Chronologie

Je me suis souvent servi des tutoriels qu’ils soient photo ou vidéo pour apprendre à peindre. Il est vrai que bien souvent je me suis demandé comment certains tableaux étaient faits, par quelles étapes, ils avaient pu passer pour aboutir à une forme définitive. L’inconvénient de tous les exemples que j’ai pu voir émanaient d’artistes très confirmés, des maîtres dans leur univers. La promesse de réussite et de qualité étant supposée dès le premier coup de pinceau ou de crayon, n’était pas à mettre en doute. Face à cette compétence superlative, on se sent aisément un peu ridicule, avec nos hésitations, nos faiblesses, qu’elles soient artistiques comme techniques. Pourtant, la peinture est faite de questionnements, d’hésitations, de tâtonnements et d’erreurs. C’est je pense toujours intéressant de voir l’évolution ou plutôt la construction d’une peinture à travers quelques arrêts sur l’action en cours.

1/ L’autoportrait est à l’italienne avec un assez grand dégagement à droite. Je simule un couloir avec deux portes ouvertes. Le visage est juste esquissé, avec un contraste très fort que je tiens à conserver jusqu’au final. Un cadre au mur est indiqué rapidement derrière la tête et une zone foncée derrière l’épaule signale un autre cadre.

2/ Le visage est un peu plus poussé en terme de couleur et d’éclairage. Les principales masses sont posées pour préparer le travail de ressemblance. Afin de lier le visage au fond, je peins ce dernier d’une couleur légèrement violette, couleur déjà contenue dans le visage. Dans le couloir, la deuxième porte ne me semble pas indispensable. Je supprime une porte. Je précise l’image accrochée.

3/ Je mets en place la ressemblance du visage avec des larges touches franches de lumière et d’ombre. Je rajoute la porte supprimée à l’étape précédente. Je la représente entrouverte afin qu’elle prenne la lumière froide de la pièce voisine et contraste avec les couleurs chaudes du reste de la peinture. Je supprime l’image derrière le visage et la zone foncée derrière qui casse la courbe de l’épaule.

4/ Je ne touche pas au visage. La zone à droite avec les portes me paraît bien compliquée. L’accumulation des éléments raconte une histoire trop compliquée par rapport au portrait. Autant créer une ambiance plus simple avec une pincée de “psychologique”. Je crée une porte comme si elle se situait dans la même pièce que moi. Entrouverte elle évoque un échappatoire, ou une entrée vers un autre univers. Tout autre interprétation “symbolique” (et elles sont nombreuses) restant à la charge du spectateur. J’harmonise le fond avec les couleurs un peu violettes du portrait.

5/ Je densifie le fond en contrastant la couleur tout en accentuant l’ombre et la lumière. Je tente de créer ainsi un effet un peu dramatique, voire mystérieux. Je me mets ensuite en pause. J’encadre le format d’une marie-louise blanche pour bien isoler le sujet. Je m’extrait du processus. J’observe le résultat de loin. Finalement l’aspect symbolique donné par cette porte entrouverte dans la pénombre ne me plait pas. La distance entre le visage et le mur est trop importante. La profondeur met l’autoportrait en dehors d’une zone “d’intimité” avec le spectateur. La présence est perdue au détriment d’une histoire qui transforme le sujet en une “histoire bavarde et intellectuelle”. Ce que finalement je ne veux pas puisque je veux que seule la “peinture” compte” sans artifice. 

6/ Je coupe définitivement le format pour accorder toute la présence qui manque au portrait dans l’étape précédente. C’est une décision sans retour. En peignant un encadrement frontal, assez présent et plus clair sur le mur, je réduis la distance entre le portrait et le fond. J’élimine les tonalités trop sombres de bruns et de gris foncés. Dans le format, l’autoportrait prend la place qui est la sienne. Les éléments de fond, ne sont plus des signes qui se surajoutent au portrait, mais des éléments qui participent à sa mise en valeur.

7/ Je retravaille le portrait en apportant plus de tons chauds dans la zone de lumière et dans celle de l’ombre. Je repeins les cheveux. J’essaie de retrouver une harmonie de couleur entre le visage et le fond. Pour structurer et faire vivre le fond, je tente l’apport d’une zone de lumière qui traverse la peinture d’un bord à l’autre en formant une sorte de “z”.
Je m’en suis arrêté là en considérant ce sujet comme suffisamment travaillé.

Pour celles et ceux que le processus créatif intéresse, je vous conseille de regarder la vidéo ci-dessous : 
Le chaos dans la peinture
Anne Vincent, maître conférence en esthétique, sciences et technologies des arts.

Pose portrait

Quand je prends le pinceau pour faire le portrait de ma femme à partir de sa photo, je me demande plusieurs fois si je n’ai pas un peu surestimé mes compétences.
La toile est relativement grande pour un portrait (50 x 65 cm) et un format de cette taille mérite une grande attention concernant la composition. L’autre précaution à prendre est de bien préparer son dessin. Une proportion mal fichue et on se traîne jusqu’à la fin une difficulté qui sera très difficile de régler. Sur la base d’un quadrillage, je mets en place la figure directement au pinceau  avec une couleur sienne naturelle. Je marque les zones principales en aplats rapides. J’esquisse le visage avec quelques couleurs afin de lui donner du volume. Impérativement, mettre de la couleur partout. Remplir le tableau de matière pour avoir une vision d’ensemble et ne pas imaginer la peinture comme un puzzle à assembler.

Je laisse sécher un jour ou deux. Pendant ce temps de repos, le pull noir aux lignes colorées me hante quant à sa réalisation. Faut t’il que je réalise les lumières et les ombres du vêtement sur toute la surface ou est t’il préférable que je réserve en blanc toute la partie colorée. Je tente un “mixte”. Toute la partie foncée est travaillée en valeur de noir et de gris en créant le volume, la restitution des plis etc…Je traite en gris uniquement toute la partie sous la zone des lignes de couleur. Dans un premier temps, le pull sera noir avec une manche et les épaules grises. Je rajoute par la suite les lignes colorées en intercalant les zones noires.

J’avance sur le visage par étapes successives. Pose de couleur et séchage. En alternance, j’en profite pour travailler le fond. À l’origine c’est une surface plane, sans aucun décor, à part un cadre vaguement esquissé. Des zones sombres devant le sujet représentent des fauteuils mais trop recadrés, ils deviennent totalement  incompréhensibles. Devant le visage, la surface est bien vide et pauvre. Je peins un couloir, une porte entrouverte…ça ne colle pas car la composition est coupée en plusieurs parties. J’efface ! Je reviens à l’origine avec un grand cadre…pas extra non plus. J’efface à nouveau ! Je cherche et finalement j’opte pour une plante que j’agrandirai et réduirai plusieurs fois jusqu’à satisfaction.

Le fond change plusieurs fois de couleur par rapport à la couleur du visage…Les cheveux sont traités assez rapidement et sans problème particulier. L’expression du visage me donne quelques difficultés. Sur la couleur, sur le dessin, je reviendrai de nombreuses fois retoucher le léger sourire et l’œil malicieux.

Après plusieurs jours de travail le portrait me semble être au meilleur stade auquel je peux prétendre à ce moment là. Il est temps de poser les pinceaux. 

Si j’en fais aujourd’hui la critique positive, je citerai sa composition en diagonale qui fonctionne bien, commençant par la main gauche et se prolonge avec le bras et le visage. L’expression est relativement bien rendue et les couleurs sont somme toutes assez agréables. 
Je suis plus réservé sur la facture que je trouve trop figée, pas assez en touches libérées. Bien que cette zone soit laissée volontairement non finalisée, il existe dans le dos du personnage et le fauteuil, une liaison couleur qui est mal gérée. Autant d’éléments qui démontrent qu’une peinture n’est jamais finie et que refaire un tour sur le sujet plusieurs jours voire plusieurs mois après, est toujours bénéfique car on y pose un regard neuf. Rien n’est jamais parfaitement absolu et tout est infiniment perfectible…

Portraits

crayon de couleur et craie sur papier gris.

WordPress, qui est l’éditeur de ce blog est en train d’évoluer vers une version totalement différente quant à la manière de créer des articles. Comme tout changement majeur, il est recommandé à tous les blogueurs d’en faire l’essai avant de basculer vers la version définitive. On peut à juste titre s’inquiéter de la totale compatibilité avec tous les articles déjà existants. Je ne compte pas aujourd’hui utiliser la nouvelle version de WordPress. Mais, dans un avenir proche, je serai obligé de mettre mon éditeur à jour puisque la version de WordPress que j’utilise sera supprimée. Le risque sera donc de voir ce blog un peu “perturbé”.

Ceci étant précisé…beaucoup de retard ! Retard dans les publications. Les dessins, croquis et peintures s’accumulent et je finis par ne plus savoir comment les organiser, ni sur quelle base les sélectionner. Portraits ensemble, noir et blanc ou couleur, croquis de modèle vivant à part, mais j’y réalise aussi des portraits alors…comment rendre tout ça cohérent pour le visiteur. Je stocke, je range, j’empile, j’élimine, j’agite le filtre et il reste encore trop de choses. Devant cette difficulté de faire le tri, le temps passé à écrire, de récupérer les photos, de les traiter pour le blog, sont autant de moments qui consument mon énergie.
Alors pour aujourd’hui, vous aurez droit à quelques portrait peints ou dessinés selon diverses techniques. Quelques autoportraits aussi, qui sont un peu comme à chaque fois des incontournables. Quoi de plus pratique entre la poire et le fromage, de se tirer le “profil”, histoire de boucher un petit creux…comme ça vite fait un “p’tit” crobard avec ce que l’on a sous la main. J’entends revenir la sempiternelle remarque “mais tu fais la gueule”, “souris un peu”. Je défie chacun de se dessiner en rigolant sans se prendre en photo. La concentration réclame un peu de sérieux…et même beaucoup. Je crois que Rembrandt a fait un autoportrait avec l’amorce d’un sourire. Mais, je ne suis pas Rembrandt. Voilà, c’est dit !

In memoriam

Aborder la Shoah (extermination des juifs) que ce soit par l’écriture, l’image ou tout autre mode d’expression est un sujet aussi difficile que délicat à mettre en œuvre. La monstruosité, l’horreur sont telles que tout entreprise, paraît bien dérisoire, voire vouée à l’échec à en produire les moindres mots, les moindres images.
C’est justement d’une tentative d’images qu’il est question ici, d’interprétation à partir de documents photographiques existants. J’ai essayé de poser une fenêtre sur cet événement tragique comme pour mieux en appréhender toute l’inhumanité. À travers ce cadre se sont imposées des figures, silencieuses, graves, mêlées comme dans un cauchemar où chaque porte entrouverte laisse échapper un flot d’ombres et de lumières.

Aussi loin que je me retourne sur mon passé, bien des récits et bien des images concernant l’Holocauste hantent mes souvenirs. Rien, dans ma famille ou parmi mes proches amis ne peut expliquer la présence de ces spectres qui m’habitent depuis un demi siècle à part la défaillance de ma sensibilité ou de l’hypertrophie de mon émotion dont l’horreur serait la génitrice maléfique. Il me fallait produire ces images, mes images. Il me fallait un jour avec tout le respect que je dois aux victimes et une toute aussi grande répugnance pour leurs bourreaux, tenter – non pas de me débarrasser de fantômes – mais au contraire, de les rendre visibles en les faisant passer de la représentation photographique à la représentation picturale. Comme si la matière, apportée par le pinceau, le geste qui pose chaque touche intensément, pouvait permettre une ultime survie. Comme si perpétuer encore une fois le souvenir allait contribuer à une certaine “incarnation”. Mais, faire ressurgir les archives, c’était aussi rappeler son cortège de perversité. Si on peut penser que l’histoire ne se répète pas, je peux imaginer qu’il existe parmi nous tout autant de prochaines victimes que de bourreaux et les “identifier” aujourd’hui est impossible car on ne sait jamais comment se révèle l’homme dans certaines circonstances.

Il me fallait représenter les monstres qui de leur haine aveugle ont participé, persécuté, mis à mort des hommes, des femmes, des enfants en les réduisant en cendres après avoir anéanti leur dignité. Cela pouvait paraître incongru, voire inutile. Cependant ne pas montrer le tortionnaire c’était aussi l’exonérer de toute responsabilité. Et les visages de ces tortionnaires – en les observant et en les détaillant pour les peindre – se sont révélés encore plus monstrueux par leur apparente “normalité”.

Je ne prétends nullement faire une exposition historique ou documentaire à travers ces peintures et encore moins en retirer une quelconque reconnaissance morale ou artistique. Les portraits se veulent être surtout un rappel à la mémoire à l’heure où l’antisémitisme, le racisme de tout poil, l’extrémisme religieux, et toute forme de bêtise qui exclut l’autre renaît ici et là, aussi bien en Europe que dans le monde. J’aurai pu aussi, comme chacun peut le penser, m’abstenir de peindre à partir des documents sur l’Holocauste mis à ma disposition. Mais là est un autre débat concernant la relation que peut entretenir tout “être humain” avec ses propres ténèbres.

Des camps de concentration et d’extermination, il ne reste souvent en mémoire que des images de charniers, des corps démembrés, des visages émaciés sur des châlits, des êtres fantomatiques qui semblent errer parmi leurs libérateurs. Il existe une grande confusion dans les images, souvent éditées dans la précipitation de l’époque. Des photographies publiées sans grande précaution d’exactitude concernant les identités des victimes, mal légendées sur les dates, les lieux etc…Mes peintures ne sont pas la copie exacte des documents photographiques. Mais, malgré leur interprétation (souvent éloignée de la représentation photographique), j’ai essayé de les légender dans la mesure du possible sans prétendre à l’exactitude. Les comparatifs de libellés que j’ai pu entreprendre pour certaines photos et publications témoignent de grandes contradictions.

Une exposition photographique, est très souvent construite selon un cheminement bien établi. Selon une chronologie, historique, artistique ou émotionnelle et des panneaux explicatifs, accompagnent les œuvres ou documents. Cet itinéraire permet au visiteur, de photo en photo, de salle en salle, d’appréhender correctement l’exposition selon le rythme souhaité par l’organisateur. Ce processus didactique n’existe pas forcément sur internet et les les images sont le plus souvent livrées brutes à l’internaute. En réponse à cette carence j’ai tenté une sorte de progression virtuelle qui était somme toute très conceptuelle et n’a peut-être pas été bien perçue.

Sur les portraits j’ai tenté dans un premier temps la technique de “distanciation” (floutage)”. Comme le définit le peintre “Gerhard Richter” dans le texte suivant, je me suis rendu compte bien vite que cet éloignement par rapport à la réalité, ne me permettait plus de rendre les visages expressifs.
J’ai donc commencé avec une facture habituelle cette série en noir et blanc comme le sont la plupart des documents réalisés à l’époque de la libération des camps. Il m’était nécessaire tout d’abord de poser le thème en quelques images symboliques et “redondantes” des camps d’extermination. Il n’a jamais été question de céder à un voyeurisme malsain en représentant des charniers ou d’exploiter l’atrocité en utilisant des photos choquantes ou obscènes. La couleur s’est initiée progressivement dans la galerie pour rendre chaque portrait plus éloquent, comme faisant partie de notre quotidien, de notre temps d’aujourd’hui. L’idée étant de faire oublier que nous étions dans un autre espace temps, et de ne plus considérer ces hommes et ces femmes comme des silhouettes du passé, mais comme des personnes bien réelles le temps d’une vision. Il me fallait implanter chacun des personnages ici et maintenant. Puis la couleur défraichit, pâlit, se flétrit pour certains portraits comme les teintes d’une image trop longtemps exposée au soleil. D’autres peintures se sont durcies à l’exemple d’une image reproduite encore et encore telle une photocopie qui sombre dans un uniforme bitume .

Cette série de peintures a immédiatement posé le problème de la reconnaissance. Que convenait t’il de commenter ? La peinture, le style, la maîtrise du peintre, le sujet, l’émotion que l’image suscitait. Comment apprécier des images qui reposent sur un thème relatif à la monstruosité. Je n’ai pas la réponse. Je pense que les visiteurs ont leur propre idée. En tout état de cause, j’ai le sentiment d’avoir fait ce que ma conscience m’indiquait de faire.

Les images, lorsqu’elles ne deviennent pas des “icônes” tendent vers l’indifférence, vers le commun, remplacées par d’autres plus récentes, plus en accord avec notre époque. Les photos de la Shoah, leur durabilité, leur conservation sont comparables au travail de notre mémoire…fragiles, soumises à l’effacement et parfois aussi à la manipulation. Un ami me disait que la visite du camp d’Auschwitz comptait plus de touristes asiatiques que d’européens alors que nous ne sommes qu’à deux heures d’avion du site. L’oubli est-il donc en marche ?

Je rapporterai ce texte d’Arno Gisinger (dans Mémoire de camps : Photographies des camps de concentration et d’extermination nazie – 1933-1999) à propos de Gerhard Richter, qui montre la difficulté que la peinture peut avoir à traduire l’extermination de manière frontale.
“Dans les productions contemporaines, il existe enfin une dernière catégorie d’artistes qui a choisi d’utiliser comme vecteur de la mémoire culturelle les images d’archives plutôt que les objets, les lieux ou les êtres humains. La tentative du peintre Gerhard Richter, de retranscrire sous la forme de tableaux peints des photographies d’archives, peut être considérée comme un point de référence pour cette catégorie de travaux. Richter effectua dans les années 1960 des recherches préparatoires pour une série sur les camps. Comme en témoigne Atlas, son recueil “d’esquisses photographiques”, il collecta alors des images d’archives dont il réalisa des reproductions volontairement floues. Aucun tableau utilisant, de près ou de loin, ces photographies ne vit cependant le jour. Richter expliqua d’ailleurs qu’il avait rapidement dû renoncer à sa technique habituelle de distanciation par le flou. Selon Fred Jahn c’est parce qu’il “ne voulait pas mettre en jeu de manière inconsidérée l’exigence morale de l’art”. La transformation de documents photographiques mimétiques en images peintes, procédé maintes fois utilisé par l’artiste, semblait vouée à l’échec car “l’horreur et les souffrances atroces montrées par les prises de vue originales ne [pouvaient] subir aucune transformation esthétique, celle-ci ayant pour résultat la disparition de l’individu, et finalement la banalisation”. Il est tentant d’interpréter cet “échec” de Richter comme un constat d’impuissance de la peinture face à l’effet percutant des photographies d’archives. Mais, à y regarder de plus près, il semble que les interrogations éthiques et esthétiques de Richter aient été finalement productives. Car, par la suite, Richter établit un rapport direct entre ce constat d’échec et la genèse en 1970 de sa série de monochromes gris. Par cette série, l’abstraction, c’est-à-dire l’impossibilité de la figuration, s’était imposée à lui comme la seule et unique solution pour représenter l’extermination.”

La fine équipe

Quand on parle de “fine équipe”, c’est souvent avec un peu de malice et beaucoup de sympathie. On sait que le qualificatif évoque le plus souvent la réunion d’une bande d’individus facétieux, dont les principaux exploits sont plus liés à ceux d’un langage railleur qu’à des actions effectives.

Réunis la plupart du temps par une activité partagée, c’est l’occasion de saisir sur un même lieu toute une série de portraits pour en composer la plus grande diversité. Pas de postures étudiées, photographiés dans des expressions naturelles, c’est à partir d’images collectées depuis quelques années que je me suis décidé à réaliser cette galerie.

La difficulté du travail d’après photo (réalisée sans préparation), se trouve la plupart du temps dans les écarts de qualité qui existent entre les clichés. Visage dans l’ombre possédant peu de détails, à contrejour ou en plein soleil avec une lumière trop forte, absence d’homogénéité de la couleur etc. Il y en a pour tous les goûts et, je dois dire que je n’ai pas cherché à uniformiser les peintures, mais plutôt de traduire au mieux les ambiances lumière/couleur pour chaque photo que j’avais sous les yeux. Au départ, je pensais réaliser deux ou trois portraits, histoire d’entretenir l’œil et la main, un peu comme on fait des gammes au piano pour rester en communion avec son art.

D’une peinture à l’autre, j’ai vite pris goût à la notion de galerie de portraits et pour cela, il m’a fallu dépasser le stade du simple “échauffement”. Contrairement à mon habitude ou je démarre le portrait directement au pinceau et à la couleur, j’ai ici organisé mon travail à travers une procédure simple. Apprêt au Gesso d’un papier toilé Figueras de Canson (sans doute le meilleur), toujours le même format 21×30 cm. Dessin au fusain du sujet et agrandissement au carreau. Les ombres sont portées par zones sur le papier car elles construisent les volumes du visage. J’ai observé que le seul dessin linéaire ne permet pas de positionner correctement un pli, un nez, une paupière etc…Étant donné que le visage est formé d’un ensemble de plans, la ligne n’existe pas en réalité et ce sont les ombrés qui sont les meilleurs indicateurs pour rendre le caractère du personnage.

Première ébauche des volumes jus de couleur et essence

À l’aide d’un ocre, d’une terre de sienne en mélange avec de l’ocre rouge et beaucoup d’essence de térébenthine, je place les ombres et indique les réserves de lumières. À ce stade, l’ébauche peut paraître peu avantageuse, trop sombre, ou dévaluée, mais elle est surtout un support au placement des valeurs. La peinture doit déjà porter en elle les caractéristiques du modèle, taillées en de larges coups de pinceaux. Je monte progressivement et en même temps, visage, vêtements et fond en faisant attention à ce que les contours du portrait s’incorporent bien au fond en ne paraissant pas découpés à bords vifs. C’est surtout le contraste de la couleur des cheveux par rapport au fond qui demande le plus d’attention. Un léger flouté de passage est à créer lorsque l’huile est encore fluide. La technique “alla prima” (peinture dans le frais ou semi-frais) permet cet effet.

Mise en couleur et fondu des couleurs

Bernard ✝

La suite n’est plus qu’un affinement des touches de couleur selon que l’on veuille donner un caractère plus “dur” ou plus “doux” à la peinture. Pour mon compte j’ai toujours trouvé qu’il était plus facile de rendre un portrait en travaillant au pinceau fin pour aller dans les plus petits détails, que de parvenir à donner ressemblance et vérité à un portrait en restant en deça du seuil “lissé”. L’hyperréalisme qui compte se substituer et même dépasser l’image photographique ne présente pour moi pas grand intérêt. Sauf à être une prouesse technique.

Guy

Ce que je trouve particulièrement difficile dans le portrait, et qui m’a souvent posé problème, c’est de peindre non pas le premier œil, mais le second. Le premier œil, vient tout seul, d’un simple coup de pinceau…mais, peindre le second, dans l’esprit du premier, dans la bonne valeur, dans l’axe correspondant au précédent est une affaire qui mérite bien des ajustements. Notre regard, parcourant incessamment modèle et peinture s’érode dans sa capacité à percevoir ce qui est juste. La première méthode pour “revivifier” sa vision est de quitter la pièce, de s’occuper un moment à autre chose puis de revenir face à son chevalet avec un œil frais. La deuxième méthode que j’emploie assez facilement, est d’observer la peinture en cours à l’aide d’un miroir. L’image visualisée à l’envers dévoile alors toutes les grossières erreurs que comporte notre travail. Il ne reste plus qu’à corriger. Il n’est pas rare, dans certains de ces portraits, d’avoir repris une bonne douzaine de fois l’œil droit ou le gauche au cours d’une même journée. Bien évidemment, il arrive à un moment de l’évolution du tableau que la modification d’un détail, entraîne la modification plus profonde de toute une zone bien plus large afin de conserver une certaine harmonie. Et par la-même, il ne faut pas hésiter de tout repeindre, de changer la couleur de la peau, de déplacer une bouche qui peu à peu s’était déformée, d’un menton qui descend bien trop bas ou d’un cou qui pénètre maladroitement dans une chemise. Le portrait peu à peu se nourrit de couches successives, des erreurs, des rectifications qui finissent pas donner cette richesse de couleur, de profondeur et vont créer la matière, la peau même du personnage.

Albert

J’ai appris que pour donner de la présence à un visage, il ne fallait pas sous-estimer le fond. Un fond sombre ou un fond clair, permettent de détacher la figure facilement. Mais attention à l’effet de découpage. D’autant plus si la coiffure est de tonalité claire sur foncé ou l’inverse. Un fond foncé avec des cheveux bruns n’est pas un sujet facile non plus. Il faut toute la délicatesse d’un Ingres (portraits de la baronne James de Rothschild, de madame Paul-Sigisbert Moitessier) pour réussir de subtiles nuances. Les tons de la figure sont généralement traités dans des couleurs chaudes. Mettre le visage en relief, revient parfois tout simplement en un fond légèrement refroidi par du bleu, du vert, du gris, qui par contraste chaud/froid va créer un effet de profondeur. Les tons chauds ayant tendance à venir en avant, plus proches et les tons froids apparaître plus éloignés.

Georges

Enfin, certains portraits, en raison de signes ou de matériels particuliers des individus sont plus compliqués à aborder. Les lunettes aux verres colorés, aux branches qui viennent perturber rides et volumes tout en projetant des ombres parasites sont des épreuves supplémentaires. Bouches entrouvertes qui laissent apparaître les dents, cavité bucale qui n’est jamais un “trou noir”sans aucune nuance, autant de pièges sur lesquels il n’est pas rare de bredouiller. Le dernier portrait, celui de Richard aura été celui sur lequel j’ai cumulé le maximum de difficultés, lumières diverses, lunettes, ombres, bouche et c’est celui auquel je suis le plus attaché. Au final la galerie devrait comporter une vingtaine de portraits. Épinglés sur mon mur, ils forment un grand “photomaton” auquel je jette parfois un regard amusé car certaines expressions valent vraiment la photo.

Rémy

Paul

Louis

Stéphane

André

Claude

Pierre

Helen ✝

Gérard

Michel

Richard

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer

De la poudre à l’art

À l’origine, j’avais l’intention de rendre une petite visite au Musée d’Orsay, sans doute mon musée préféré, autant par son contenu que par son architecture que je trouve particulièrement réussie pour une sympathique déambulation. Orsay a toujours évoqué pour moi le plaisir de flâner d’une salle à l’autre au milieu de peintures qui font plus partie de mon intimité que les magistrales œuvres du Louvre. Une exposition consacrée aux dessins de danse de Degas me faisait un clin d’œil depuis quelque temps à Orsay. Et puis, influence du climat ou inconséquence de l’esprit humain, c’est vers le petit Palais que j’ai orienté mon choix compte tenu d’une affiche alléchante “L’art du pastel de Degas à Redon”. Finalement des dessins de  Degas aux pastels du même Degas, il n’y avait pas forfaiture à se désavouer. 

Il fallait ce jour là une bonne dose de courage mais surtout d’épais vêtements pour démarrer une file d’attente au pied des marches du petit Palais. L’air y gelait même la lumière et le vent sibérien sans pitié ne laissait aucun répit aux pauvres SDF emballés tels des momies dans leurs duvets poussiéreux.
Après 20 minutes d’attente et quelques rigolades entre les visiteurs que nous sommes (le rire doit certainement tenir chaud), deux fonctionnaires ouvrent enfin la file d’attente. C’est là, que nous apprenons que l’entrée se fait à un autre endroit du bâtiment. Tout le monde râle ! Une anglaise nous confie :
“— Je ne comprends pas en France c’est toujours le bazard !”.
Résignés, mais finalement trop contents de nous mettre au chaud, en petit troupeau docile nous contournons la majestueuse entrée principale aux ferronneries dorées pour nous agglutiner devant une vilaine petite porte vitrée qui….ne s’ouvre pas ! Là derrière, quelques “ombres” s’agitent, vont et viennent dans une effervescence fébrile qui n’annonce rien de bon. Mon impatience grandit et je sens la bonne humeur de mes compagnons d’infortune tourner au vinaigre. Une baie vitrée s’ouvre, on se précipite, un groupe force le passage. Trop tard pour nous, la porte se referme brutalement. Ce n’est pas la bonne entrée. Après plusieurs tentatives, comme la mer rouge s’écartant pour laisser passer les israélites…l’accès au musée nous est enfin largement offert. “Comme vous avez pu le constater, nous avons un problème d’ouverture des portes !” Les railleurs en profitent pour demander au personnel du musée s’ils ont eu le temps de nous préparer le café et les croissants…Je vous rassure, le reste de la visite se fera dans une ambiance calme et feutrée, très intime pour cette belle exposition de pastels.

“Le pastel a une fleur, un velouté, comme une liberté de délicatesse et d’une grâce mouvante que ni l’aquarelle, ni l’huile ne pourraient atteindre.”
Joris-Karl Huysmans (Exposition des Indépendants en 1881)

L’âge d’or du pastel connaît son apogée en 1765. Il est à ce point prisé, qu’il rivalise largement avec la peinture, la sculpture et la gravure. Pour les portraits, il est même préféré à l’huile. Les grands pastellistes de l’époque se nomment Charles Le Brun, Joseph Vivien, Maurice Quentin de La Tour, Jean-Baptiste Chardin…

Au 18 ème siècle le pastel atteint la perfection, toute l’aristocratie se fait portraiturer par les meilleurs pastellistes. La révolution Française apporte un bouleversement en profondeur de la société. L’aristocratie est désormais suspecte et le pastel, reconnu pour être le mode de représentation favori de la bourgeoisie est jugé compromettant. Tout ce qui persiste de l’ancien régime devient antisocial. Perruques, vêtements amples et enrubannés, fards…tous les symboles d’une classe sociale déchue, dont la technique du pastel avait su si bien rendre les attraits, sont bannis. Le pastel devient démodé autant que les codes vestimentaires et esthétiques de la bourgeoisie. C’est le retour à la rigueur avec la peinture à l’huile.

Dans le dernier quart du 19 ème siècle, puis au début du 20 ème siècle, le pastel jouit d’un véritable intérêt et offre une alternative “nouvelle” à la peinture à l’huile. La création de la Société de Pastellistes Français en 1885, la construction d’un pavillon de pastellistes pour l’Exposition Universelle de 1889, permettent à cette technique “redécouverte” de s’imposer pour elle-même.

Auprès des Impressionnistes, le pastel se développe comme une évidence pour traduire des sensations instantanées. Sa facilité de mise en œuvre sur le terrain, sa rapidité d’exécution en fait un médium en harmonie avec leur esthétique, suggestion de mouvement, effets de lumière. Artistes paysagistes avant tout, les impressionnistes n’en délaissent pas pour autant la représentation humaine pourvu qu’elle soit rendue dans la vérité du quotidien. Degas avec les danseuses, Mary Cassatt avec les figures d’enfants, témoignent de cet intérêt.

La fin du 19 ème siècle signe le retour des grands portraits mondains. L’élite aristocratique et bourgeoise, retrouve le charme et le raffinement de la poudre de pastel. Cette époque bénie pour les artistes leur permet d’exprimer pleinement art et virtuosité et leur offre aussi de très bonnes perspectives commerciales. Hommes influents, élégance féminine en grands formats témoignent que le pastel n’a plus rien à envier à la peinture à l’huile. Les carnations sont admirablement rendues et les nus de Pierre Carrier-Belleuse ou d’Alfred Roll démontre la grande variété d’expression des pastellistes de cette époque.

Les peintres “symbolistes” trouvent dans le pastel la magie qui leur permet d’exprimer toute leur réalité intérieure. Sentiments, rêves, ils privilégient les sujets rares, littéraires, allégories ou mythes. C’est tout un univers poétique qui prend forme bien loin de l’univers réaliste et instantané des impressionnistes. Le monde étrange et fanstasmagorique d’Odilon Redon conclut cette exposition à travers 3 pastels, dont le sentiment subjectif qui est l’essence même de son œuvre reste encore aujourd’hui une énigme.

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer

Quelques couleurs

 Je n’ai pas grand chose à dire sur cette galerie dont certaines réalisations ont été publiées sur Facebook. Il m’arrive de ne plus savoir exactement ce qui a déjà fait l’occasion d’une publication. Les dessins et peintures, s’accrochent sur mes murs, s’entassent dans des cartons pendant un certain temps et partent comme un vin vieillir dans ma cave sur quelques étagères. Le temps bonifie t’il les peintures ? J’en doute. En tout cas ce que je sais c’est que l’absence de lumière agit sur l’huile de lin contenue dans les couleurs. Cette action assombrit les “œuvres” et il faudra une exposition à la lumière pour leur redonner leur éclat. Comme quoi, en peinture il faut aussi posséder un savoir de “petit chimiste”.

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer

Figures

En parlant de portrait chacun s’attend à une “image” ressemblante du modèle. Un portrait n’est pas forcément l’image exacte du sujet.
L’histoire de l’art nous démontre que la représentation d’un personnages pouvait être idéalisée afin de l’ennoblir, lui donner des caractéristiques morales particulières, définir son rang social etc… Selon l’époque, à l’opposé, l’artiste pouvait s’attacher au moindre détail physique pour reproduire la réalité dans tout son aspect critique. La pose, l’expression du modèle sont autant d’indices qui véhiculent sa personnalité intérieure, sa sensibilité. Il s’agit toujours pour le dessinateur ou le peintre d’une interprétation.
Ici, j’ai utilisé le mot “Figures” au lieu de “Portraits”. Tout simplement parce que je me suis limité à travailler à partir de photos sous forme d’une série de dessins réalisés dans un temps très réduit. Le terme “portraits” me semblait usurpé. L’enchaînement continu des dessins m’a permis de conserver une certaine excitation graphique. Il existe parfois une proximité entre l’artiste et le modèle, lien familial, amical ou même simple connaissance. Ici, chaque figure représentée est une personne qui m’est totalement étrangère mais non anonyme dans le sens où ce sont des femmes et des hommes qui existent ou ont existé. J’ai sélectionné leurs photos pour des raisons techniques (taille des clichés, contraste des valeurs etc.) et aussi pour l’intérêt de leur caractère physique.
J’ai tenté de donner un peu d’humanité à ces personnages à l’aide de quelques traits denses, de griffures acérées ou du doux frottement du fusain.
(Techniques utilisées, pierre noire, crayon fusain, crayon carbone, crayon couleur Pitt pastel et Polychromos de Faber Castell, plume encre de chine et encre marron)

EnregistrerEnregistrer

Monotype (essais)

Il n’y a pas longtemps de cela, une amie m’annonçait qu’elle s’investissait désormais dans la gravure. Cela m’avait déjà maintes fois tenté, mais faute de place, de connaissances techniques et ne voulant pas trop me disperser, j’avais relégué cette idée au fin fond de mon esprit. En parcourant internet, à travers les réalisations d’artistes divers, j’ai découvert le monotype et je me suis étonné de constater combien cette technique était un véritable moyen d’expression permettant de développer une écriture très personnelle malgré son “apparente” facilité.
Le monotype est une impression unique. On obtient une “image” par la pression d’une feuille de papier sur un support préalablement encré. Cette technique requiert un matériel très simple et peu onéreux. Le support peut être constitué d’une plaque de verre, de plexiglas, de métal (cuivre, zinc…) tout support rigide pouvant recevoir un médium ne séchant pas trop vite (couleur à l’huile, pastel gras etc…) L’idéal demeurant bien entendu l’encre utilisée en imprimerie. Ces encres très grasses, collantes sont restées longtemps réservées aux ateliers de gravure ou de typographie. Leur nettoyage aux solvants présentait un gros inconvénient pour les amateurs. Il existe aujourd’hui des gammes d’encres qui se nettoient à l’eau et présentent une alternative aux produits traditionnels (Aqua Wash, Akua…). J’ai opté pour l’encre taille douce Aqua Wash de Charbonnel, noir RSR (lavable sans solvant) et d’une huile de la même marque pour fluidifier l’encre. Un petit rouleau, quelques vieux pinceaux et 3 ou 4 cotons tiges sont venus compléter le petit matériel de base. Rien de ruineux pour faire quelques essais. Sans oublier bien sûr le papier dans le matériel indispensable.
Je ne décrirai pas les différentes possibilités techniques du monotype. Il existe sur internet de nombreux tutoriels et conseils parfaitement explicites. Pour ma part je m’en suis tenu à peindre sur le support à l’aide pinceaux (ne pas hésiter à y mettre les doigts) comme on le ferait pour une peinture ou bien d’encrer l’ensemble du support puis de jouer avec des retraits d’encre…Avec un pinceau humidifié il est possible d’enlever complètement l’encre. En fin de travail, la plaque se nettoie très facilement d’un coup d’éponge avec de l’eau (avantage de l’Aqua Wash).
Mes exemples présentés ici ne sont que des essais afin de mieux comprendre les possibilités et limites de cette technique.
Sous cette apparente simplicité qui permet de produire tout de suite un monotype original, tant le rendu peut être surprenant, se cache une réelle difficulté. Celle à un moment donné de maîtriser au mieux le rendu souhaité. Certains accepteront un rendu très aléatoire et d’autres aimeront (passé le plaisir de la découverte) aller plus loin dans la démarche en restant maître du processus. Je dois reconnaître que je fais partie de la seconde catégorie. De ceux qui souhaitent réduire la chance ou le hasard afin de produire une image plus proche de leurs espérances. Au jour d’aujourd’hui, je n’y suis pas parvenu !
J’ai constaté que tout va bien tant que l’on ne joue pas trop avec les subtilités. Un support bien empâté, avec de forts contrastes réalisés par l’épaisseur de l’encre est parfaitement reproductible d’une simple pression des paumes ou le passage d’un rouleau. Il en va tout autrement dès que l’encrage devient plus léger afin de réaliser des valeurs intermédiaires. Au-delà d’une certaine limite d’encrage, il n’y a plus de report sur le papier.
Je pense que la qualité du papier, son humidification et surtout la pression exercée sur le papier sont des composantes qui doivent être parfaitement étudiées. Une pression à la main, au rouleau, ou encore à la cuillère sur un papier au moindre grain, avec une légère trame, produit une image fantômatique. Un papier aquarelle “grain torchon ou fin” ne retient l’encre que sur la partie haute du grain, l’encre ne se déposant pas dans les creux de celui-ci. Les subtilités, les valeurs de gris n’apparaissent pas et le résultat devient particulièrement pauvre. Un bon papier comme un vélin et une petite presse semblent incontournables si l’on souhaite un rendu qui respecte au mieux son original sur plaque.

Vous pourriez penser à travers mes tentatives que le monotype est après tout une technique rudimentaire. Trop rudimentaire et aléatoire pour espérer vous séduire. Pour vous convaincre du contraire, je vous invite à découvrir la galerie ci-dessous que je consacre à quelques réalisations de François Dupuis. C’est le résultat d’une maîtrise technique mise au service d’une grande sensibilité. Autres que les monotypes, je vous encourage aussi à découvrir ses gravures, dessins, peintures et sculptures. L’homme est fécond et talentueux.

Monotypes, gravures : François Dupuis blog.
Page FaceBook : François Dupuis dessins, peintures, gravures, sculptures.

 

EnregistrerEnregistrer

Les jours d’hier


Il n’y a pas longtemps, j’ai ressorti les vieilles photos familiales que nous avons tous pour la plupart d’entre nous, reléguées au fond d’une armoire, dans un tiroir de la commode ou, pour les plus misanthropes dans une malle poussiéreuse au grenier. Je sais que la traditionnelle boîte à chaussures, n’est plus trop d’actualité et que l’album photo l’a remplacé avantageusement. Il y a toujours des sentiments mêlés à la consultation de ces clichés parfois encore très proches de nous qui nous rappellent combien nous avons vécu de moments merveilleux en compagnie d’êtres délicieux. Mais oui, la photo familiale n’est là que pour saisir les bons moments, les fêtes, les anniversaires, les naissances. On ne sort pas l’appareil photo pour les heures sombres. À quoi cela servirait-il de graver sur la pellicule les fatidiques malheurs, qui de toute façon vont nous laisser une trace indélébile au fond du cœur. Feuilleter ces portraits saisis pour la plupart dans le bouillonnement du quotidien, permet de faire revivre en nous dans une dimension sensible des êtres perdus, éloignés, séparés, disparus.
J’ai déjà remarqué que nous n’avons pas une attention suffisamment concentrée sur les images. L’œil ne voit souvent que le sujet principal, occultant ici et là un certain nombre de détails. De très nombreux signes nous échappent, nous rendant certaines corrélations hermétiques. J’avais envie de pénétrer plus avant dans ces images familiales. Au delà du simple regard, je souhaitais passer plus de temps en compagnie de ces photos. Il me fallait partager un moment de ma vie en leur compagnie pour rattraper un temps passé trop vite défilé. M’imprégner de l’image en la dessinant allait me permettre de faire revivre quelques instants la présence familiale et de croire qu’une communion, au delà de l’absence, pouvait encore exister.
Pénétrer dans les détails (qui sont la nourriture de la vie quotidienne) me feraient découvrir comme un archéologue les substrats enfouis dans les zones trop charbonneuses de la photo.
Les dessins ont été réalisés directement, sans repentir, d’un seule traite, c’est ainsi qu’ils présentent pour certains des imperfections. Mais ils expriment avant tout une certaine spontanéité au détriment d’une grande justesse. Réunis dans un seul et même petit carnet, ils reforment à eux seuls une sorte d’album de souvenirs qui s’étoffera au fil du temps.

 

EnregistrerEnregistrer