Morbihan in pace

Morbihan, la côte sauvage de Quiberon, pointe du Percho.


Je ne sais pas si la réussite d’un séjour peut-être liée proportionnellement à son niveau d’ensoleillement. En ce mois de mai, dans le Morbihan le temps aura été jour après jour idéal et presque constant avec de douces journées propices aux promenades méditatives et à une activité de peinture assez intense.

Les moments partagés avec de nombreux amis, autour d’un bon repas ou lors d’autres occasions moins friandes, ont aussi largement occupé mes journées. J’ai retrouvé avec plaisir mes “amis peintres”. Les “pros”, ceux qui manient avec certitude le pinceau et aussi mes “gentils élèves amateurs” dont la confiance qu’ils accordent à mes conseils ne fait que renforcer ma responsabilité envers eux.
Partager selon le niveau de sa propre expérience n’est pas toujours chose aisée, surtout dans le domaine artistique qui comprend certes une partie matérielle et technique facilement identifiable, mais et surtout, un univers du sensible et de l’interprétation qui est propre à chacun. Cette partie que je regrette toujours de ne pas pouvoir développer plus longuement est victime des disponibilités des uns et des autres. Avec un nombre de séances restreint, il faut aller au plus significatif. La confrontation avec la nature, celle qui bouge à tout instant est une bonne expérience. Mes “gentils élèves” ont été servis et surpris de se retrouver parfois dans des endroits improbables que seuls les goélands pouvaient leur disputer.

Danielle et André prêts à prendre leur envol à la pointe du Percho.

L’équilibre est instable, mais la vue imprenable.

Rester concentrée en milieu délicat.

Dans le paysage perçu des premiers jours ce qui m’a incroyablement étonné, c’est l’abondant volume de verdure, son intensité, sa variété de nuances. Des verts épais et profonds comme sculptés dans la masse, mêlés aux tonalités tendres et lumineuses, à l’instar d’une absinthe avant le trouble du goutte à goutte. Une fois de plus, je me suis battu sang et eau avec cette verdure envahissante et souvent changeante.
Alors que la douce et belle campagne m’environnait totalement sitôt le seuil de la porte franchi, la possibilité du rivage, de la mer, du roc ne m’aura attiré que dans un deuxième mouvement.
Sur cette côte hérissée de rochers, planter mon chevalet et trouver un équilibre se fit parfois avec difficulté. C’est là au milieu de ces blocs noirs, par un petit matin frais alors que le soleil pointait à peine, que j’ai vécu ma plus belle rencontre. Silencieusement, tout timide dans son allure un peu “chiffonnée” un vieux monsieur s’est approché de moi en s’excusant presque de me déranger. Il portait un bonnet de marin en laine bien enfoncé sur un visage tranquille, une veste de toile décolorée qui avait vu la mer plus qu’il n’en fallait.
“Lorsque je vous ai vu de loin, en ombre chinoise sur cette pointe de rochers en train de peindre, j’ai eu un choc !”
Il y eut un silence, le temps qu’une vague vienne se fondre à nos pieds.
“En une fraction de seconde, ça m’a fait tout drôle, je me suis senti dans un autre siècle. J’ai songé immédiatement à cette époque fantastique des impressionnistes où les peintres se rencontraient dans la nature. Vous savez, le tableau de Courbet “Bonjour monsieur Courbet”…ça m’est apparu immédiatement. Mais là maintenant, c’est la réalité. Vous ne pouvez pas savoir combien ça me fait plaisir de vous voir.”
Nous avons parlé un bon moment, de peinture, de l’importance de la contemplation, de l’avantage et de l’inconvénient de l’âge, tout simplement de la vie qui est en nous. Nos phrases étaient suivies d’un long silence comme pour en peser véritablement le sens.

Sept petits coquillages Trivia, aux appellations nombreuses…porcelaine, grains de café etc.

Plusieurs fois mon visiteur m’a rappelé son plaisir d’échanger. Nous avons partagé un sourire complice et après un silence un peu plus long que tous les autres, il fouilla dans sa poche. Dans un mouvement silencieux il déposa à mes pieds, dans le creux d’un rocher, sept petits coquillages.
“C’est pour vous, un porte bonheur, pour vous remercier de la bonne journée que je vais passer grâce à vous. Je suis très content.” 
Il prit congé et disparut aussi discrètement que pouvait le laisser supposer sa frêle silhouette. J’étais confus et heureux en même temps. Cet échange venait de renforcer mon sentiment qu’avec quelques mots simples, quand les êtres sont capables de s’ouvrir aux autres, il est facile de trouver le chemin de l’intelligence. Finalement, dénué de haine et de préjugés l’être humain n’est peut-être pas si mauvais que ça 

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8 réflexions sur « Morbihan in pace »

  1. Et oui l’homme civilisé hélas : attend en général ou veut souvent quelques choses de son semblable
    Je comprend ton , son émerveillement et vos plaisirs gratuits
    Le bonheur d’une journée tient à peu de choses
    Le jardin de Monique doit est très doux et serein
    Ce que je ressent à travers tes huiles c’est du soleil et de la joie
    La pointe Percho traité à l’encre renforce le coté sauvage tandis que l’huile donne un coté mystérieux à la pointe kerbihan
    Tes œuvres me parlent beaucoup
    Merci

  2. Tu nous gâtes !
    Des photos (j’aime ces peintres accrochés aux rochers), des peintures et la narration de cette rencontre avec l’homme aux sept coquillages, quel plaisir…

  3. sympa cette rencontre
    Attention de bien arrimer tes élèves car un coup de vent un peu fort ou une lame vicieuse pourrait bien les emporter
    Très belle variété de peintures (je verrais bien certaines illustrer un roman ou une bd)
    A bientôt en 3 D

  4. Comme disait Jean Ferrat que la montagne est belle et que la campagne est belle et que la Bretagne est magnifique mais Jean Ferrat ne l’a jamais dit comme ça il ne connaissait pas la Bretagne, ( quel dommage pour lui) et vu sous l’oeil du peintre comme sait le faire Serge ç’est une véritable invitation à pousser notre curiosité à s’accrocher aux rochers pour s’en convaincre.

  5. … toujours le plaisir de te lire,! en effet l’ homme n’ est sans doute pas si mauvais que ça, il a peur et nos racines reptiliennes entretenues par un quotidien savamment orchestré par des bouches à oreilles , les médias de tous poils , vont nourrir nos pensées … superbes images Serge à bientôt

  6. Très touchée par tes peintures
    tu me donnes de reconnaître différemment ces lieux parfois familiers!
    TU transmets douceur et sérénité à travers tes toiles,en cela on t’y reconnaît bien.
    Très touchée aussi par ce que tu nous partages de cette rencontre.
    Quelle belle hospitalité dans cette relation réciproque.
    Vous nous manquez…

  7. Cela a été,, comme chaque année, un vrai plaisir de travailler avec toi, de sortir de notre zone de confort pour peindre dans des endroits très improbables, de découvrir d’autres techniques. Lorsque l’on travaille en extérieur, plus rien d’autre ne compte que le sujet que l’on a sous les yeux. Du bonheur en quelque sorte….
    Ta rencontre avec ce vieux monsieur a du te faire un immense plaisir et tu as éclairé sa journée rien qu’en te voyant peindre… Esperons que la Bretagne te donne encore longtemps l’envie de venir y poser tes pinceaux et tes toiles.

Répondre à philippe bruel

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