Jean-Pierre Honoré, bijoutier.

Savoillans, village médiéval au pied du Mont Ventoux.

Savoillans, village médiéval au pied du Mont Ventoux.

Savoillans est un petit village à la limite nord du Vaucluse. Bordé d’un côté par le bien nommé Toulourenc (tout ou rien), garni de l’autre par des collines boisées. Une grappe de maisons bien serrées les unes contre les autres bravent sous la lumière bleue du matin, l’imprévisible Mont Ventoux. La dureté du paysage, cache pourtant un passé qui a toujours connu l’implantation de l’homme depuis les temps les plus anciens. Une villa gallo-romaine mise à jour en 1978, a livré monnaies, poteries et fragments d’animaux. La roche Guérin à un jet de là, témoigne d’abris utilisés depuis la préhistoire jusqu’au moyen-âge.

L'imposante ferme Saint Agricol.

L’imposante ferme Saint Agricol.

La cour carrée intérieure.

La cour carrée intérieure.

Non loin du village dont les belles bâtisses datent du 17 ème siècle, sur un promontoire, la ferme Saint Agricol s’impose à la vue par son caractère fermé. Ancien couvent d’Ursulines, le bâtiment construit au 18 ème siècle prend la forme d’un quadrilatère percé sur une cour intérieure. Une partie de l’édifice est réservée à des appartements, tandis que les magnifiques salles voûtées sont aujourd’hui dédiées aux événements culturels et artistiques de la vallée. C’est là, au cœur de ce paysage “quasi religieux” que Jean-Pierre Honoré, “Bijoutier des Lavandes” a installé son atelier.

Jean-Pierre Honoré, bijoutier des lavandes.

Jean-Pierre Honoré, bijoutier des lavandes.

Sur la musique entraînante de Vivaldi, un homme plutôt petit et tout en rondeur me reçoit. Tout dans son physique inspire la bonhommie. Tout de suite, je l’imagine en personnage de film ou de dessin animé. L’accueil est chaleureux. Rien de mieux pour commencer à se connaître que d’échanger quelques mots avec un café en main. Il me raconte l’histoire de cette femme étonnée de constater que les mains de bijoutier s’ornaient le plus souvent d’ongles noirs, de coupures, de mains rugueuses s’accordant mal avec l’idée qu’elle se faisait du bijou fini. Effectivement, les mains de l’artisan ne sont pas ingénues et laiteuses comme on pourrait s’y attendre. Elles ont la mémoire du travail. De celui qui use et qui s’incruste dans les sillons de la peau. Sur l’établi muni de sa peau de cuir, pinces à feu, triboulets, pièce à main, forets et une multitude de petits outils (parfois empruntés à la dentisterie), constituent une sorte de magasin hétéroclite. Tous attendent de prendre vie sous la main experte de l’artiste bijoutier.

L'artisan dans son environnement de travail.

L’artisan dans son environnement de travail.

Les fameux os de seiches.

Les fameux os de seiches.

Jean-Pierre Honoré en passionné d’héraldique me montre comment réaliser un blason par la technique du moule en os de seiche. Une technique ancestrale depuis que l’homme a voulu pour la première fois transformer une pierre en métal ou plus précieusement en manipulant l’or. Pour l’heure, il découpe au bocfil l’os de seiche en un parallélépipède – plus ou moins régulier – et insère dans le cœur souple de l’animal pour marquer l’empreinte en creux, la maquette du blason qu’il souhaite travailler.

Pour fabriquer un moule, il faut réaliser un parallélépipède régulier.

Pour fabriquer un moule, il faut réaliser un parallélépipède régulier.

La maquette du blason est incrustée dans l'os de seiche.

La maquette du blason est incrustée dans l’os de seiche.

L'empreinte en creux du blason qui recevra l'étain fondu.

L’empreinte en creux du blason qui recevra l’étain fondu.

Quelques coups de scie latéraux sur l’os de seiche serviront à repositionner précisément les deux parties du moule. Sous le feu du chalumeau, la barre d’étain fond en grosses gouttes. Le métal liquide est versé rapidement avec précision dans le fragile moule par le trou de coulée. Quelques minutes suffiront au refroidissement du métal blanc.

Le moule attend le mélange d'étain.

Le moule attend le mélange d’étain.

Par le trou de coulée, l'étain se diffuse dans le moule.

Par le trou de coulée, l’étain se diffuse dans le moule.

Ouvert précautionneusement, le moule révèle le blason qu’il faut encore ébarber, affiner en supprimant les petits défauts de l’étain et en préciser le contour à l’aide du bocfil.

le bocfil permet d'ébarber, de retrouver avec précision la forme originale.

le bocfil permet d’ébarber, de retrouver avec précision la forme originale.

L’héraldique est une science et un langage. Communication des formes, des figures, des couleurs. Sur le métal, la symbolique des couleurs se traduit par un jeu de graphismes inscrit dans la matière même. L’azur, le vermillon, l’argent, l’or etc… ont leur correspondance en hachures verticales ou horizontales, en barres échiquetées, en losanges ou autres semis de points. Pour achever son blason, le bijoutier doit ici se transformer en véritable graveur dans le strict respect des codes de l’héraldique. Chaque effet de matière est exprimé par un travail minutieux au poinçon et à la fraise.

La transcription des couleurs par des effets graphiques.

La transcription des couleurs par des effets graphiques.

Le poinçon précise un trait, crée des hachures...

Le poinçon précise un trait, crée des hachures…

Jean-Pierre a mis ses gros yeux. Je dis “gros yeux” pour désigner le casque loupe qu’il pose sur sa tête un peu comme un heaume de chevalier. Il est vrai que le personnage est admiratif de l’épopée médiévale (l’héraldique aidant) et que, se déguiser en homme du moyen âge n’est pas pour lui déplaire. Cette fois, un dessin réalisé selon le nombre d’or lui a été confié afin de réaliser bague, pendentif et toutes sortes de déclinaisons possibles.

Un dessin tracé selon le nombre d'or.

Un dessin tracé selon le nombre d’or.

— Ça, me dit-il, c’est pour le Condor, le groupe musical de Jean-François Gérold ! Vous connaissez ?
J’avoue mon ignorance.
— C’est un groupe d’inspiration provençale et celtique, mais loin du folklore traditionnel. Il y a parfois jusqu’à 100 musiciens sur scène, c’est un vrai spectacle… carrément magique. C’est à voir et à entendre. Moi, j’aime beaucoup.

Sur ce, l’artisan bijoutier se saisit de la bague qui représente un condor toutes ailes déployées. Il me parle du nombre d’or, des dessins de Villard de Honnecourt, un architecte du XIIIème siècle, de culture fondée sur la tradition maçonnique. Je sens bien que tout cela suit un chemin initiatique et spirituel qui a un véritable sens. Médiévalité, héraldique, ésotérisme, franc maçonnerie, il y a sans doute là pour Jean-Pierre Honoré, dans son parcours une véritable quête.
— Voilà, ça c’est une pièce unique, une bague originale pour Jean-François Gérold.

La bague travaillée pour le Condor.

La bague travaillée pour le Condor.

Une pierre bleue, sertie, magnifiera le bijou.

Une pierre bleue, sertie, magnifiera le bijou.

Le bijou est superbe, aérien malgré sa forme complexe. Pour magnifier le métal doré, Jean-Pierre pose une petite pierre bleue dans les griffes du rapace. Il n’y a plus qu’a sertir ! Superbe ! C’est une touche de couleur qui donne immédiatement vie à la bague. J’imagine les reflets incisifs de la pierre sous les lasers de la scène.

Bijoutier des Lavandes, Jean-Pierre Honoré en homme passionné par sa région et son village, propose des journées à thème autour de Savoillans. Visite du village et de ses ruelles caladées, de la boulangerie au feu de bois, accompagnement sur le chemin botanique, visite d’une charbonnière etc…Outre ses talents de guide, il apprend même aux plus novices, comment transformer une pierre en métal avec un os de seiche, et surtout, comment réaliser à partir d’un brin de lavande, un bijou original et unique.

Être bijoutier à Savoillans, c'est avoir de multiples talents. Guide, démonstrateur, formateur, animateur...

Être bijoutier à Savoillans, c’est avoir de multiples talents. Guide, démonstrateur, formateur, animateur…

Un brin de lavande plongé dans un mélange de plâtre, fera un moule original.

Un brin de lavande plongé dans un mélange de plâtre, fera un moule original.

L'étain fondu remplacera la forme du brin de lavande.

L’étain fondu remplacera la forme du brin de lavande.

Un petit bijou fantaisie original, réalisable par tous...même par des enfants.

Un petit bijou fantaisie original, réalisable par tous…même par des enfants.

Chacun repart, une fois son “œuvre” réalisée avec un magnifique diplôme de “maître bijoutier”. Vraiment la visite de l’atelier de Jean-Pierre Honoré, s’impose pour découvrir des bijoux qui sont des pièces uniques réalisées à partir de fleurs de lavande.  Et vous pourrez vivre, tout comme j’ai pu les vivre de bons moments de découverte dans les salles voûtées, chargées d’histoire de la ferme Saint Agricol.

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Jean-Pierre Honoré
Le Bijoutier des Lavandes
Ferme Saint Agricol
84390 Savoillans
Tel. : 04 75 28 68 03
Mob. : 06.65.59.45.37

Jean-Pierre Henninger, forgeron.

le petit village perché de Brantes dans la vallée du Toulourenc (Vaucluse)

le petit village perché de Brantes dans la vallée du Toulourenc (Vaucluse)

C’était en début d’après-midi, juste un peu avant le réveillon du premier de l’an. Le rendez-vous est pris pour le 2 janvier.
“À jeudi donc, comme ça, on se fera la bise pour la nouvelle année. Je mets un mot sur la porte du frigidaire”.
La voix est enjouée, le ton humoristique. L’accent n’est pas “chantant” comme celui de la région. Malgré tout,  je sens tout de suite à travers le combiné téléphonique, quelqu’un de chaleureux et d’ouvert. J’avais entraperçu le gaillard à la carrure de lutteur quelques jours auparavant. Et ce matin, sous un ciel humide je suis là, devant une superbe porte en chêne ornée de ferrures noires. Jean-Pierre Henninger, forgeron à Brantes (Vaucluse), m’attend tout en préparant le poèle à bois.

Un coup de chalumeau pour allumer le poêle et la forge.

Un coup de chalumeau pour allumer le poêle et la forge.

Le feu est bien vite allumé avec le poste à soudure. Tout en me racontant un peu son parcours et son arrivée il y a quarante ans au village, l’homme s’affaire autour de la forge muette et encore froide. Quelques pelletées de lignite rassemblées autour d’un foyer creusé dans la brique réfractaire et bientôt, la forge s’anime, le feu se met à danser droit dans l’air. Pendant une heure, nous nous retrouvons dans le même temps, celui d’avant, celui de notre jeunesse. Études d’arts appliqués pour l’un, les arts déco pour l’autre, une passion partagée pour la bande dessinée, les cheveux longs et “peace and love”. Je m’attarde un peu du regard sur les murs de la forge. Ici, ils sont chargés d’outils portant les signes d’une longue vie, là, impeccablement rangées, des boîtes doivent contenir des “préciosités”. Des barres d’acier posées debout contre un mur semblent attendre les halebardiers. Il y a beaucoup d’ordre dans tout cet étalage d’acier. Normal pour un “alsacien” me lance Jean-Pierre Henninger avec un sourire de connivence.

Un atelier au rangement très "alsacien" paraît-il...

Un atelier au rangement très “alsacien” paraît-il…

Le forgeron prépare son travail pour la matinée. Il mesure, marque le fer d’un coup de pointeau l’endroit précis où tout à l’heure il perforera à cœur la barre d’acier. La pièce à forger est plongée dans la flamme vivante. Noir, brun, rouge, le métal se pare des couleurs du feu, se fond dans une gamme chatoyante. Au rouge sombre, un coup de ciseau à froid entame le métal d’une entaille profonde pour marquer l’emplacement du futur trou forgé. À sa plus haute température, l’acier devenu blanc perd toute sa rigidité. À la limite de la fusion, l’acier maléable s’ouvre, se tord telle la guimauve. De quelques coups de massette bien ajustés le ciseau transperce la barre. Les bélugues fusent alentour sur le tas de la forge. Le métal torturé, gonflé par le feu est rectifié, réaligné par l’œil expert de l’artisan.

Pointeau pour marquer l'acier

L’acier est marqué à l’aide d’un pointeau.

Un coup de pointeau marque l'acier.

La marque ne disparaîtra pas une fois la barre mise au feu.

La barre d'acier est mise au feu pour être travaillée.

La barre d’acier est mise au feu pour être travaillée.

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Quelques coups bien ajustés pour ouvrir la barre de métal.

Les bélugues fusent.

Les bélugues fusent.

Le ciseau à froid a transpercé l'acier.

Le ciseau à froid a transpercé l’acier.

Entre chaque ouvrage ou opération, nous discutons de tout et de rien. De ce métier de forgeron que personne sans doute ne reprendra. Une perte pour le village. C’est un savoir ancestral qui disparaît chaque jour un peu partout dans notre société trop industrialisée. La forge avec son feu est aussi un peu un cœur qui bat. Le martellement de l’acier résonne dans les ruelles en contrebas du village. On se dit : “tiens, Jean-Pierre est à sa forge !”. Le voisin passe avec ses courses encore sous le bras histoire de dire bonjour. Les deux amis échangent quelques nouvelles là, bien au chaud devant le feu, en ce mois de janvier. La neige n’est pas loin. Juste en face sur le versant nord du Ventoux, à quelques jets de pierres. Un photographe est monté ce matin par les pentes ravinées en espérant saisir quelques mouflons à travers son téléobjectif.

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En quelques coups, le pilon écrase la barre d’acier.

Une nouvelle pièce d’acier est mise au feu. Jean-Pierre ramène un peu le lignite au plus près de la barre à ouvrager. Quand l’acier a atteint sa couleur, il saisit la barre brûlante aidé de son gant au pouce maintes fois consolidé. Le métal docile, s’écrase au rythme cadencé et monotone du pilon. “Pong ! Pong ! Pong !”. En quelques coups, la barre carrée se transforme en une sorte d’épée à la lame grossière. Plusieurs tonnes pèsent sur l’acier aminci, affiné peu à peu, forgé pour réaliser le départ d’une volute sur le faux rouleau.

La réalisation d'une volute.

La réalisation d’une volute.

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La pièce est remise au feu de nombreuses fois.

J’admire la beauté des innombrables outils dont l’acier poli, renvoie l’éclat de la lumière du jour. Jean-Pierre me montre des pinces de forge :
“— Celles-là, je les ai forgées moi-même. De toute façon, les formes, les outils, il faut se les fabriquer dans la plupart des cas. Voilà, ça c’est un marteau avec un manche en cornouiller que j’ai fabriqué en 1960…et je l’ai toujours. Même le manche est d’origine.”

Je suis admiratif.

L’étau de forge est superbe. L’outil est non seulement fonctionnel, mais aussi ouvragé. Son embase dessine un cœur que transpercent trois boulons d’acier. L’ensemble est solidement ancré dans le sol en béton. Rejetés dans l’encadrement d’une fenêtre, quelques mécanismes d’horlogerie poussiéreux, ont servi de modèle à la réalisation d’une rotissoire.   Le temps semble s’être arrêté et pourtant il défile bel et bien. L’artisan a coupé la soufflerie de sa forge et déposé son ouvrage encore rouge sur le sol. Il est l’heure du déjeûner. L’acier refroidira tranquillement pendant ce temps. Pour l’instant, un petit “kir” nous fera le plus grand bien et je sais déjà de nous deux qui le mérite le plus. Merci à Jean-Pierre Henninger pour son accueil, ses explications, sa patience face à un insatiable curieux. Que vive longtemps pour notre plus grand bonheur, l’harmonie intelligente de la main et de l’esprit.12_jp-henninger_01_2014 13_jp-henninger_01_2014

L'outil de forge.

Le superbe étau de forge.

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Certains outils ont été forgés par Jean-Pierre Henninger.

De vieux mécanismes d'horlogerie sont figés par le temps.

De vieux mécanismes d’horlogerie sont figés par le temps.

Il faut laisser l'ouvrage refroidir.

Il faut laisser l’ouvrage refroidir.

Jean-Pierre Henninger, un sacré "bonhomme" au parcours étonnant.

Jean-Pierre Henninger, un sacré “bonhomme” au parcours étonnant.

Jean-Pierre Henninger
Forgeron
84390 Brantes
Tel. : 04.75.28.07.40

La pauvreté si proche

Ce matin à la radio, j’ai entendu un journaliste qui annonçait qu’on avait découvert à Strasbourg une famille de “roms” qui vivait depuis 2 ans dans leur voiture. Comble de stupeur !!! Effrayant ce que l’on vit dans notre si belle France. J’ai cru un moment que le journaliste allait approfondir la dépêche, embrayer sur la misère qui se fait de plus en plus pressante en notre pays.

J’ai cru un moment – oh, un moment seulement – qu’en donnant la parole à la misère, un peu d’honneur allait être rendu aux milliers d’anonymes qui la vivent. Et bien non, vite fait bien fait, la dépêche suivante a avalé tout de go la précédente. Circulez, il n’y a plus rien à entendre. De temps en temps, les médias se focalisent sur un fait misérable qui sort de l’ordinaire. Car il faut du croustillant, du scoop pour attirer l’attention. C’est vrai, la pauvreté quotidienne, banale, c’est ennuyeux, c’est compliqué. Il vaut mieux ne pas trop en parler, ça donnerait le vertige à tout le monde. En parlant d’une famille de “roms” dans une voiture, l’exceptionnel éloigne le spectre de la misère quotidienne dans nos bonnes familles gauloises. Car celle qui progresse comme un cancer dans nos rues, dans nos villages et nos villes, la misère qu’on découvrait autrefois bien loin de nous, habite désormais souvent la maison d’à côté.pauvrete_02_281113

Les pauvres, l’Observatoire des Inégalités leur a consacré une étude dont les chiffres, sans concession, parlent d’eux-mêmes. En France, un individu peut-être considéré comme pauvre quand ses revenus mensuels sont inférieurs à 814 euros ou 977 euros selon la définition adoptée (1). En 2011 on comptait 14,4% de pauvres si l’on fixe le seuil de pauvreté à 60% du niveau de vie médian. Dans cette hypothèse la pauvreté touche près de 9 millions de Français. Ces chiffres ne tiennent pas compte des années 2012, 2013 où les inégalités n’ont pu que croître compte tenu de la forte accentuation du chômage. Le chiffre des chômeurs de longue durée, venu grossir le rang des pauvres a dépassé 2,1 millions de personnes en septembre 2013. Soit, une progression de 14% en 1 an.pauvrete_03_281113

Alors, parmi toutes les personnes que l’on croise, inconnues ou connaissances, combien font partie de cette masse silencieuse, de cette frange d’exclus. Retraités, ouvriers, agriculteurs, étudiants qui glanent sur les marchés comme certains petits vieux… aujourd’hui, la précarité peut toucher tout le monde. Il ne suffit plus de travailler pour échapper à la misère. Elle est le plus souvent vécue comme une honte par ceux qui la supportent. En plus de leur dénuement matériel et de leur détresse morale, certains ne se privent pas de les accabler de tous les maux possibles et de dénoncer le “cancer de l’assistanat”.

“Les pauvres font tout pour profiter au maximum des aides !”
Un grand nombre de personnes éligibles aux aides, n’en fait pas la demande. 50% pour le RSA, 68% pour le tarif de première nécessité d’EDF, 50 à 70% pour les transports urbains. Le montant des aides sociales non réclamées par ceux qui y ont droit, atteint un montant de 11 milliards d’euros par an. Significatif.

“Les pauvres sont des fraudeurs !”
Faux. Pour 60 millions d’euros de fraude au RSA détectés en 2009, on comptait plus de 200 millions d’euros de travail non déclarés par les entreprises, 370 millions d’euros de fraude douanière et  2,5 milliards d’euros de fraude fiscale. Où sont donc les tricheurs !!!

Lieux communs et idées reçues s’enchaînent :
S’ils sont pauvres, c’est de leur faute. S’ils sont à la rue, c’est qu’ils l’ont choisi. S’ils font des enfants, c’est pour les allocations familiales. Ce sont des assistés qui coûtent cher à la société. D’ailleurs, s’ils voulaient vraiment chercher du travail, ils en trouveraient. De toute manière, on gagne plus au RSA qu’avec le SMIC. Ils perçoivent des allocations alors qu’ils élèvent mal leurs enfants…etc.

ATD Quart Monde a publié un livret qui répond point par point à un grand nombre de ces idées reçues (la plupart calomnieuses) sur la pauvreté. “En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté”.
Le livre.

Le 10 octobre dernier, lors de l’émission “Des paroles et des actes” de France 2, une chômeuse mulhousienne, Isabelle Maurer apostrophe Jean-François Copé. Elle raconte cinquante ans de galères, de précarité, de rage de s’en sortir avec les 470 euros par mois du RSA et de maigres petits boulots. Elle fit entendre avec dignité la voix des “pauvres”, contre tous ceux qui les accusent de vivre en assistés, aux crochets des aides publiques.
La vidéo.

Lorsque l’on est confronté de loin à la pauvreté des autres, celle-ci reste indolore, inodore.  Il faut l’approcher de près pour en reconnaître la monstruosité :  l’isolement par la perte des amis, du manque d’accès à l’information, d’une situation géographique excentrée, de la pénurie des biens de première nécessité, du manque de respect et de l’absence de perspective d’avenir car bien souvent les enfants héritent de la précarité de leurs parents.

J’aurai une profonde pensée pour un vieil ami éleveur de moutons, malade, isolé dans sa montagne et enfermé dans la solitude du chagrin. Demain matin il fera trois pas vers la fenêtre pour faire son café. Il s’émerveillera sûrement un instant sur la beauté du ciel puis se retournant, se dirigera vers la cuisinière en sombrant dans l’apathie. Comment vivre heureux avec 420 euros de retraite par mois.

(1) La définition de la pauvreté :
Depuis 2008, l’Insee utilise la définition européenne de la pauvreté. Auparavant, le seuil de pauvreté le plus souvent utilisé était équivalent à la moitié du revenu médian, revenu qui partage en deux la population, autant gagne davantage, autant gagne moins. Mais dans les comparaisons européennes, le seuil le plus souvent pratiqué se situe à 60 % du revenu médian. Ce saut de 50 à 60 % change tout : il fait augmenter le seuil de 814 à 977 euros (pour une personne seule), le nombre de personnes concernées de 4,9 à 8,8 millions et le taux de 7,9 à 14,3 %.
Le seuil de pauvreté désormais utilisé est équivalent à 60 % du revenu médian. Ce revenu est de 1 628 euros pour un célibataire. Le seuil est donc de 977 euros pour une personne seule (60 % de 1 628 euros). Selon les conventions de l’Insee, ce même seuil est de 1 466 euros pour un couple sans enfants et 2 052 euros pour un couple avec deux enfants de moins de 14 ans. A ces niveaux de vie, on se situe au double du revenu de solidarité active : 492 euros pour une personne seule, 739 euros pour un couple sans enfant, 1 035 euros avec deux enfants. Le seuil de pauvreté à 60 % prend en compte des situations sociales très diversifiées, qui vont de ce que l’on appelait il y a quelques années le « quart monde », aux milieux sociaux très modestes.

 

 

 

la Tour 13 infernale.

La Tour 13 en bordure de Seine, face au ministère des finances.

La Tour 13 en bordure de Seine, face au Ministère des Finances à Bercy.

La fameuse Tour 13 rue Fulton ferme au public à partir du 1er novembre en vue de sa démolition.
Pendant presque un an, cette tour aura connu nuit et jour une incroyable effervescence créative. Sur 9 étages, (36 appartements de 4 à 5 pièces pour une surface de 4500 m2), une centaine d’artistes venus du monde entier avaient investi le lieu. Développée dans le plus grand secret sur l’initiative de la galerie parisienne “Itinerrance”, cette opération de “street-art” était dès l’origine vouée à l’éphémère. Rien à vendre, c’est un peu ce que l’on retiendra avec regret de cette exposition hors norme. C’est un véritable musée à ciel ouvert qui permet d’initier le public aux pratiques artistiques actuelles. L’évènement est qualifié de “projet street-art”, je trouve pour ma part cette appellation trompeuse et limitative. Ici, pas de grafs, de lettres chromées ou de “logos” torchés à l’abri des lueurs de la nuit. C’est un vrai travail d’artistes d’intérieurs. Les appartements se cotoient avec des expressions originales selon les appartenances culturelles et géographiques (au moins 16 nationalités). Les réalisations sont des œuvres pensées, très travaillées, qui ont demandé un réel investissement en terme de temps, de matériaux et d’outils. On peut apprécier de la peinture, de l’illustration, de la sclupture, des installations. L’espace des appartements est réaménagé pour certains, détruit sous forme de gravats pour d’autres, comme si l’avenir posait déjà son empreinte fatale. Durant un mois, la visite de la Tour 13 a attiré plus de 15 000 passionnés et de curieux. Une file d’attente de 6 à 8 heures s’est constituée tous les jours au pied du bâtiment. Vidéos, photos, albums, suite interactive sur internet, le musée éphémère ne survivra que virtuellement ou dans la seule mémoire des artistes et des visiteurs. En tant que visiteur privilégié (entrée directe le jour de fermeture) j’ai pu apprécier dans le calme et avec recul la créativité de tous ces “globe-trotteurs” du graphisme. Ce petit tour (en photo) dans les étages est un résumé très synthétique de ce qui pouvait se découvrir et s’apprécier tout au long du mois d’octobre.

Visiter et sauver la Tour 13 sont deux choses désormais impossible, mais il est encore temps de vous propulser sur le site pour une dernière découverte virtuelle. Le site “Tour Paris 13”.


 

 

La Mesniloise

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À l’approche de la forêt, il fait encore bien frais et bien sombre. Pourtant, ils sont tous là, ceux qui vont suer sang et eau (pour leur plus grand plaisir) en parcourant durant 3h30 les 7 km que leur ont tracé en plein bois les “gentils oragnisateurs”.
Alors que certains troquent leur habit de ville pour une tenue bariolée aux inscriptions commerciales, d’autres sont déjà en train de fixer leur plaque de cadre. Avant le départ, il faut vérifier une dernière fois le bon passage des vitesses, regonfler un pneu trop mou, vite filer aux toilettes car après…après…on ne rigolera plus. Pour l’instant, l’ambiance est bon enfant, on se charrie un peu, on salue chaleureusement le copain d’un autre club. On se tape sur l’épaule avant de se mesurer sur le terrain. vtt_02_06_10_13À force de fréquenter les circuits et de se côtoyer, on fini par connaître les plus forts. Les pronostics sur les chances de gagner s’amenuisent avec la présence d’untel ou de tel autre. Mais qui sait ! Un problème technique, une chaîne qui casse, une crevaison, un dérailleur qui se bloque, peut laisser espérer une place sur le podium ou tout au moins une place pas trop loin des marches. La course se déroule par équipe de 2 participants. Le premier groupe se dirige vers le point de départ. C’est un peu la cohue, tout le monde veut être devant pour aborder en tête le premier virage et la première difficulté. Bien sûr, les “cadors” sont bien placés. Il y a là le champion de France de la spécialité et quelques grosses pointures. vtt_03_06_10_13Déjà en pôle position au départ, ce sont les mêmes qui brigueront les meilleures places sur le podium. La course est presque déjà jouée. Pour la majorité des participants, le plaisir n’est pas dans le classement, mais dans la solidarité et le goût de l’effort partagés avec son club ou son co-équipier. La course est ouverte à tous dès 10 ans et les plus jeunes font l’admiration des plus anciens. C’est une course conviviale malgré tout. 8h30, les coureurs sont lachés. Un cliquetis de chaîne suivi des premières expressions d’effort se dissipent sitôt la troupe passée. Plus loin, au parc à vélo, la sono du commentateur constitue un point de repère comme une véritable balise. Pour apprécier la course, il faut éviter les portions de parcours trop roulant. vtt_06_06_10_13vtt_07_06_10_13Quelques bosses ou chemins creux descendants, sont les meilleurs endroits pour apprécier soit la dextérité des uns, soit la puissance des autres. Je regrette toujours que quelques uns se prenant pour des “vedettes”, admonestent les plus jeunes qui ne s’effacent pas assez vite devant leur passage. Quand on est très fort ce ne sont pas les 2 ou 3 secondes perdues pour doubler un gamin qui changeront la face du monde. vtt_11_06_10_13vtt_10_06_10_13Être bon, c’est être fort physiquement, mais aussi mentalement et les champions, les vrais…ont souvent un comportement exemplaire vis à vis des plus jeunes. La fête n’en sera pas gâchée pour autant. La fin de course est proche. On s’active du côté des organisateurs. Les coupes sont sorties, nombreuses, rutilantes. Des cadeaux sont prévus, des bons d’achat, des bouquets de roses n’attendent plus que les meilleurs. Plus loin, un stand avec des plateaux repas et des boissons sont réservés à tous les “morts de faim” du parcours. Comme prévu l’équipage du champion de France numéro 20 (Cédric Chartier et Jérôme Grevin) montent sur la plus haute marche du podium. Ils se prêtent de façon bien sympathique à cette remise de prix en compagnie d’amateurs de tous bords. Le club de Bonnières VTT, bien présent avec un grand nombre de participants, monte plusieurs fois sur les marches selon les différentes catégories. Maintenant il faut effacer toutes traces du parcours, retirer la rubalise, démonter les stands, ranger les barrières métalliques. Demain, la forêt sera rendue par son silence aux promeneurs et aux quelques animaux qui se seront cachés le temps d’une matinée agitée.vtt_12_06_10_13

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La fête du Muscat.

Les barrières sont posées. Déviation obligatoire. Aujourd’hui, on ne traverse pas le village. En ce 22 septembre à Villes-sur-Auzon, c’est la fête du Muscat des Terrasses. Pour cette petite ville au pied du Mt Ventoux, on célèbre les juteuses grappes noires.01_villes sur auzon_09_2013

Les producteurs locaux ont fait le déplacement et ont achalandé leurs étals. En arpentant les rues sonorisées ce n’est qu’une succession de fragrances originales et odorantes. Le safran cotoie le fromage de chèvre qui jouxte le pain d’épice ou le nougat aux saveurs de miel. Pour les plus petits visiteurs, un manège mécanique a été installé. Et quand je dis mécanique, c’est bien à la force des mollets qu’il convient de le faire tourner. Une grand-mère, toute dévouée à ses petits enfants s’y est collée. Ici point de sono tonitruante qui tourne en boucle au rythme du manège. Point de singe maigrichon pendu à une ficelle pour gagner des tours gratuits. Non, ici, les petits ont le privilège d’avoir, rien que pour eux un vrai accordéoniste “à la mine rigolote” et une gentille “poupée” qui leur propose de saisir des petits objets avec un gracieux sourire. Au centre du village sur la place principale c’est le grand débalage. 02_villes sur auzon_09_2013Du bric à brac. Chacun y trouvera ce qu’il pourra. Il ne sert à rien de chercher quelque chose de précis. L’achat se fait au gré d’une surprise. Bien souvent, l’objet sitôt raporté à la maison finira dans un coin, oublié, et se retrouvera au prochain vide grenier une nouvelle fois sur le trottoir. Les enfants, les “un peu plus grands”, ceux que les tours de manège n’intéressent plus, sont suspendus dans les platanes centenaires. Une bonne manière de les “tenir” calmes un bon moment. Les touristes se pressent timidement autour du pressoir à main. Et oui, la démonstration du foulage et du pressurage de quelques grappes de raisin est traditionnelle. 03_villes sur auzon_09_2013 04_villes sur auzon_09_2013 05_villes sur auzon_09_2013Dans le rassemblement, il y a ceux d’ici et les autres. Ceux d’ici plaisantent et parlent haut avec l’accent. Ils se connaissent, se reconnaisssent et s’envoient quelques blagues qu’ils semblent partager comme en famille. Et puis il y a les curieux, principalement des touristes vieillissants en cette fin de septembre. Les jeunes, les actifs ont depuis longtemps repris le chemin des bureaux ou des entreprises. Alors devant cette foule curieuse et attendrie, les “gars du métier” font le “job” avec des gestes précis. Le jus coule, trouble, épais. Un murmure de satisfaction court de bouche en bouche. Tout le monde veut voir cet élixir, goûter ce breuvage frais sorti comme par miracle des grappes noires. Les gobelets se tendent dans le désordre. 06_villes sur auzon_09_2013Certains y reviennent plusieurs fois. Il y en aura pour tout le monde, pas d’inquiétude. Soudain, un concert tonitruant s’engage dans la ruelle. La”Pena Los Caballeros” sur une résonance de trompette déchire la douceur du matin. La troupe colorée, a capté toutes les oreilles et tous les regards. La foule s’écarte au son d’une samba et des airs populaires. Certains se mettent à danser. Les enfants courent devant la formation, précèdent les musiciens qui s’avancent en ordre de marche. Le trombonne ponctue d’un “pon-pon-pon-pon-pon” le pas cadencé des interprètes. 07_villes sur auzon_09_2013La musique résonne dans les ruelles. La troupe de théatre amateur tente de se faire entendre au milieu de tout ce brouhaha. Les spectateurs tendent l’oreille. Entre les saynettes jouées en “patois” et le concert tout proche, c’est l’incompréhension qui domine. La journée ne fait que commencer, les parkings un peu en retrait du village commencent à se remplir. Bientôt, il sera l’heure de l’apéritif. Beaucoup se dirigeront vers un petit restaurant, cherchant une terrasse ombragée pour y déguster quelques plats locaux accompagnés d’un rouge du Ventoux ou d’un rosé aux couleurs chatoyantes, muri sur les pentes caillouteuses du Géant de Provence. Le soleil aidant, l’après-midi sera chaud et la fête sûrement mémorable.08_villes sur auzon_09_2013

Diaporama

 

 

 

Retour vers le passé.

Voilà, c’est décidé aujourd’hui nous partons sur les traces de mon enfance. Retour vers le passé. Direction la Normandie, le Calvados et plus précisément à Ussy, le petit village où je suis né. C’était il y a 64 ans, un peu après la dernière guerre.

Direction la Normandie

Direction la Normandie

Mes parents à cette époque ne possédaient pas de voiture, faute de quoi et malgré le fait que l’hôpital de Falaise ne soit qu’à 12 km, je suis venu au monde à la maison. Ussy est un petit “bourg” qui compte à peine moins de 900 habitants. Il me restait de bons souvenirs visuels du lieu de ma naissance. Évidemment, je ne m’attendais pas à retrouver intact un endroit qui déjà dans ma petite enfance me semblait insalubre. La maison m’avait laissé une impression d’obscurité, d’un manque de lumière, et d’étroitesse.

Ussy, un carrefour dangereux

Ussy, un carrefour dangereux

La maison de ma naissance et la cour où je jouais

La maison de ma naissance et la cour où je jouais

La cour en bordure de route où je jouais et qui faisait si peur à ma mère, était toujours là, l’ensemble des maisons aussi. Ma surprise venait surtout de l’enseigne qui chapeautait “ma maison”. Infini’Tif, salon de beauté-coiffure mixte, le tout dans un joli rose “fillette”, ambiance couleur “Barbie”. À force de fouiner dans cette cour, la fenêtre du salon à “tifs” s’ouvrit.
— Vous cherchez quelqu’un ? Une charmante jeune femme, sans doute la coiffeuse en chef, toute souriante nous interpelait.
— Euh ! Non, je suis né ici ! Juste là, ou vous vous trouvez !
Grand sourire de la coiffeuse un peu confuse. Je pensais recueillir quelques renseignements concernant l’habitation, un peu d’historique en quelque sorte. Mais devant l’âge de la jeune femme, j’ai vite compris que pour l’histoire il me faudrait repasser. La fenêtre toute neuve en PVC imitation bois, s’est refermée. Ma femme et moi, nous sommes restés seuls à arpenter la cour. Ce qui me paraissait gigantesque, là ou je courais autrefois, se traversait désormais en deux enjambées. Entre les maisons, une allée humide, conduisait au fond vers un espace d’herbe, un ancien jardin abandonné. Un moineau mort gisait au sol. Sur la porte de la vieille grange, où se trouvait jadis un puits, une pancarte mettait en garde : “Défense d’entrer, danger de mort”. potigny_04_05_07_13

À l'entrée de Potigny, d'anciens wagonnets utilisés à la mine de fer

À l’entrée de Potigny, d’anciens wagonnets utilisés pour l’extraction du minerai de fer

Ce bâtiment appartenait à un vieux monsieur auquel je rendais visite de temps en temps. Je me souviens de ce jour ou par une belle journée d’été, je tirais la porte derrière moi et là, au frais je dégustais quelques cerises ou prunes en sa compagnie. Ma mère me cherchait, m’appelait, craignant déjà l’irrémédiable, me voyant déjà disparu, mort ou je ne sais quoi. Dans le sombre de ma cachette avais-je entendu ses appels ou les avais-je occultés volontairement. Je ne saurais le dire ! Mais ce dont je me souviens c’est de la correction que mon père m’infligea ce soir-là.

Mon père avait décidé de quitter la location d’Ussy trop petite et de construire lui-même sa propre maison à Potigny, une petite ville minière à proximité. Le courage ne lui manquait pas, il avait une volonté farouche d’améliorer notre vie familiale. Il acheta un terrain, et entreprit de dessiner les plans de la maison de ses rêves. Enfin, une maison bien simple, un cube sans fioriture, à la mesure de ce qu’un simple ouvrier était capable de réaliser seul. Lorsque les beaux jours arrivaient, mon père, après son travail de la journée, partait en vélo pour faire avancer son rêve. Je l’accompagnais souvent, jugé sur ses épaules. Je me cramponnais à ses cheveux tout au long des 4 ou 5 km que durait le voyage sur les chemins de campagne.

La petite ville va fêter l'amitié franco-polonaise

La petite ville va fêter l’amitié franco-polonaise

Je voulais revoir encore une fois cette petite maison dans laquelle j’avais vécu mon enfance en compagnie de mes sœurs et de mon frère. Il me fallait connaître le propriétaire qui occupait désormais la maison que mon père avait construit. Nous étions bien ce 5 juillet 2013 à Potigny, sous un soleil de plomb. La ville avait un peu changé depuis mon dernier passage qui datait de plusieurs années. Des drapeaux ondulaient nonchalamment dans l’attente d’une imminente fête franco-polonaise. potigny_07_05_07_13Un magasin Super U en bordure de la route principale avait remplacé les jardinets qui existaitent là autrefois. La rue de la cité des “Polonais”, rue de la Libération, parallèle à celle où nous avions notre petite maison, était désormais goudronnée. Des voitures s’alignaient tristement devant les portes d’entrée de chaque logement. J’avais connu cette artère animée de nos cris d’enfants lorsque nous y jouions. En remontant cette rue, sur le pas d’une porte une femme et un homme en polo bleu, portant lunettes, étaient en pleine conversation. Nous nous sommes salués poliment.
— Connaissez-vous le propriétaire de la petite maison d’en face ?
La conversation s’engagea. Il ne fallut pas longtemps pour nous découvrir bien des souvenirs communs. Nous évoquâmes nos excursions dans la campagne environnante, les bandes que nous formions au gré des amitiés, les batailles au lance-pierres. Gamins, nous avions une fâcheuse tendance à poursuivre inlassablement les “amoureux” jusqu’au plus profond des sous-bois. Nous étions de véritables teignes.

La cité et la rue ou je passais le plus clair de mon temps en compagnie de mes copains Polonais

La cité et la rue ou je passais le plus clair de mon temps en compagnie de mes copains Polonais

Henriette T. et Gérard J. les premiers souvenirs partagés

Henriette T. et Gérard J. les premiers souvenirs partagés

Avec Henriette T. et Gérard J,. nous avons rappelé la mémoire de quelques-uns de nos amis communs. Certains s’en étaient allés, vaincus par la maladie. Daniel, mon copain polonais, une tête de plus que moi, une force de la nature. C’est lui qui avait glissé la première cigarette dans ma main. C’est sans doute aussi cette cigarette qui l’aura accompagné toute sa vie et qui lui aura rongé la santé. potigny_12_05_07_13Il me fallait poursuivre ma visite et abandonner là mes amis d’antan. En trois pas je fus devant le portail du pavillon. Ma petite maison, ne s’enorgueillissait pas d’une adresse prestigieuse. Elle n’avait nul droit à une avenue, pas même à une rue, ni même à une allée. Non, simplement celle d’une sente. La sente Angot. Quel joli nom ne trouvez-vous pas ?

Juste quelques tuiles rouge. La maisonnette est toujours là.

Juste quelques tuiles rouge au-dessus d’une immense haie. La maisonnette est toujours là.

C’est un nom qui chante, même mieux un nom qui danse…la San Tango ! Mais pourquoi avoir là aussi, goudronné ce chemin autefois bordée de jardins et de cerisiers ! De la haute haie émergeait à peine un toit de tuiles rouges. Je sonnai. Un petit monsieur à l’air “bonhomme” vint m’ouvrir.
— Bonjour Monsieur, c’est mon père qui a construit cette maison et… Bla, bla et bla… De la surprise, de la méfiance bien naturelle chez Monsieur Claude P. Et puis, de fil en aiguille, je suis là dans le jardin à admirer ses plantations. Un jardin remarquablement bien entretenu. Les cerisiers dans lesquels je grimpais pour me “goinfrer” de bigarreaux, avaient disparu. Une question en amenant une autre, Monsieur Pichon nous invita à visiter sa maison.

L'accueil étonné mais chaleureux du propriétaire.

L’accueil étonné mais chaleureux du propriétaire.

Il tint à me montrer de quelle magnifique façon il l’avait aménagée selon ses besoins. Il me vante les qualités de construction du pavillon, sans le savoir il fait l’éloge de mon père. Claude P. parle de solidité, de charpente toujours d’origine, et c’est mon père que je revois, avec sa force, son courage, sa tendresse. Je caresse les murs doucement. C’est lui que je caresse. Il est là ! potigny_15_05_07_13potigny_16_05_07_13Je le sens dans ces pierres, dans ces murs de béton construits avec toute la droiture qui le distinguait. Je revois la chambre de mes sœurs, celle de mes parents. La chambre que je partageais avec mon frère est devenue un salon/salle à manger. Autrefois, il n’y avait qu’une petite cuisine dans laquelle nous mangions tous les six, réunis autour d’une cuisinière à charbon pour tout chauffage. Le propriétaire est sympathique et volubile. Il me montre tout, ouvre devant nous les tiroirs de ses meubles pour retrouver les actes de vente de la maison. Dans les papiers jaunis, je découvre les paraphes et la signature malhabile de mon père. L’émotion est là. Les images de sa présence reviennent avec force. Les images de l’enfance aussi, celle d’un bonheur aujourd’hui consommé. La disparition d’un être cher, creuse un sillon de tristesse que l’affairement nous fait oublier mais qui ne se referme jamais.

Le temps passe. La conversation avec Claude P. flotte de plus en plus. Le moment magique est passé. Je sens que nous nous sommes dit tout ce que nous pouvions nous dire. Je ne veux pas abuser de la gentillesse de mon hôte. Prolonger ma visite plus longtemps ne servirait à rien. Je tente difficilement de prendre congé. Sur le perron Claude P. me serre la main et me dit chaleureusement :
— La prochaine fois, n’hésitez pas, venez à “l’heure intelligente”comme on dit chez nous !
— L’heure intelligente ?
— Oui, vous comprenez bien, c’est l’heure de l’apéritif ! me précise t-il un sourire amusé aux lèvres.potigny_17_05_07_13
On ne fait pas une promesse en l’air aux Normands et aux Polonais, la prochaine fois je viendrai à “l’heure intelligente” et on rafraîchira encore je l’espère, quelques bons souvenirs de notre enfance.

L’atelier Philippe Rault

C’est après avoir arpenté les quelques pavés de son entrée, et passé la salle d’accueil, que se découvre l’Atelier Philippe Rault. Plus qu’un atelier, c’est une véritable antre qui semble cacher des trésors dans les zones les plus mystérieuses.philippe_rault_01

Le plafond est bas, noirci par le temps mais aussi par le feu qui jaillit de temps à autre de la forge. Le regard ne sait pas où se poser dans cet enchevêtrement de métal jaune, de bois et d’outils de toute formes, aux fonctions insoupçonnées. Ici, c’est le royaume du facteur d’instruments à vents, cuivres et percussions. Philippe Rault réalise la gamme complète des cuivres simples et naturels.

De la plaque de laiton ou de cuivre (matière première de l’artisan), il dessine et patronne : bugles, clairons, cors, trompes de chasse, trompettes… Il trace et effectue sa prémière découpe avec la cisaille. C’est de cette forme si simple, si brute, que naîtront dans les mains expertes de l’homme de l’art, qui un clairon sib, qui une trompette flamboyante.

L’homme entretient, répare et restaure aussi sans discernement tous les cuivres naturels, à pistons et à coulisses ainsi que les instruments à clés. Philippe Rault déploie aussi son talent sur la réalisation d’instruments de batterie et de percussions. Il est le seul à réaliser les peaux en plastique métrique. Il partage son savoir faire et les techniques traditionnelles de fabrication et de restauration avec son élève Naoya Miyaké (tromboniste), arrivé du Japon en 2000.

Philippe Rault, Maître d’Art a pris officiellement sa retraite le 30 décembre 2011. Naoya Miyaké en s’affirmant comme son digne successeur, lui a succédé en reprenant l’atelier le 1er janvier 2012.

Pour en savoir plus sur les Maîtres d’Art :
www.maitresdart.com

Algérie. Une mauvaise guerre

Raymond et Yvon Lebrun à Carteret (Manche)

Raymond Hamel et Yvon Le Brun à Carteret (Manche). Le 8 mai 2013

Je les ai rencontrés tous deux s’en allant tranquillement, leurs drapeaux sous le bras avec sans doute le sentiment d’un devoir de mémoire bien accompli.

Il y avait peu de monde pour cette commémoration du 8 mai 1944 à Carteret (Manche). C’est une évidence, presque plus personne ne se soucie de commémorer des événements qui s’éloignent de nos mémoires. Et puis, les anciens combattants, ceux de 14/18, ne vivent plus que dans les récits. Ceux de la dernière guerre sont de moins en moins nombreux et bientôt auront rejoint leurs camarades de combat. On parle toujours de 39/45 comme l’évidence de la dernière guerre. Mais n’aurait t’on pas la mémoire sélective ou mal formée pour oublier que la guerre d’Algérie fut une véritable guerre et que des milliers de soldats français sont morts sur une terre qu’ils n’avaient pas choisie.

Raymond Hamel et Yvon Le Brun, en ce jour du 8 mai 2013 représentent ces anciens combattants de la guerre d’Algérie. Qui étaient-ils ces discrets “soldats” d’une guerre qui eut du mal à dire son nom. Entre 1954 et 1962, près de 2 millions de jeunes soldats français se sont succédés en Algérie. De tous temps les politiques ont su mentir au peuple pour mener à bien leurs desseins. L’intervention en Algérie fut appelée “simple opération de maintien de l’ordre”. Il était question de réduire quelques rebelles menaçant la république française en Algérie. Et la population trompée crut longtemps cette fable. En quelque sorte, le contingent d’appelés et leurs familles imaginèrent vivre une “expérience touristique”. N’est-il pas habituel de dire que les voyages forment la jeunesse !

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Yvon Le Brun, jeune appelé en Algérie.

Cette jeunesse là, elle est revenue…ou pas ! Ces adolescents qui avaient 20 ans se sont révélés en hommes, mais en hommes morcelés, meurtris avec le sentiment d’avoir fait une guerre sans vraiment la comprendre. De retour en France, à la descente des trains, des bateaux, ils sont totalement dépaysés. L’accueil sur la terre patrie est bien indifférent, voire hostile. Ce n’est pas la fête tant attendue qui célèbre le retour des héros valeureux, ou des combattants d’une juste cause. Les appelés trouvent peu de soutien, peu d’écoute, comme si cette guerre de l’autre côté de la Méditerranée avait anesthésié peu à peu la population française. L’époque a changé, la France est entrée dans une nouvelle modernité. L’heure est à l’exubérance, à l’outrance. C’est l’heure des “yé-yé”, Claude François est une idole, outre manche les Beatles enregistrent leur premier disque. Personne ne veut plus rien avoir à faire avec cette “guerre” qui a divisé les Français. Alors, les appelés d’Algérie ont enfoui leur peur, leur sueur, leur fatigue, leur détresse au plus profond d’eux-mêmes. Leur parole s’est faite discrète, secrète même pour ne s’ouvrir qu’en de rares occasions.

L'album photo revoit le jour après des années de mise à l'écart.

L’album photo revoit le jour après des années de mise à l’écart.

C’est la femme d’Yvon Le Brun, Sabina, qui est allé cherché l’album photos là-haut, enfoui dans l’armoire de la chambre. Cet album à la couverture de cuir, c’est celui qui raconte en quelques pages toute la vie gâchée d’un adolescent parti à 19 ans contre son gré en Algérie. Il saisit l’album que lui tend Sabina.
— Ça fait longtemps que je ne l’ai pas vu celui-là ! Les 3/4 de mes photos, c’est ma sœur aînée qui les a. Quand j’écrivais, j’envoyais des photos. C’est elle qui les récupérait. J’avais envoyé des photos qui étaient assez “dures”. Elle n’a jamais voulu me les rendre. Elle ne veut même pas que je les regarde. Elle me dit “ça va te faire des misères !”.

L'ennui en poste au régiment. Yvon Le brun préfère assurer ses fonctions de radiotélégraphiste sue le terrain.

L’ennui en poste au régiment. Yvon Le brun préfère assurer ses fonctions de radiotélégraphiste sur le terrain.

Le regard s’attarde sur les premières photos dévoilées. En silence. Yvon prend son temps. Il plonge lentement dans un quotidien figé là en noir et blanc ou en sépia. Des toiles de tentes à perte de vue, des hommes en djellaba, du désert, des pierres, de la misère surtout. Le premier choc.
— Oh là là ! Je n’ai pas regardé ces photos au moins depuis 40 ans. Ça me fait tout drôle.

Dans l’album, sur les pages de gauche il ne reste plus que quelques traces de colle. Les photos ont disparu. Yvon ne sait plus ou elles sont.
— Ça, c’est Trézel. Il y avait un rassemblement. Un colonel  nous a annoncé “On vous maintient 3 mois de plus. Qu’est-ce que c’est que 3 mois dans la vie d’un homme !” Là, à l’annonce, il y a des mecs qui sont tombés dans les pommes. Faire 3 mois de plus, c’était augmenter le risque d’y passer. Moi, j’étais radio télégraphiste (morse). Quand il y avait un officier avec un radio à côté, c’est le radio qui dégustait. L’ennemi savait qu’un officier ou une compagnie ne pouvait plus rien faire sans le radio.

Sur le terrain avec les "potes.

Sur le terrain avec les “potes.

En tournant les pages, le papier cristal de protection se froisse, brise le silence. Les noms des copains peu à peu reviennent au regard des photos. Les souvenirs se font aussi plus précis. Il pose un doigt assuré sur certains visages. Hésite sur d’autres. Il me montre.
— Là, c’étaient des “potes”. Lui il a été blessé. Lui, c’était le marrant de la bande. Vous voyez, ce n’est pas du baratin ce que je vous raconte !

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Le colonel Bigeard comprend très vite l’intérêt de l’utilisation des hélicoptères (Vertol H-21C ou “bananes volantes”)

Yvon confirme de temps à autre l’authenticité de son récit, comme si ce dernier pouvait être mis en cause ou contrarié. Il y a un besoin de rendre palpable “l’indicible”.
— Au régiment, je me faisais “chier”. Pour moi, ce n’était pas ça. Il me fallait être sur le terrain malgré le danger. Lors d’une opération héliportée, un gars s’est fichu de moi parce que je me suis allongé à la porte de l’hélico. Pauvre gars. La différence c’est que moi je suis vivant et que lui est mort. Il a pris une balle. Plus vous êtes à plat, moins vous êtes une cible, surtout à une porte d’hélicoptère comme ça. L’hélico restait toujours à 2, 3 mètres du sol. Il fallait sauter. J’ai fait passer la “gégène” devant moi et j’ai plongé la tête la première. Ça m’a sauvé.

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Automitrailleuse légère Panhard.

L’homme parfois se redresse de la table en croisant les bras comme dans un geste de défense. Il semble retenir ses sentiments ou peut-être se protéger de lui-même. Peur de trop en dire, crainte de se laisser submerger par ses sentiments, par ses souvenirs. De temps en temps une larme se forme au coin de ses yeux. La souffrance intérieure est sans doute trop forte. Je ne veux pas trop insister. Je laisse à Yvon l’initiative du rythme de son récit.
— On allait vers une ville…je ne me souviens plus du nom de la ville. Nous étions dans le 4×4. Là, on était 3 radios, plus un homme de garde et le chauffeur, un normand que j’aimerai bien retrouver. Et, on se fait klaxonner par une jeep derrière nous qui avait visiblement une urgence. C’était un gradé. Notre chauffeur râle un peu, puis s’écarte pour le laisser passer. La jeep nous double à toute vitesse. 150 mètres plus loin…une boule de feu. Il a sauté sur une mine. Logiquement, c’était pour nous car on était en tête. Ça, ça fait réfléchir. La chance, le hasard, la destinée…Pourquoi lui au lieu de nous ? On en a parlé longtemps entre nous et dans la compagnie.

Sur les photos, je ne parviens pas à reconnaître Yvon. Je vois des jeunes hommes, unis, souriants, un bras posé sur l’épaule du copain, de l’ami en signe de fraternité. Il y a les visages de ceux qui sont morts, qui resteront à jamais imprimés autant dans la mémoire que sur le papier photo. Il me parle de la torture qu’il n’acceptait pas. Mais pour lui, c’était des actes pratiqués par des “équipes spéciales”. Il était rare que des appelés soient mêlés à ces exactions.
— Une fois, j’ai assisté à une scène de torture. J’ai fait halte là à tout ça. Je me suis présenté au garde à vous au capitaine et je lui ai dit que ça ne devait pas exister ça ! Mais enfin, dans le fond…après, ils faisaient ça ailleurs. Il ne fallait pas se plaindre, au 1er régiment on était “propre”. Il y avait une sorte de respect. C’est quand même un régiment qui a un sacré historique. Fondé en 1479 par Louis XI. “Praeteriti fides exemplum que futuri” (Fidélité au passé et exemple pour l’avenir). On devait aussi honorer notre devise.

Au moment du départ en opération, Yvon Le Brun agenouillé à droite sur la photo.

Au moment du départ en opération, Yvon Le Brun agenouillé à droite sur la photo.

Les moments de silence se font de plus en plus présents. Yvon me parle encore un peu de son retour en France, des regrets, du mal qu’il aura à vivre après avoir refermé l’album photos. Je comprends qu’il est temps de clore bientôt l’enregistrement.
— Le retour, s’est fait dans l’indifférence. Il fallait ménager les susceptibilités du peuple. Ma mère, elle, croyait que j’étais en vacances là-bas. La radio racontait ce qu’elle voulait. Que des mensonges. Les parents croyaient qu’on était en mission de maintien de l’ordre. Maintien de l’ordre, qu’est ce que ça veut dire. Pour éviter les manifestations. Mais, ce n’était pas du tout ça. C’est pour ça qu’on n’aime pas en parler. Là, j’ai l’estomac noué. Je suis quelqu’un d’assez calme. Mais ça, ça me travaille. Et si j’en parle, pendant 8 jours je ne vais pas dormir. Il y a trop de souvenirs qui reviennent et là, c’est pas bon. J’ai réussi à chasser ça. À ne pas en parler. Même à mes enfants quand ils voulaient savoir quelque chose…j’expliquais pourquoi je ne pouvais pas. Comme ça, ils comprenaient et n’insistaient pas trop. La guerre est un traumatisme que l’on ne peut pas comprendre quand on ne l’a pas vécue. Surtout ce genre de guerre, c’est dégueulasse, c’est pas beau.

La guerre d’Algérie aura tué plus de 30 000 soldats français – des milliers d’autres atteints de graves séquelles – 400 000 Algériens tués – 1 million 500 000 paysans déplacés.algerie_yvon lebrun_07

Yvon Le Brun, a été incorporé en 1956 (contingent 56/2C) à l’âge de 19 ans en Algérie pour une durée de 33 mois au 1er Régiment d’Infanterie . En 33 mois de guerre, il n’a obtenu que 12 jours de permission pour voir sa famille. Il était radiotélégraphiste (transmission radio des messages en morse). Aujourd’hui agé de 76 ans, c’est un membre de longue date de l’UNC (Union des Anciens Combattants). Chaque année, les anciens d’Algérie voient leur rangs diminuer. C’est une partie de notre mémoire collective qui disparaît.

Je remercie Yvon Le Brun pour avoir accepté de me livrer un peu de sa vie passée, malgré les souffrances que ma présence a dû raviver. Merci aussi à Sabina pour son accueil. Et un salut particulier à son très cher ami Raymond Hamel avec lequel il peut partager sans un mot sa jeunesse volée.

 

Visite ornithologique au Teich

Le petit port subit l'influence très marquée des marées du Bassin d'Arcachon

Le petit port du Teich subit l’influence très marquée des marées du Bassin d’Arcachon

Le Teich (prononcez Tèche) est une commune de la Gironde, située sur le delta de la Leyre, au sud du Bassin d’Arcachon. Commune tranquille s’il en est, qui possède son petit port ou s’alignent immobiles de belles coques blanches.

C’est à 100 m de ce port que je vous invite à découvrir la Réserve Ornithologique du Teich. C’est une balade à faire seul ou en famille. Seul pour y observer les oiseaux du Bassin d’Arcachon et faire des photos. En famille pour y prendre un bon bol d’air et éveiller la curiosité des enfants au monde des oiseaux. Le tour complet de la réserve (ponctué de 20 beaux observatoires en bois) fait 6 km.

Le plan du parcours complet

Le plan du parcours complet

D’autres parcours mieux adaptés aux petites jambes des enfants impatients sont prévus. Louez des jumelles à l’accueil pour découvrir les espèces discrètes ou parfois éloignées. Ne comptez pas cependant voir des oiseaux à tout coup. Des panneaux indiquent la variété des espèces présentes à l’année sur le site. Mais n’imaginez tout de même pas que l’oiseau décrit se trouve derrière le panneau informatif. Une réserve reste un endroit où les oiseaux en totale liberté vont et viennent en permanence, selon l’heure de la journée, la marée, la saison etc…teich_03

N’hésitez pas à aller d’un observatoire à un autre puis de revenir sur vos pas un moment après. Un martin pêcheur ou une spatule peut d’un coup d’aile venir tout près de vous et l’instant suivant se poser bien loin de l’observatoire.

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Une succession de lagunes et de marais

Une succession de lagunes et de marais

Et oui ! Mine de rien on finit par faire pas mal de kimomètres. Pour les papas et mamans, ou enfants munis d’un petit appareil photo, il est possible de photographier quelques canards, foulques ou les cigognes lorsque celles-ci sont présentes. Selon la saison, vous pourrez  découvrir, papillons, libellules, tortues cistudes etc…

Un vanneau huppé en promenade

Un vanneau huppé en promenade

Pour les photographes avertis, un 300 mm minimum est recommandé, voire un 500 mm ou au delà. Avec une focale plus courte, de belles ambiancs sont ausi possibles. J’ai eu l’occasion de parcourir quelques autres parcs et réserves ornithologiques. La réserve ornithologique du Teich demeure pour moi la plus intéressante et la  mieux conçue, un beau parcours, un personnel sympathique et une variété d’oiseaux qui ne se dément pas.

Pour en savoir plus, vous pouvez toujours suivre le lien ci-dessous :
Réserve Ornithologique du Teich.