nord du Vaucluse. Bordé d’un côté par le bien nommé Toulourenc (tout ou rien), garni de l’autre par des collines boisées. Une grappe de maisons bien serrées les unes contre les autres bravent sous la lumière bleue du matin, l’imprévisible Mont Ventoux. La dureté du paysage, cache pourtant un passé qui a toujours connu l’implantation de l’homme depuis les temps les plus anciens. Une villa gallo-romaine mise à jour en 1978, a livré monnaies, poteries et fragments d’animaux. La roche Guérin à un jet de là, témoigne d’abris utilisés depuis la préhistoire jusqu’au moyen-âge.
Non loin du village dont les belles bâtisses datent du 17 ème siècle, sur un promontoire, la ferme Saint Agricol s’impose à la vue par son caractère fermé. Ancien couvent d’Ursulines, le bâtiment construit au 18 ème siècle prend la forme d’un quadrilatère percé sur une cour intérieure. Une partie de l’édifice est réservée à des appartements, tandis que les magnifiques salles voûtées sont aujourd’hui dédiées aux événements culturels et artistiques de la vallée. C’est là, au cœur de ce paysage “quasi religieux” que Jean-Pierre Honoré, “Bijoutier des Lavandes” a installé son atelier.
Sur la musique entraînante de Vivaldi, un homme plutôt petit et tout en rondeur me reçoit. Tout dans son physique inspire la bonhommie. Tout de suite, je l’imagine en personnage de film ou de dessin animé. L’accueil est chaleureux. Rien de mieux pour commencer à se connaître que d’échanger quelques mots avec un café en main. Il me raconte l’histoire de cette femme étonnée de constater que les mains de bijoutier s’ornaient le plus souvent d’ongles noirs, de coupures, de mains rugueuses s’accordant mal avec l’idée qu’elle se faisait du bijou fini. Effectivement, les mains de l’artisan ne sont pas ingénues et laiteuses comme on pourrait s’y attendre. Elles ont la mémoire du travail. De celui qui use et qui s’incruste dans les sillons de la peau. Sur l’établi muni de sa peau de cuir, pinces à feu, triboulets, pièce à main, forets et une multitude de petits outils (parfois empruntés à la dentisterie), constituent une sorte de magasin hétéroclite. Tous attendent de prendre vie sous la main experte de l’artiste bijoutier.
Jean-Pierre Honoré en passionné d’héraldique me montre comment réaliser un blason par la technique du moule en os de seiche. Une technique ancestrale depuis que l’homme a voulu pour la première fois transformer une pierre en métal ou plus précieusement en manipulant l’or. Pour l’heure, il découpe au bocfil l’os de seiche en un parallélépipède – plus ou moins régulier – et insère dans le cœur souple de l’animal pour marquer l’empreinte en creux, la maquette du blason qu’il souhaite travailler.
Quelques coups de scie latéraux sur l’os de seiche serviront à repositionner précisément les deux parties du moule. Sous le feu du chalumeau, la barre d’étain fond en grosses gouttes. Le métal liquide est versé rapidement avec précision dans le fragile moule par le trou de coulée. Quelques minutes suffiront au refroidissement du métal blanc.
Ouvert précautionneusement, le moule révèle le blason qu’il faut encore ébarber, affiner en supprimant les petits défauts de l’étain et en préciser le contour à l’aide du bocfil.
L’héraldique est une science et un langage. Communication des formes, des figures, des couleurs. Sur le métal, la symbolique des couleurs se traduit par un jeu de graphismes inscrit dans la matière même. L’azur, le vermillon, l’argent, l’or etc… ont leur correspondance en hachures verticales ou horizontales, en barres échiquetées, en losanges ou autres semis de points. Pour achever son blason, le bijoutier doit ici se transformer en véritable graveur dans le strict respect des codes de l’héraldique. Chaque effet de matière est exprimé par un travail minutieux au poinçon et à la fraise.
Jean-Pierre a mis ses gros yeux. Je dis “gros yeux” pour désigner le casque loupe qu’il pose sur sa tête un peu comme un heaume de chevalier. Il est vrai que le personnage est admiratif de l’épopée médiévale (l’héraldique aidant) et que, se déguiser en homme du moyen âge n’est pas pour lui déplaire. Cette fois, un dessin réalisé selon le nombre d’or lui a été confié afin de réaliser bague, pendentif et toutes sortes de déclinaisons possibles.
— Ça, me dit-il, c’est pour le Condor, le groupe musical de Jean-François Gérold ! Vous connaissez ?
J’avoue mon ignorance.
— C’est un groupe d’inspiration provençale et celtique, mais loin du folklore traditionnel. Il y a parfois jusqu’à 100 musiciens sur scène, c’est un vrai spectacle… carrément magique. C’est à voir et à entendre. Moi, j’aime beaucoup.
Sur ce, l’artisan bijoutier se saisit de la bague qui représente un condor toutes ailes déployées. Il me parle du nombre d’or, des dessins de Villard de Honnecourt, un architecte du XIIIème siècle, de culture fondée sur la tradition maçonnique. Je sens bien que tout cela suit un chemin initiatique et spirituel qui a un véritable sens. Médiévalité, héraldique, ésotérisme, franc maçonnerie, il y a sans doute là pour Jean-Pierre Honoré, dans son parcours une véritable quête.
— Voilà, ça c’est une pièce unique, une bague originale pour Jean-François Gérold.
Le bijou est superbe, aérien malgré sa forme complexe. Pour magnifier le métal doré, Jean-Pierre pose une petite pierre bleue dans les griffes du rapace. Il n’y a plus qu’a sertir ! Superbe ! C’est une touche de couleur qui donne immédiatement vie à la bague. J’imagine les reflets incisifs de la pierre sous les lasers de la scène.
Bijoutier des Lavandes, Jean-Pierre Honoré en homme passionné par sa région et son village, propose des journées à thème autour de Savoillans. Visite du village et de ses ruelles caladées, de la boulangerie au feu de bois, accompagnement sur le chemin botanique, visite d’une charbonnière etc…Outre ses talents de guide, il apprend même aux plus novices, comment transformer une pierre en métal avec un os de seiche, et surtout, comment réaliser à partir d’un brin de lavande, un bijou original et unique.

Être bijoutier à Savoillans, c’est avoir de multiples talents. Guide, démonstrateur, formateur, animateur…
Chacun repart, une fois son “œuvre” réalisée avec un magnifique diplôme de “maître bijoutier”. Vraiment la visite de l’atelier de Jean-Pierre Honoré, s’impose pour découvrir des bijoux qui sont des pièces uniques réalisées à partir de fleurs de lavande. Et vous pourrez vivre, tout comme j’ai pu les vivre de bons moments de découverte dans les salles voûtées, chargées d’histoire de la ferme Saint Agricol.
Jean-Pierre Honoré
Le Bijoutier des Lavandes
Ferme Saint Agricol
84390 Savoillans
Tel. : 04 75 28 68 03
Mob. : 06.65.59.45.37













































À force de fréquenter les circuits et de se côtoyer, on fini par connaître les plus forts. Les pronostics sur les chances de gagner s’amenuisent avec la présence d’untel ou de tel autre. Mais qui sait ! Un problème technique, une chaîne qui casse, une crevaison, un dérailleur qui se bloque, peut laisser espérer une place sur le podium ou tout au moins une place pas trop loin des marches. La course se déroule par équipe de 2 participants. Le premier groupe se dirige vers le point de départ. C’est un peu la cohue, tout le monde veut être devant pour aborder en tête le premier virage et la première difficulté. Bien sûr, les “cadors” sont bien placés. Il y a là le champion de France de la spécialité et quelques grosses pointures.
Déjà en pôle position au départ, ce sont les mêmes qui brigueront les meilleures places sur le podium. La course est presque déjà jouée. Pour la majorité des participants, le plaisir n’est pas dans le classement, mais dans la solidarité et le goût de l’effort partagés avec son club ou son co-équipier. La course est ouverte à tous dès 10 ans et les plus jeunes font l’admiration des plus anciens. C’est une course conviviale malgré tout. 8h30, les coureurs sont lachés. Un cliquetis de chaîne suivi des premières expressions d’effort se dissipent sitôt la troupe passée. Plus loin, au parc à vélo, la sono du commentateur constitue un point de repère comme une véritable balise. Pour apprécier la course, il faut éviter les portions de parcours trop roulant. 
Quelques bosses ou chemins creux descendants, sont les meilleurs endroits pour apprécier soit la dextérité des uns, soit la puissance des autres. Je regrette toujours que quelques uns se prenant pour des “vedettes”, admonestent les plus jeunes qui ne s’effacent pas assez vite devant leur passage. Quand on est très fort ce ne sont pas les 2 ou 3 secondes perdues pour doubler un gamin qui changeront la face du monde. 
Être bon, c’est être fort physiquement, mais aussi mentalement et les champions, les vrais…ont souvent un comportement exemplaire vis à vis des plus jeunes. La fête n’en sera pas gâchée pour autant. La fin de course est proche. On s’active du côté des organisateurs. Les coupes sont sorties, nombreuses, rutilantes. Des cadeaux sont prévus, des bons d’achat, des bouquets de roses n’attendent plus que les meilleurs. Plus loin, un stand avec des plateaux repas et des boissons sont réservés à tous les “morts de faim” du parcours. Comme prévu l’équipage du champion de France numéro 20 (Cédric Chartier et Jérôme Grevin) montent sur la plus haute marche du podium. Ils se prêtent de façon bien sympathique à cette remise de prix en compagnie d’amateurs de tous bords. Le club de Bonnières VTT, bien présent avec un grand nombre de participants, monte plusieurs fois sur les marches selon les différentes catégories. Maintenant il faut effacer toutes traces du parcours, retirer la rubalise, démonter les stands, ranger les barrières métalliques. Demain, la forêt sera rendue par son silence aux promeneurs et aux quelques animaux qui se seront cachés le temps d’une matinée agitée.



Du bric à brac. Chacun y trouvera ce qu’il pourra. Il ne sert à rien de chercher quelque chose de précis. L’achat se fait au gré d’une surprise. Bien souvent, l’objet sitôt raporté à la maison finira dans un coin, oublié, et se retrouvera au prochain vide grenier une nouvelle fois sur le trottoir. Les enfants, les “un peu plus grands”, ceux que les tours de manège n’intéressent plus, sont suspendus dans les platanes centenaires. Une bonne manière de les “tenir” calmes un bon moment. Les touristes se pressent timidement autour du pressoir à main. Et oui, la démonstration du foulage et du pressurage de quelques grappes de raisin est traditionnelle.
Dans le rassemblement, il y a ceux d’ici et les autres. Ceux d’ici plaisantent et parlent haut avec l’accent. Ils se connaissent, se reconnaisssent et s’envoient quelques blagues qu’ils semblent partager comme en famille. Et puis il y a les curieux, principalement des touristes vieillissants en cette fin de septembre. Les jeunes, les actifs ont depuis longtemps repris le chemin des bureaux ou des entreprises. Alors devant cette foule curieuse et attendrie, les “gars du métier” font le “job” avec des gestes précis. Le jus coule, trouble, épais. Un murmure de satisfaction court de bouche en bouche. Tout le monde veut voir cet élixir, goûter ce breuvage frais sorti comme par miracle des grappes noires. Les gobelets se tendent dans le désordre.
Certains y reviennent plusieurs fois. Il y en aura pour tout le monde, pas d’inquiétude. Soudain, un concert tonitruant s’engage dans la ruelle. La”Pena Los Caballeros” sur une résonance de trompette déchire la douceur du matin. La troupe colorée, a capté toutes les oreilles et tous les regards. La foule s’écarte au son d’une samba et des airs populaires. Certains se mettent à danser. Les enfants courent devant la formation, précèdent les musiciens qui s’avancent en ordre de marche. Le trombonne ponctue d’un “pon-pon-pon-pon-pon” le pas cadencé des interprètes.
La musique résonne dans les ruelles. La troupe de théatre amateur tente de se faire entendre au milieu de tout ce brouhaha. Les spectateurs tendent l’oreille. Entre les saynettes jouées en “patois” et le concert tout proche, c’est l’incompréhension qui domine. La journée ne fait que commencer, les parkings un peu en retrait du village commencent à se remplir. Bientôt, il sera l’heure de l’apéritif. Beaucoup se dirigeront vers un petit restaurant, cherchant une terrasse ombragée pour y déguster quelques plats locaux accompagnés d’un rouge du Ventoux ou d’un rosé aux couleurs chatoyantes, muri sur les pentes caillouteuses du Géant de Provence. Le soleil aidant, l’après-midi sera chaud et la fête sûrement mémorable.






Un magasin Super U en bordure de la route principale avait remplacé les jardinets qui existaitent là autrefois. La rue de la cité des “Polonais”, rue de la Libération, parallèle à celle où nous avions notre petite maison, était désormais goudronnée. Des voitures s’alignaient tristement devant les portes d’entrée de chaque logement. J’avais connu cette artère animée de nos cris d’enfants lorsque nous y jouions. En remontant cette rue, sur le pas d’une porte une femme et un homme en polo bleu, portant lunettes, étaient en pleine conversation. Nous nous sommes salués poliment.

Il me fallait poursuivre ma visite et abandonner là mes amis d’antan. En trois pas je fus devant le portail du pavillon. Ma petite maison, ne s’enorgueillissait pas d’une adresse prestigieuse. Elle n’avait nul droit à une avenue, pas même à une rue, ni même à une allée. Non, simplement celle d’une sente. La sente Angot. Quel joli nom ne trouvez-vous pas ?


Je le sens dans ces pierres, dans ces murs de béton construits avec toute la droiture qui le distinguait. Je revois la chambre de mes sœurs, celle de mes parents. La chambre que je partageais avec mon frère est devenue un salon/salle à manger. Autrefois, il n’y avait qu’une petite cuisine dans laquelle nous mangions tous les six, réunis autour d’une cuisinière à charbon pour tout chauffage. Le propriétaire est sympathique et volubile. Il me montre tout, ouvre devant nous les tiroirs de ses meubles pour retrouver les actes de vente de la maison. Dans les papiers jaunis, je découvre les paraphes et la signature malhabile de mon père. L’émotion est là. Les images de sa présence reviennent avec force. Les images de l’enfance aussi, celle d’un bonheur aujourd’hui consommé. La disparition d’un être cher, creuse un sillon de tristesse que l’affairement nous fait oublier mais qui ne se referme jamais.















