La partie de chasse (Le ralliement)

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Il n’est pas loin de midi. C’est l’heure fatidique ou les postés s’impatientent alors, les portables commencent à sonner. Que faire de plus désormais hormis se geler au courant d’air sur une palette accrochée à cinq mètres du sol ou se rouiller dans l’humidité du sous-bois, dissimulé derrière un cèdre ou un buisson…Tout ça pour rien. Un beau sanglier suffit pour la matinée. Par téléphone, Georges envoie à chacun le signal du retour. Quelques bons coups de klaxon finiront d’avertir les plus durs d’oreille. C’est le retour à la barrière. Certains raniment déjà le feu qui a couvé toute la matinée. Une à une, à la queue leu leu, les voitures arrivent et se garent silencieusement le long du chemin. Le cortège reprend la position de ce matin, mais dans la position inverse. Tout le monde vient examiner l’animal abattu comme pour mieux en apprécier la couleur, la taille des défenses et aussi estimer le poids. Les commentaires vont bon train. Et autour du feu qui a repris de plus belle, ça tourne vite à la véritable cacophonie. Par petits groupes, chacun refait la chasse, raconte sa chasse avec fortes intonations et jurons lorsque, revivant la situation, celle-ci a échappé à son narrateur. Les chiens sont aussi mis en cause. Celui-ci n’aboie pas assez, tel autre va trop vite, et celui-là encore suit la trace de n’importe quoi ! Gérard et Benoît s’accrochent justement à propos des chiens. La tension monte rapidement entre-eux. Par quelques plaisanteries, un membre de l’équipe essaie de détendre l’atmosphère. Mais les protagonistes demeurent imperméables aux signaux extérieurs et comptent bien mener leur désaccord jusqu’au bout.debrief-04
Avant que la troupe ne se disperse, Georges lance à la cantonade :
— N’oubliez pas de venir “espiller” cet après-midi. À partir de 14 heures !
Oui, il reste encore à dépecer le sanglier puis découper la viande en autant de parts que de chasseurs. Cette opération, requiert une bonne expérience et beaucoup de dextérité. Le dépeçage doit se faire proprement d’une seule traite, sans abîmer la viande. Les chasseurs sont habitués à cette opération qui se passe toujours chez le chef de battue dans une bonne ambiance. En moins d’une heure, dépeçage et découpe seront terminés. Chacun repartira avec son sac plastique blanc rempli d’une viande parfaitement saine…sans hormones. Pendant que les deux collègues tentent toujours de se convaincre l’un l’autre du bien fondé de leurs affirmations, les plus pressés rangent leur fusil, claquent les portières et quittent la place en saluant la compagnie. Georges examine une dernière fois les tracés des chiens sur l’écran et déconnecte les colliers GPS.debrief-02
Quelques uns ont décidé de déjeuner ici, autour du feu. Louis, qui est sans doute le plus âgé de tous tient à son confort et de sa camionnette, il sort et installe en deux secondes table et chaise pliantes. Les autres, se trouveront bien un rondin quelque part pour accueillir leur séant. Deux ou trois saucissettes, quelques pâtes, un bon vieux fromage et un vin du Ventoux issu des vignes environnantes, égayeront le repas qui sera sans doute bien arrosé. De toute façon, depuis de nombreuses années il n’y a plus de chasse l’après-midi. Ainsi en a décidé le chef de battue lorsque certains avatars se sont produits à la suite de déjeuners un peu trop chargés. La responsabilité du chef d’équipe est entièrement engagée dans tout incident causé par un membre de son équipe ou par les chiens. Après avoir suivi de nombreuses chasses, je suis un peu étonné du nombre de matinées ou l’équipe est revenue bredouille.debrief-01

Je pensais qu’une partie de chasse se soldait, compte tenu des moyens techniques existants, systématiquement par l’abattage de gibier. Il n’en est rien. De nombreux facteurs difficiles à prendre en compte ou à concilier font déjouer bien souvent les objectifs de la battue. Cependant, la population des sangliers ne fait que progresser grâce à une reproduction exceptionnelle. Dans le Vaucluse, le plan de chasse prévoyait l’élimination de 14 000 sangliers. Pour cette saison, 11 000 bêtes ont été tuées par les chasseurs. Le quota n’a pas été respecté. Dans le Gard, 24 800 sangliers ont été abattus pour la saison 2012–2013. Les indemnisations allouées pour les dégâts de la vigne, ont représenté un montant de 250 000€ en 2011–2012. Il n’est plus rare de rencontrer la bête noire près des agglomérations, le soir ou le matin tôt, en promenant son chien. Sans véritable prédateur, le sanglier tend à envahir progressivement tous les espaces de l’homme. Le retour du loup, serait-il l’épilogue souhaité à la prolifération du sanglier ? J’en doute beaucoup. La présence du loup, qui peu paraître sympathique à certains, n’est en fait qu’une aventure artificielle, tenue à bout de bras par quelques nostalgiques sans véritable connexion avec les zones rurales et pastorales du pays.
C’est fini…

 

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La partie de chasse (L’incertitude)

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Les chiens glapissent d’impatience, tout fébriles qu’ils sont de poursuivre la chasse. Sitôt les cages ouvertes, ils se ruent dans le bois en désordre tout d’abord, puis se mettent en ligne sur une trace. Nul besoin au piqueur de les motiver. Mus par un puissant instinct de traque, ils filent en aboyant sans discontinuer.
— Ça part vite ! Me dit Georges.
Appuyés contre la voiture, nous restons quelques instants à écouter les chiens s’éloigner. La scène de ce matin semble se renouveler à l’identique. Pourtant, si les phases de chasse sont toujours les mêmes, leur résultat est systématiquement inattendu. Car l’animal sauvage est imprévisible et malgré la connaissance que l’on puisse avoir sur son espèce, certains individus semblent posséder un caractère tout particulier. Autant chassé depuis la nuit des temps, le sanglier finit lui aussi par connaître et les chiens et les chasseurs. Un animal adulte est capable, selon le chemin qu’emprunte les chiens au départ, de savoir si ceux-ci viennent vers lui ou pas. Dans un cas ou dans l’autre, ils sortira ou ne sortira pas de sa remise. Dans bien des situations, le sanglier aura facilement un quart d’heure à vingt minutes d’avance sur ses poursuivants. Malin, il est capable de se mettre sur la piste d’un chevreuil et ainsi de faire dévier les chiens de leur objectif. Le chevreuil devenant la proie non convoitée.
Toujours à l’attention des aboiements, Georges tend soudain le bras suivant à distance l’avancée des chiens.
— S’ils montent par là, on va entendre tirer.
— Tu m’as déjà dit ça tout à l’heure et tu sais bien qu’on n’a rien entendu !
— Oui, mais cette fois, c’est sûr, ça va péter !
Quelques minutes plus tard effectivement, un claquement sec déchire la forêt et résonne dans la pente.
— C’est une carabine. C’est sûrement Jani qui a tiré.
Georges porte la main à sa poche intérieure.
— Merde, c’est le téléphone, j’avais mis le vibreur. Qui c’est qui m’appelle encore ? Oui ! Qui c’est qui a tiré ? C’est pas Jani ?
Tout le monde semble s’interroger. Sanglier tué ou pas ? Et les chiens. Si c’est un sanglier seulement blessé au ferme, il faut vite arrêter les chiens. Ils risquent de se faire massacrer.
— On va monter voir.
Le moteur du Lada n’a jamais le temps de refroidir complètement, sollicité en permanence il faut remercier le matériel russe et vanter sa rusticité. C’est reparti et je m’accroche.incertitude-02
Arrivé au plus haut, vers la ligne de tir, nous retrouvons Paul et Gérard sans les chiens. En grande conversation avec Paul, Gérard attire toute l’attention sur lui, c’est le démonstratif de l’équipe, le volubile qui d’une simple anecdote en tire toute une histoire.
— Oh ! D’ici au cèdre, d’ici au cèdre, les chiens ils sortent comme ça ! Qu’est-ce que c’est que cette histoire de fous. Oh, il était pas arrêté devant moi ? (le sanglier)
— Con ! (étonnement partagé de Paul)
— Putain, il m’a sorti…impossible d’y envoyer le pruneau.
— Et bé ! (Paul compatissant)
Georges est de nouveau au téléphone, préoccupé qu’il est de savoir qui a tiré.
— Je vais essayer d’appeler Pierre. Allez !
Gérard intervient.
— Moi j’appelle Guy pour voir.
— Non, mais c’est pas Guy, Richard il dit que…
—Non, je sais très bien que…Non ! Non ! Mais, c’est Pierre !
Si c’est lui, il est là… Où il est ?
— Ben, il est à la “Russe”. (nom d’un emplacement)
— Et bé, c’est lui qui a tiré. C’est sûr.
— Oui ! Oui ! Ça venait d’en bas. (Paul rassurant)
— Non ! Non ! Oui, ça c’est sûr !
— Ça peut être de Flassan…(autre équipe de chasse dans le secteur)
— Non, non, non, non ! C’est quand tu as…Après là…je suis parti en courant justement au bord du rocher d’Élen pour voir s’il n’en arrivait pas d’autres. Est-ce qu’ils montaient, est-ce qu’ils descendaient, je n’en sais rien.
— Et ouais ! (Paul en conclusion, fataliste)
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Finalement, Pierre n’aura pas tiré ni vu quoi que ce soit, Richard non plus ni Guy, et c’est Rémy qui aura les félicitations de l’équipe. Les chiens ont tourné quelques minutes autour du sanglier mort en le mordillant comme une récompense à leur longue course. Épuisés, ils réintègrent le coffre de la voiture où une bonne gamelle d’eau fraîche les attend. Extrait d’un massif de buis le sanglier abattu est chargé sur le plateau d’une voiture. Pour rendre les honneurs à la bête noire, Georges coupe une petite branche de verdure et l’insère dans sa gueule. La mort de l’animal signe aussi la fin de la chasse. Il y a là quelque chose de tragique. Comment faire prolonger un moment d’intense émotion fait d’attente, de mystère, d’incertitude et d’envisager par la simple pression sur une gâchette d’en effacer toute la magie. Les plus belles chasses, ne sont-elles pas celles qui ne finissent jamais par la mort de l’animal en se perpétuant dans le temps et l’imaginaire ?
(A suivre)

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La partie de chasse (La menée)

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Le territoire de chasse de l’équipe occupe 300 hectares. Il est bordé d’un côté par la départementale qui monte au mont Ventoux et de l’autre par la combe de Canaud qui marque les limites de chasse de la ville voisine. Quelques mauvais chemins quadrillent les pentes et dessinent des transversales claires. Rien ici n’invite l’homme à s’y sentir à l’aise. Dans ce milieu asséché, même en hiver, fait de mille pierres instables et à la végétation impénétrable, les sangliers prolifèrent et y sont les plus heureux. Les buis forment une muraille verte impénétrable. Dans cette forêt épaisse ils s’y cachent, s’y déplacent à la barbe des chiens pourrait t’on dire, bien mieux que les cerfs tout empruntés qu’ils sont avec leur grande ramure. Il arrive bien souvent que devant les chiens, la bête noire ne veuille pas se lever et les affronte avec courage. Dans cette situation, au ferme, un sanglier bien armé devient très dangereux. Tout au long de sa vie, lorsque l’animal ouvre et ferme la gueule ses défenses s’aiguisent en permanence sur les grès (canines supérieures). Véritables lames de rasoir elles occasionnent des blessures parfois mortelles aux chiens. Ce matin, le chef de battue a défini une ligne là-bas, bien au-dessus de nous, le long d’un chemin et à la lisière de grands cèdres. La dizaine de chasseurs y est déjà postée depuis au moins une heure. Les chiens toujours en verve, paraissent monter rapidement vers eux. La passion de Georges, c’est avant tout la chasse au sanglier, mais son plus grand plaisir, c’est d’entendre ses chiens suivre une bonne piste en aboyant. Nous tendons l’oreille pour mieux apprécier la grosse voix caractéristique d’Éliott. C’est souvent lui qui précède les autres chiens. Leur course se dirige vers un point identifié sur la carte.
— La “Bosse” ! Claude y est placé. Si ça passe là, on va entendre tirer dans peu de temps.
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Et on attend. Un peu. Puis finalement un peu trop. Rien ne se passe, pas de détonation. Finalement, les chiens au dernier moment ont fait demi tour avant de franchir le chemin et d’arriver au chasseur posté.
— Les chiens reviennent. Ils n’ont pas sauté le chemin. Je le vois sur mon cadran.
— Le sanglier a dû sentir le posté. Et puis si ça se trouve, il a tellement d’avance sur les chiens, qu’ils ont perdu la trace. Quand ça bifurque trop comme ça, c’est parfois mauvais signe. C’est peut-être tout simplement un chevreuil qui est devant. On va monter voir Claude. Allez, on bouge !
On saute dans le Lada. Juste le temps de claquer la portière et c’est parti à fond. Enfin, presque à fond. Surtout en fonction des trous, des racines et des pierres qui entravent le chemin et font sauter le véhicule en tout sens. Afin de ne pas perdre la position des chiens, je dois changer la petite antenne du GPS par l’antenne extérieure. Pas facile de réaliser le branchement quand sur chaque bosse, le Lada fait un bond de cinquante cm. Les ceintures de sécurité sont là pour l’apparat. Il faut faire corps avec les secousses. Le moteur ronfle, ça accroche sous le plancher, ça cogne derrière, ça tape devant. Les branches nettoient la carrosserie, flagellent le pare-brise et les rétroviseurs passent à un cm des arbres. Les bruits viennent de partout. Et pourtant dans ce vacarme confus, Georges est encore capable de me dire :
— Tiens, je n’avais pas ce petit bruit ce matin !
Crise de rire !
Sur une partie plus calme, je parviens enfin à connecter la fiche mâle et femelle de l’antenne au GPS. Je retrouve le tracé des chiens.
En trombe, on arrive sur le premier posté. Moteur en route, Georges s’enquiert :
— Tu as vu quelque chose ?
— Moi, j’ai vu seulement passer les chiens. Ils aboyaient bien !
— Et tu n’as pas vu ce qu’il y avait devant ?
— Non, j’ai rien vu.
On repart. En remontant le chemin on fait la revue des chasseurs. Celui-ci a bien entendu les chiens, celui-là ne sait pas trop et tel autre a déjà quitté son emplacement.menee-01

Au poste de Claude, nous retrouvons Gérard le piqueur, complètement trempé et hors d’haleine. Mener les chiens dans ce terrain et cette végétation est une épreuve plus que sportive.
— Claude, qu’est-ce qui est monté vers toi ?
— Ah ! Je pense que c’est un sanglier. Les chiens sont venus jusque là. Ils menaient bien. Ils sont restés un moment à tourner devant, puis, ils ont fait demi-tour et ont repris la pente.
— De toute façon, les chiens n’aboient plus. Ils ont perdu la trace, c’est sûr. On va essayer de les arrêter et de les relancer.
Sitôt dit, sitôt fait. On saute dans le Lada, Georges, Gérard et moi. On détale au plus vite pour intercepter les chiens. De nouveau à trois devant, c’est maintenant Gérard qui se colle à la mauvaise place. Le GPS m’indique que les chiens, pour une fois ensemble, vont bientôt traverser le chemin sur lequel nous sommes.
— À combien ? Me demande Georges !
— Cent mètres devant. Ils arrivent sur la droite. Fonce, sinon on va les rater !menee-04
Dans la longue ligne droite en descente, devant nous apparaissent museau à ras de terre, un à un les quatre chiens. Ils furètent un peu à droite, puis à gauche comme pour retrouver une piste. La voiture est sur eux. Vite, s’éjecter et les accrocher par le collier avant qu’ils ne continuent leur course en sous-bois. Lorsqu’un chien chasse, tout à son affaire, il est impossible de l’arrêter ou de le faire revenir malgré les multiples appels. Nous avons de la chance. Ils ont perdu le pied et se laissent saisir sans problème. Les cages aménagées dans le coffre sont rouvertes et les chiens hissés dedans. En examinant le tracé sur le GPS, nous repérons l’endroit où le sanglier a dû sauter le chemin. Nous allons relancer les chiens de cet endroit.
(À suivre)

La partie de chasse (Le piqueur)

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Après le départ des véhicules, il y a un petit moment de flottement. Peut-être l’envie de savourer le silence revenu. À la barrière, nous ne sommes plus que trois. Georges le chef de battue, Gérard le piqueur et moi, sans oublier les chiens dans le Lada qui commencent sérieusement à s’impatienter. Georges étale sur le capot du véhicule un sac dans lequel il extrait quatre colliers GPS et une centrale de localisation. Il faut maintenant “habiller” chaque chien avec cet attribut électronique qui permettra de suivre leur parcours tout au long de la chasse. Le collier GPS représente une petite révolution pour le propriétaire des chiens. Les bêtes peuvent courir en toute liberté et aussi loin que possible en toute confiance. La crainte de perdre un chien est devenue inexistante. Il est possible de voir à tout instant où il se trouve, de visualiser son parcours ou de le masquer. Sur l’écran, un pictogramme affiche en permanence son activité. Chien en train de courir ou à l’arrêt. Il ne manque plus que l’indication du rythme cardiaque de l’animal et les calories dépensées. Heureusement, les bêtes ne se savent pas espionnées. Un numéro est attribué à chaque collier donc à chaque chien. Caneau aura le zéro, Ventoux le un et ainsi de suite. Les cages sont bien étudiées, une petite trappe permet de faire passer uniquement leur gueule pour leur poser le collier. Ça gesticule beaucoup dans la voiture. Géna tente de lécher le visage de Gérard qui ne semble pas lui témoigner la même affection. Éliott refuse de montrer sa tête. Ça gémi, ça aboie, ça peste, ça cogne contre la carrosserie. Georges crie un bon coup après les chiens. Le silence est immédiat ! Enfin, le haillon est refermé.le piqueur-02

À trois, on se serre à l’avant du Lada. Je me dévoue pour la mauvaise place. Je pose mon postérieur entre les deux sièges. Je ne sais pas exactement sur quoi je suis assis. J’ai une fesse dans le vide, le coccyx traumatisé par une partie contondante et la jambe bloquée contre le levier de vitesse. J’essaie de me tenir à la ceinture de sécurité côté chauffeur pour ne pas m’effondrer sur le tableau de bord. Je suis tellement compressé que mon bras droit est totalement immobilisé. On démarre. Georges essaie de passer la première :— Désolé de te caresser la cuisse, mais faut que ça passe !
Ça les fait rire ! Moi pas trop ! J’appréhende le moment ou on va rouler à fond sur le chemin plein de trous. Je serre les dents, mais surtout les fesses. On s’arrête 800 mètres plus loin au milieu des buis. Gérard descend et saisit son fusil.le piqueur-03 le piqueur-04Pendant ce temps nous délivrons enfin les chiens qui tournent quelques instants autour de nous pour uriner. Le piqueur remonte un sentier près d’un trou d’eau, en appelant les chiens. Ces derniers sillonnent au milieu des buis touffus à la recherche d’une odeur d’animal sauvage. Gérard les appelle pour les mettre sur le pied. En quelques instants bêtes et piqueur ont disparu dans l’épaisseur de la frondaison. Nous distinguons juste les grelots des chiens qui s’éloignent au fur et à mesure qu’ils prennent la pente. Avec Georges, nous montons inspecter le trou d’eau.
— Oh là là ! Regarde un peu le travail qu’ils ont fait. Il y  a eu de la visite ! Ils ont sorti presque toute l’argile du trou. Tu vois, les sangliers sont repartis par là. On voit bien les traces. Il me montre des branches basses toutes maculées d’argile grise encore fraîche.
Les sangliers sont bien venus cette nuit. Ils se sont baignés, roulés dans l’argile et frottés contre les chênes pour éliminer leurs parasites. Les nombreuses empreintes inscrites dans la glaise, sont autant celles des sangliers que celles d’un cerf qui a frotté ses bois contre un jeune arbre en arrachant toute l’écorce. Georges casse une petite branche de buis qu’il lance au milieu de la flaque.
— Comme ça, demain je saurai si quelque chose est passé cette nuit. De temps en temps, selon le vent, on perçoit par alternance le modeste son des clochettes. Je regarde le GPS et j’affiche le chemin que viennent de parcourir les chiens. Le chef de battue, au tintement des sonnailles et de leur direction n’est pas content :
— Les chiens semblent se diriger vers  Canaud. C’est pas bon ça. S’ils descendent dans la combe on est mal et pour les récupérer, on va encore rigoler. À tous les coups, ils vont remonter la pente de l’autre côté. S’il y a un sanglier devant les chiens, c’est ceux de Flassan qui vont tirer.
Sur le GPS, je constate que les chiens tournent en rond depuis quelques minutes. Soudain, l’un d’eux aboie distinctement :
— C’est Éliott ! me dit Georges, il a levé !
Les autres donnent immédiatement de la voix. Sur mon écran, le tracé est devenu plus rectiligne. Sans doute un sanglier est t’il vraiment devant les chiens. Finalement, ils n’ont pas sauté la combe. La chasse est lancée.
(À suivre)

La partie de chasse (La barrière)

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Depuis des années, le rendez-vous se fait au même endroit, au pied du Mont Ventoux, juste après quelques maisons et un restaurant fermé en ce mois de janvier.
Il y a là, une petite place arborée de panneaux d’orientation qui s’affichent fièrement en jaune pour des randonneurs inexistants. Une barrière métallique est ouverte sur un large chemin qui monte vers les pentes rugueuses ornées d’un épais massif forestier. Originalité suprême, le lieu de rendez-vous s’appelle “à la barrière”. Une dizaine de véhicules est déjà stationnée, alignés les uns derrière les autres. Beaucoup de pneus à tétines, comprenez par là beaucoup de véhicules tous terrains bordent le chemin. Du modeste Kangoo au gros Toyota, tout le monde est équipé pour affronter les terrains difficiles. Les gros 4×4 rutilants cependant, paradent plus qu’ils ne sont efficaces. Ils ne feront que quelques centaines de mètres incapables qu’ils sont d’accéder aux chemins étroits et défoncés.la barriere-05
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C’est là, autour d’un bon feu aux volutes humides et bleues que chacun se salue et se fait une place au milieu du groupe qui se referme au plus près de la flamme. Les discussions vont bon train, les blagues aussi. Le matin, comme ça, on y parle d’avantage de tout et de rien, des dernières nouvelles, de la météo, d’untel ou de tel autre, plutôt que de la chasse. Il est facile de se moquer de la volubilité des femmes, mais une équipe de chasseurs en verve, c’est tout aussi comparable. Les humeurs s’expriment ici librement. On se moque des petits que l’on traite de nains, on apostrophe les retardataires, tout est prétexte à raillerie en bonne camaraderie bien entendu. Les “mis en cause” cherchent une parade et la réponse ne tarde pas à fuser comme une banderille acérée. Les amitiés viriles ne s’embarrassent pas de délicatesses. Qui aime bien châtie bien. En hiver, pendant la période des fêtes, Rémy devient le meilleur ami de toute l’équipe. Qui donc prendrait le risque de “charrier” l’ancien boulanger qui réalise des couronnes des rois succulentes, qu’il apporte encore tièdes à chaque rendez-vous de chasse. Elles font le délice de tous les gourmands.
Georges, en tant que chef de battue intervient :
— Allez, venez signer le cahier !
Les uns après les autres, maugréant, se bousculant avec quelques éclats de voix, la file s’organise et tous signent le “cahier de battues”. L’émargement atteste que chacun a pris connaissance des consignes de sécurité, des recommandations particulières…Il sera noté sur ce cahier le lieu de chasse, le nombre de chasseurs, l’auteur du tir, le poids de chaque animal tué etc. C’est le chef de battue qui est responsable de l’équipe et du moindre incident. Georges définit à chacun son poste selon les traces du gibier, relevées la veille ou le matin très tôt. Cette observation, permet de délimiter le périmètre de chasse où les sangliers sont susceptibles de se trouver.
— Pierre, lui, il va à la “Russe”. André, toi tu montes à la palette, tu laisses ta voiture au gros pin, juste en dessous. Richard, je vais te mettre…eh bien tiens, toi Richard, tu te postes juste après “la bosse”. Ils y passent bien là !
— C’est où ça ?
— Comment ça depuis le temps que tu chasses, tu ne sais pas où est la “Bosse” !!! Mais, c’est pas vrai ça, j’ai une équipe de bras cassés. Entre ceux qui partent à 11 heures pour jouer aux boules, ceux qui n’entendent rien, ceux à qui il faut une demi-heure pour se placer, ceux qui sont toujours au téléphone ou qui ne reconnaissent pas les chiens…Les chiens, allez au moins les voir dans la voiture pour les reconnaître quand ils vous passeront devant. Oh ! Mais, vous êtes sûr de vouloir chasser !!!
Inutile de chercher la “Bosse” ou la “Russe” sur une carte, vous ne trouverez rien. Les postes sont baptisés en fonction des besoins ou des anecdotes vécus par les chasseurs ou les gens du coin. Où untel aura vu un beau sanglier avec un superbe arrière train nommera l’endroit “Brigitte Bardot” ou “Kim Kardashian”…selon ses références “culturelles”.la barriere-04
Le chef fulmine, fait entendre sa grosse voix, mais pour rien. Ses remontrances ne font que se dissoudre dans l’air, sans provoquer le moindre émoi. Sous son aspect bourru, Georges est une bonne “pâte” et tout le monde le sait.
— Allez, au lieu de raconter vos conneries, allez vous placer !
Le signal est donné et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, les voitures démarrent en  s’éparpillant comme un vol de moineaux. Chacun se dirige vers son poste de chasse. À la barrière dans le calme revenu, le feu continue de consumer quelques branches en craquant de façon sporadique.
( À suivre)

La partie de chasse (Le Lada)

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Malgré la fraîcheur qui s’incruste ce matin au pied de la combe de Curnier, le vieux Lada 4×4 a démarré au premier tour de clé.
Aujourd’hui, c’est jour de chasse et comme d’habitude, la petite voiture russe va en voir de toutes les couleurs pendant toute une matinée. Habituée des parcours défoncés, elle connaît toutes les traîtrises des pierres roulantes, la sournoiserie des racines effleurantes et le danger des flaques d’eau boueuse, toujours prêtes à balancer le véhicule dans un cèdre placé trop près du chemin. Les buis ont depuis longtemps apposés en longue griffes rectilignes, leur signature sur chaque partie de la carrosserie.
Au premier ronflement du moteur, les chiens juste à côté, dans leur chenil, ont commencé à aboyer. Ils ont compris que l’heure est venue pour eux de sillonner les pentes du Ventoux, la truffe pointée au ras du sol, sur la trace du gibier.
depart maison-05Dans le chenil, c’est une véritable cacophonie qui redouble de fureur dès que la voiture s’approche des enclos grillagés. D’une voix ferme et autoritaire, Georges impose le silence aux bêtes particulièrement excitées. Georges connaît bien les chiens. Ce sont les siens. Sa passion, c’est la chasse au sanglier et cette passion ne peut se passer de bons chiens. Ce matin, Éliott, Géna, Ventoux et Caneau sont les heureux élus sur les 24 chiens présents au chenil. Pas de hasard dans ce choix. Chaque animal est choisi en fonction de ses qualités spécifiques. L’un aboie d’une voix forte et rauque facile à identifier au plus profond d’une combe ou d’un vallon. Cet autre est persévérant derrière un sanglier et ne change pas de trace pour celle d’un chevreuil. Ces deux là ont l’habitude de chasser ensemble et font la paire pour plus d’efficacité.
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Ainsi l’équipée de ce matin est une complexe association de races et de croisements. Chien Porcelaine, Grand Bleu de Gascogne à la grande taille et pas trop lourd, Fauve de Bretagne parfois réticent à l’appel. De plus, il faut ménager les bêtes qui ont participé à la précédente chasse. L’enthousiasme des chiens ne doit pas faire oublier qu’un animal sauvage tel que le sanglier, est habitué à une vie rude et que sa résistance à l’effort ainsi que son intégration dans la nature lui sont particulièrement favorables.
Georges a relevé le haillon du 4×4 et dégagé les portillons des deux cages situées dans le coffre. Prestement, les chiens sortis de leur enclos s’engouffrent dans le véhicule.
Le haillon refermé, je prends place côté passager je serai co-équipier. Et hop, direction le lieu de rendez-vous des chasseurs. Dans le véhicule, il ne faut pas avoir le nez trop sensible. Ça sent le fauve et pas qu’un peu. Lorsque certains chiens se libèrent, il faut choisir : descendre la vitre et se prendre l’air frais du matin en pleine face ou succomber à l’asphyxie.
(À suivre)

La citadelle de Port-Louis.

Le premier pont et la première porte de la citadelle.

Le premier pont et la première porte de la citadelle.

Après avoir passé deux ponts puis deux portes fortifiées, on pénètre enfin dans l’austère citadelle de Port-Louis. C’est marée basse, mais on comprend vite l’intérêt stratégique de cette défense en bout de presqu’île. Commandant l’entrée de la rade de Lorient, l’ouvrage se présente sous un plan rectangulaire bastionné aux angles. À marée haute, la citadelle est entièrement isolée par la mer qui vient écraser ses vagues contre les hautes murailles. Pendant les guerres de la ligue, catholiques et protestants s’affrontent partout en France. Le gouverneur de Bretagne, le Duc de Mercœur expulse les protestants, partisans du futur Henri IV retranchés dans la ville de Blavet (nommée Port-Louis désormais). En 1590, trois mille Espagnols conduits par Don Juan Del Aguila viennent soutenir le duc,  mettent à sac la ville et massacrent les habitants. Don Juan Del Aguila relève les retranchements de la ville tout en posant la première pierre d’une forteresse qu’il baptise de son nom “fuerte del aguila” (le fort de l’aigle).

Avant de franchir la deuxième porte.

Avant de franchir la deuxième porte.

En 1598, le traité de Vervins met fin à l’occupation espagnole, les Etats de Bretagne demandent alors la démolition de la citadelle. Mais la destruction de celle-ci ne sera jamais complète. Deux bastions, une courtine, les piles du pont, les casernes, deux corps de garde et la chapelle restent érigés.
Après l’assassinat d’Henri IV, quelques insurgés, en juin et juillet 1610 commencent à rétablir le fort. Mais les années suivantes sont l’objet de bien des hésitations sur son édification. La citadelle est reconstruite entre 1618 et 1621, lorsque Louis XIII décide de donner à Port-Louis le statut de ville royale. L’aspect actuel de la citadelle date de cette époque et malgré les apparences, on doit peu de chose à Vauban si ce ne sont les édifices construits dans la basse-cour (arsenal et parc à boulet) à une date plus tardive.

Le plan de la citadelle. Une inspiration des fortifications Vauban.

Le plan de la citadelle. Une inspiration des fortifications Vauban.

En 1666, la Compagnie des Indes Orientales s’implante dans la rade de Port-Louis. La ville de Lorient se crée à cette époque, et la citadelle, comme poste avancé dans la défense de la rade est considérée comme une protection suffisante contre une attaque venue de la mer. Les quelques modifications qu’elle subit pendant cette période lui permettent de soutenir un siège : citernes, puits et jardins potagers sont aménagés au XVIII ème siècle.

Jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale (elle est contrôlée par les Allemands de 1940 à 1945) la citadelle sert à la défense de la rade, puis elle est affectée à la surveillance du trafic maritime. Les derniers militaires quittent les lieux en 2007. Aujourd’hui, la citadelle abrite le musée de la Compagnie des Indes, le musée de la Marine, le musée des Armes, la donation Franck Goddio dédiée aux “Trésors des Océans”, ainsi qu’un important espace dédié au sauvetage en mer.
Le long des murailles, sur les bastions du fort, les goélands ont élu domicile et nichent en toute quiétude, sans se préoccuper des visiteurs. Les voiliers en fin d’après-midi, tirent quelques bords pour rejoindre Lorient, là-bas au fond de la rade, sous la protection superflue des lourds canons de fonte qui se décomposent inexorablement au gré des intempéries.

Le lac de Guerlédan

le barrage de Guerlédan entièrement découvert en mai.

le barrage de Guerlédan entièrement découvert en mai.


Le lac de Guerlédan à la limite du Morbihan et des Côtes d’Armor, allait être vidé afin de procéder à un minutieux examen technique du barrage du même nom. La vidange d’un lac, d’un étang ou de toute autre étendue d’eau maîtrisée par l’homme, est toujours un moment extraordinaire. La pratique attire bien toujours une foule très curieuse.

Aujourd’hui, avec une campagne media d’importance nationale, plaçant l’assec du lac sous le signe d’un événement exceptionnel et rare, il fallait vivre hors du temps pour ignorer la chose. L’idée de barrer le canal de Nantes à Brest au niveau de l’écluse de Guerlédan est imaginée dès 1921. Il faudra près de dix ans pour édifier le barrage et son inauguration se fera le 12 octobre 1930. Ainsi formé le lac stoppe l’activité des carrières de schiste et immerge les abris de carriers, de nombreuses écluses (17) et plusieurs maisons d’éclusiers. Depuis son inauguration, le lac avait été mis à sec par deux fois. En 1975 et 1985, plus deux millions de visiteurs s’étaient pressés pour découvrir la vallée engloutie.

En avril de cette année 2015, l’ouverture des vannes est décidée. L’eau s’écoulera pendant un mois jusqu’à l’assec complet du lac au mois de mai. Le Blavet retrouvera son lit ancestral et la vallée de Guerlédan se découvrira figée par trente ans de silence et d’obscurité.

Avant d'emmener des visiteurs, notre guide inspecte le circuit au fond du lac.

Avant d’emmener des visiteurs, notre guide inspecte le circuit au fond du lac.

L’occasion est trop belle pour visiter le site et prendre quelques immortelles photos. C’est décidé, on ira ce jour à Guerlédan. La météo nous annonçait une belle journée ensoleillée. Ça sera une belle journée bretonne, c’est à dire grisaille et petit crachin. Routes interdites, circulation automobile canalisée par des circuits aux couleurs vives, tout est organisé pour un débarquement en masse. La dimension des parkings, tracés à même les champs avoisinants (qui devaient produire il y a quelques semaines encore patates, artichauts ou céréales), ne me rassure pas plus. En cas de pluie persistante, le terrain risque de se transformer en véritable bourbier, duquel il sera délicat de sortir la voiture. À partir du parking, trouver le point de départ des visites du site est d’une facilité enfantine. Il suffit de suivre, comme un fil d’Ariane, le petit chemin bien marqué par les milliers de pédestres qui nous ont précédé le week-end dernier.

Nous ne serons que six à nous présenter à l'ouverture des visites.

Nous ne serons que six à nous présenter à l’ouverture des visites.

Le propriétaire va pouvoir récupérer son canoë...

Le propriétaire va pouvoir récupérer son canoë…

Attention danger. Les fonds sont encore très liquides et la vase atteint 1,20 mètres à certains endroits.

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La vase commence à sécher.

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Les berges encore très liquides du Blavet semblent si douces.

Des jeunes filles transies dans une cabane cubique attendent les premiers visiteurs et se présentent comme guides. Nous attendrons une petite demi-heure dans le vent, le froid et la bruine qu’un groupe se forme. Loin de la “populace” que je craignais, nous sommes six à enfiler des chasubles orange fluo marquées EDF. Une façon de ne pas perdre un visiteur au fond du lac, mais surtout le moyen de repérer les resquilleurs qui profitent des explications d’un guide sans  concéder la moindre obole. Je m’embrouille un peu avec la chasuble, les sangles du sac à dos, celles de l’appareil photo et la capuche du K-Way. À hauteur du barrage, je suis impressionné par la profondeur du site et par le degré de pente de la vallée découverte. Le niveau du marnage est marqué par une nette différence de couleur de la roche. Quarante mètres plus bas, le Blavet coule paisiblement bordé par des rives molles et brillantes chargées de vase olivâtre. Quelques arbres comme pétrifiés, tendent encore  leurs branches vers l’espace enfin découvert. Il règne un calme impressionnant, étrange.
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On n’entend aucun oiseau et nul d’entre eux ne survole la profonde dépression. La question fuse parmi le groupe : “— Et les poissons où sont-ils ?”. C’est vrai ça ! Que sont-ils devenus ? Le lac contenait 20 à 30 tonnes de poissons dont 4 à 5 tonnes de carnassiers qui ne pouvait pas survivre à cette vidange totale.

Les plus beaux spécimens, surtout les reproducteurs ont été transportés dans les plans d’eau les plus proches. Par ailleurs, plus de 200 kg de poissons de la vidange du lac, ont été vendus au public à Mûr-de-Bretagne. Une fois le site remis en eau, 13 tonnes de poissons sont prévus pour le rempoissonnement. Les pêcheurs devront attendre 2 ans avant de plonger leur ligne dans les eaux de Guerlédan. Notre jeune guide nous abreuve de chiffres. Tant de tonnes de ciment pour le barrage, tant de milliers de kilowattheures gagnés en énergie, et une énumération de dates des “temps anciens”. Autant de précisions que ma mémoire oublie immédiatement puisque tout ce qui ressemble à un chiffre m’est particulièrement indigeste. Moi, ce que je veux, c’est descendre au fond du “puits”. Là-bas, au plus proche de l’humide qui scintille. À pas comptés, nous descendons vers le Blavet en contrebas par un chemin en forte pente. Je félicite la guide pour le tracé du circuit. Celle-ci me réplique que tous les chemins visibles et notamment celui que nous empruntons, datent de l’époque à laquelle les habitants se rendaient dans la vallée. L’eau n’a fait que conserver en l’état tous les sentiers existants.

Le bateau langoustier coulé pendant la guerre par la RAF.

Le bateau langoustier coulé pendant la guerre par la RAF.

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La vase se pare d’une peau reptilienne.

Au plus bas, et sur la droite, à l’entrée d’une entaille profonde dans la gorge rocheuse, une épave se dévoile mi-enfouie dans la vase. Ce bateau langoustier  qui mena une vie tranquille au gré des visites officielles, fut réquisitionné par l’armée allemande pendant la guerre, et servit à la surveillance du barrage. Attaqué par la RAF en 1943, il repose désormais par plus de 40 mètres de fond sur l’ancien lit du ruisseau de Poulham. La visite est terminée. Au “Rond Point du Lac”, nous n’en verrons pas plus.

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Le nettoyage du lac ne s’est pas fait partout avec application.

Les visites sont interdites sous le niveau de marnage du lac en raison d’une part du risque d’enlisement (plus de 1,20 m de vase liquide), et de la dégradation du site par des visiteurs pas toujours là pour profiter des paysages spectaculaires. La saison estivale séchera peu à peu les berges aqueuses du lac. De la vase craquelée, émergera une végétation rase qui s’étendra en un somptueux tapis vert tendre. Pour l’heure, nous sommes déçus et nous restons sur notre faim. Sur les recommandations d’un connaisseur, nous filons à  l’anse de Trégnaton où la vue en surplomb est magnifique. Le regard embrase un vaste panorama. Mon attention est tout de suite captée par les traces de constructions et la présence d’anciennes maisons émergées qui contrastent par leurs formes géométriques dans le paysage sirupeux. Tout est parfaitement conservé, figé dans le temps. Une dénivellation dans le terrain a créé une petite cascade qui entraîne sur quelques mètres la rivière dans une course accélérée. Ce sera le seul mouvement de vie visible et auditif au fond de la vallée. Je descends de quelques mètres pour m’approcher des anciennes exploitations d’ardoises. Les trous béants (70 m de profondeur) sont bien là, comme des bouches voraces, insatisfaites ou à la recherche d’oxygène…ou prêtes à avaler un malheureux visiteur ! D’habitude cachées sous les eaux, elles conservent toute leur mystérieuse noirceur. Et bien fou celui qui tenterait de s’y aventurer. De part et d’autre, des cuvettes retiennent encore un peu d’eau croupie. Sous l’action de la chaleur, les bords de ces petits cratères se fendent dans une géométrie inattendue. La vase étend une palette de couleurs incroyables allant du blanc au rouge comme le témoignage d’une inflammation sur une peau monstrueuse.

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Des cuvettes d’eau croupie, finissent de s’assécher.

Les légendes vont bon train à propos du lac de Guerlédan. Sa forme de dragon a sans doute contribué à enflammer les imaginations. Mais, point de village englouti ou de clocher dont on pourrait entendre parfois, par une nuit sans lune, le sombre tocsin. À propos des temps historiques certains évoqueront Konomor (VIè siècle), effrayant Barbe Bleue breton qui tuait ses épouses successives dès qu’elles accouchaient. Puis de l’horrible Hervé de Kerguézangor seigneur de Ville-Audrain et de Mûr-de-Bretagne qui au XVIè siècle, rançonnait, pillait, violait tout ce qui circulait dans la région. Il s’empoisonnera pour échapper à la justice et sa femme sera décapitée en 1570 à Rennes. Plus proche de nous, on parle aussi d’un crime dans une des maisons du lac. En 1900, un règlement de compte entre carriers de l’époque qui extrayaient le schiste ardoisier provoqua l’émoi dans la région. Un contremaître fut tout simplement saigné comme un porc et dépecé sur une planche.

Une vue générale depuis l'anse de Trégnanton.

Une vue générale depuis l’anse de Trégnanton.

Novembre 2015 marquera le début du remplissage de la retenue d’eau par le débit naturel du Blavet. Il faudra plusieurs mois avant que le lac ne retrouve son niveau habituel. La centrale hydroélectrique sera remise en service début 2016. Une fois rempli, Guerlédan retrouvera sa forme de dragon chinois et les randonneurs continueront de suivre sa berge torturée en ayant parfois l’impression de revenir sur leur pas. La base de loisirs s’animera de nouveau bruyamment. Les travaux effectués sur le barrage permettront désormais à EDF d’inspecter l’édifice en toute sérénité sans procéder à la moindre vidange. 2015 est donc un événement exceptionnel, l’année ultime pour voir une dernière fois le spectacle de la vallée engloutie. Il reste encore quelques mois pour en profiter.

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Virginie Jeanne, maroquinier.

01_virginie_07_14Virginie Jeanne est un petit bout de femme à l’air jovial, aux cheveux rouges (et oui, sa coiffeuse a un peu raté sa couleur me dit confie t’elle). Ne vous méprenez pas, malgré son allure de jeune fille, cette charmante jeune femme de 47 ans est la maman de 2 grands garçons de 19 et 21 ans.

Installée au calme dans la campagne Cotentinoise, tout près de Coutances, Virginie m’explique que depuis toujours elle aime le cuir. Elle a de qui tenir puisque son père anciencordonnier, bottier, maroquinier, patronnier et orthopédiste (ouf !) a fait naître sa passion dès le plus jeune âge. D’ailleurs aujourd’hui encore, ce papa lui rend visite de temps à autre dans son atelier. Viendrait-il s’assurer que sa fille met en œuvre ses bonnes recommandations ? À moins que la nostalgie de l’atelier, de ses odeurs de cuir, du bruit mécanique de la machine à coudre ou l’odeur de la colle ne soit encore très présente chez le vieil artisan.
Virginie Jeanne se consacre donc au travail du cuir en concevant et en réalisant des produits originaux. Sacs à main, porte-monnaie, objets de décoration, bijoux en cuir et tissus.
“— Mon produit phare c’est le cartable porte-monnaie. Tout est fait maison. Chaque produit est personnalisé. J’essaie toujours de mettre un petit truc en plus.”
La matière première du maroquinier, c’est le cuir bien sûr. Des peaux que Virginie va chercher directement dans les tanneries. En France, ces entreprises se font de plus en plus rares. Virginie revient justement d’une tannerie située à Toulouse d’où elle a ramené de la chevrette et de la vache. Elle recherche des cuirs au traitement très souvent particulier, ce qu’elle appelle des cuirs “hollé, hollé”. Des peaux aux couleurs actuelles, teintes pastel, à l’aspect moiré, argenté, doré, ou des surfaces frappées de motifs.
“— Je choisis toujours mes cuirs au toucher. Je caresse le cuir pour sentir le grain. Mais, c’est par le visuel que je fais ma première sélection. C’est avec les mains ensuite que je sens la qualité de la peau, ses défauts, sa souplesse. Il y a toujours des petits défauts. Je n’achète pas les grandes peaux que les maroquineries de luxe recherchent. Une peau qui a un petit défaut, je m’en arrange. À moi d’en tirer parti. Comme disait mon père :
“— tout ce qu’on ne peut pas cacher, on le montre.”
02_virginie_07_14Dans l’entrée de l’atelier, des peaux roulées, de toutes les couleurs rangées sur un présentoir, s’offrent au choix du futur client ou du visiteur curieux.
Dans l’atelier, trois belles machines à coudre occupent au moins la moitié de la pièce. Le reste est occupé par une grande table de travail où, dans des casiers de cuisine bien propres, sont rangés des outils patinés par des années d’utilisation.
“— Je me sers beaucoup des outils de mon père. Et puis, j’utilise tout ce que je trouve pour parvenir au résultat. La maroquinerie que je pratique, c’est aussi beaucoup de bricolage…de la débrouille.”
03_virginie_07_14 04_virginie_07_14Pour la démonstration, Virginie sort le patron d’un cartable porte-monnaie réalisé dans un plastique un peu rigide. À l’aide d’un crayon argent, elle trace à même le cuir la forme du modèle.  Des repères sont reportés sur la peau. Ils serviront ultérieurement à positionner la poignée par des rivets, le petit fermoir métallique…
05_virginie_07_14 La découpe se fait au chasse-peau sur une plaque de zinc.
“— Je n’utilise jamais le cutter pour découper mes peaux. Je préfère cet outil de mon père que je réaffute de temps en temps. La lame est plus rigide. Je risque moins pour les doigts. Quoiqu’il me soit déjà arrivé d’y laisser un peu de peau au passage.”
Des petits outils apparaissent au fur et à mesure de la découpe. Celui-ci pour arrondir les coins, celui-là en forme d’emporte-pièce pour découper d’un unique coup de maillet une languette parfaite.
08_virginie_07_14Suite à la découpe, le bord du cuir est passé à la flamme afin d’éliminer les petites peluches. Chaque bordure est ensuite teintée à l’aide d’une couleur liquide qui sent bon l’amande, comme les petits pots de colle blanche font ressortir les souvenirs de notre enfance. Aujourd’hui, ça sera du noir pour ce cuir rouge. Demain, selon l’humeur de Virginie et la peau choisie, ça sera peut-être blanc ou tout simplement laissé au naturel. Une obsession du travail bien fait jusque dans les moindres détails. Ces petits détails qu’un client attentif, ne manquera pas de remarquer.
Le montage des différentes pièces de cuir, sont collées avant d’être consolidées et enjolivées par la couture.
10_virginie_07_14
11_virginie_07_1412_virginie_07_14C’est sur la vieille machine à coudre Singer des années 30/40 que Virginie fait un essai afin de régler le pas de couture. Machine à coudre spéciale “cordonnier” avec un bras très long pour coudre les tiges des bottes et confectionner les chaussures. Cette Singer à haute performance, travaille avec une extrême précision et une grande finesse, à tel point qu’il est possible de coudre de la mousseline sans aucun problème. La hantise de l’artisan, c’est la casse d’une pièce. Les pièces de rechange sont désormais difficiles à trouver. Refaire des pièces par usinage reviendrait beaucoup trop cher, sans doute plus cher que la machine à coudre elle-même.
Après l’assemblage des pièces de cuir, il faut maintenant parachever les finitions. Pour faire un “tuck” (petit fermoir métallique), il faut 4 pièces. Virginie plonge la main dans la mallette à casiers ou généralement les bricoleurs rangent clous et vis.
14_virginie_07_14 15_virginie_07_14 16_virginie_07_14L’anse est rivetée sur le porte-monnaie. Avec la pince à monter, Virginie met en place la fermeture. Le cartable porte-monnaie est maintenant terminé.
Avec toutes ces manipulations, le cuir s’est un peu déformé (frisé aux coutures). Une bonne journée sous la presse lui redonnera toute sa forme originale.
Le petit cartable ira rejoindre les nombreux autres modèles déjà réalisés et prêts à la vente que l’artisan expose un peu partout dans le Cotentin.
17_virginie_07_14 18_virginie_07_14Avant de se quitter, Virginie me désigne une grande malle en bois ayant appartenu à son père. Avec précaution comme un coffre révélant quelque secret, elle me montre des patrons de chaussures (même un modèle de chaussures de clown), dessinés au dos de papiers de récupération, comme on le faisait autrefois pour économiser le beau papier. 19_virginie_07_14 20_virginie_07_14Elle plie et déplie les gabarits en papier jauni, caresse avec douceur les croquis annotés au stylo bleu. Toute la vie d’un homme se trouve là, consignée dans ce coffre en bois. C’est l’émouvant passage de témoin d’un artisan cordonnier à sa fille pour que vive encore longtemps le monde de la création, l’harmonie de l’intelligence de la main et de l’esprit.

Virginie Jeanne
Maroquinerie du Cotentin
Création, réparation, travail sur mesure
9 rue de Hotot
Saint-Georges-de-Bohon
50500 Terre-et-Marais
Normandie
France

Tel : 02 14 14 78 69
Tel : 06 67 28 32 40
Site commercial :
http://maroquineriecotentin.fr

 

 

 

 

 

Imprimerie Idem Paris

On m’a dit, “tu verras, l’atelier est exceptionnel, tout à fait dans l’esprit des entreprises du 19 ème siècle”. 

L’accès à l’imprimerie est pourtant bien banal. Il faut être averti et lever les yeux vers le ciel à l’entrée du passage pour remarquer un fronteau noir et lettres d’or qui signale “E. Dufrenoy. Imprimeur – Lithographe”. Le 49 rue du Montparnasse ne paie pas de mine, coincé entre deux crèperies, j’hésite presque. Est-ce bien là ce lieu mythique dont on m’a tant vanté l’atmosphère authentique. Au plus profond du porche, pas de sonnette, une simple porte en tôle peinte en vert. Une porte qui sonne comme un “gong” quand on la referme un peu trop vivement.

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La rumeur de la rue du Montparnasse disparaît soudainement. Je suis dans une petite cour intérieure. Quelques maigres plantes s’épanouissent sous la belle lumière d’une matinée ensoleillée. Une presse à bras semble en attente, des rames de papier sur des palettes, obstruent un peu le passage. Tout de suite le ton est donné et le caractère des lieux est fortement affirmé. Sur les murs, épinglées, de vieilles affiches finissent de se dégrader lentement à la lumière. En m’avançant de quelques pas, j’ai brusquement changé de siècle. Dans le petit couloir qui mène à l’atelier baigné de clarté, de grandes pierres lithographiques reposent sur le champ. Me voilà au cœur de la très célèbre imprimerie d’art Idem. C’est ici, que les plus grands artistes du monde entier se sont croisés et se donnent encore rendez-vous quand il s’agit de réaliser leurs éditions lithographiques.

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L’atelier a été construit en 1880 par Émile Dufrenoy qui y installa ses presses lithographiques. Le bâtiment de 1.400 m2 comprend au rez-de-chaussée, sous une verrière des Voirin et Marinoni (dont une Marinoni 120×160 cm acquise en 2013). Au 19 ème siècle, les presses étaient actionnées par un système de poulies et de courroies mues par un arbre de transmission. Une chaudère à vapeur alimentée au gaz, fournissait l’énergie nécessaire. Aujourd’hui encore, dans les hauteurs de l’atelier, d’anciennes poulies témoignent de cette dynamique à vapeur.
Les imprimeries Michard, spécialisées dans les cartes géographiques occupèrent ensuite les locaux à partir des années trente jusqu’aux années soixante-dix. La célèbre imprimerie Mourlot s’y installa en 1976. Fernand Mourlot annonça le renouveau de la lithographie et séduisit les plus grands maîtres de l’époque (Picasso, Matisse, Chagall, Miro, Braque, Giacommetti et tant d’autres…). Une grande effervescence créatrice devait imprégner le site. Bien des artistes du 20 ème siècle trouvèrent en ces lieux les hommes de métier qui surent, par la pierre et l’encre célébrer leurs œuvres. L’atelier de la rue du Montparnasse est le dernier que Dufrenoy ait occupé et où se trouvent les fameuses presses qui ont imprimé tous les chefs d’œuvre de la lithographie moderne. En 1997, l’imprimerie Mourlot, changera de nom et s’appellera désormais l’imprimerie Idem.

Les presses sont impressionnantes. Chacune est une harmonie faite d’un acier noirci par le temps, de pièces brillantes, lustrées par plus d’un siècle de manipulation. C’est un assemblage fantastique de rouages, de barres, de manivelles aux fonctions mystérieuses pour un néophyte. Ce sont des monstres d’acier qui grognent, remuent, s’animent soudainement et par à coup en propageant un souffle inhumain.

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On pourrait s’attendre à rencontrer de vieux messieurs aux binocles posés négligemment sur le bout du nez tant l’empreinte des siècles passés impose sa marque. Pas du tout ! La petite équipe de professionnels qui entoure la presse en action est particulièrement jeune. Les commandements sont clairs, les gestes précis. Ils sont au moins quatre aux petits soins de la machine et à l’écoute de l’artiste présent.
Il faut non seulement une grande compétence technique, mais aussi un “œil” artistique, le tout enrobé d’une bonne dose de patience et d’humilité, pour répondre parfois aux exigences des “auteurs”. Tout en faisant mes photos, je bavarde avec l’un, avec l’autre j’essaie d’en apprendre un peu sur ce métier et cette technique que je connais mal.

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La lithographie est un procédé d’impression à plat qui repose sur le principe de répulsion de l’eau et de la graisse. On dessine sur une pierre calcaire non poreuse à l’eau, à l’aide d’un crayon ou d’une encre grasse dite lithographique. Les parties non dessinées sont recouvertes d’une solution de gomme arabique légèrement diluée d’acide nitrique. On laisse agir jusqu’à ce que la pierre n’émette plus de bouillonnements, on essuie et on passe une solution de gomme neutre. La graisse du crayon lithographique et le calcaire se sont combinés, formant une pellicule très adhérente délimitant les zones imprimées. Les pores de la pierre s’ouvrent sous l’action de l’acide fixant la gomme neutre qui retiendra l’eau. Après avoir laissé reposer la pierre, on lave à l’eau l’excès de gomme et à l’essence l’excès de graisse, on laisse sécher. La pierre est alors mate dans les blancs gommés et brillante dans les gras. Pour faire les essais de tirage, on mouille la pierre, on encre le rouleau qu’on passe régulièrement sur la pierre. L’encre grasse se dépose sur les parties dessinées, grasses.

Lorsque le tirage d’une œuvre est terminé, la pierre est nettoyée et “égrenée” par un ponçage manuel comprenant un mélange d’eau et de quartz calibré. Il sera ensuite possible de créer un nouveau dessin sur la surface parfaitement lisse et de recommencer la procédure d’impression.

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Mais, l’atelier Idem ne se contente pas de marcher sur les terrains uniquement connus et balisés. Aujourd’hui, diverses techniques sont introduites dans l’atelier. Notamment une technique innovante sur matrice d’aluminium gravée au laser et imprimée en lithographie. C’est la technique de l’alugraphie (développée par Erwann Galivel, le responsable de l’atelier) qui est mise en œuvre ce matin pour un artiste issu de l’univers du “graff”. L’impression directe sur plaque d’aluminium semble poser problème… et le “bon à tirer” est loin d’être acquis pour l’instant. L’alugraphie, permet cependant de réaliser des tirages photographiques avec des encres lithographiques composées spécialement pour une œuvre. Huit passages et plus sont souvent nécessaires pour obtenir un résultat parfait.

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Sur les murs sont accrochés les grands tirages d’essais de David Lynch, fraîchement passé à l’atelier. Les pierres stockées contre les murs portent encore le graphisme d’une œuvre éphémère de JR. La liste des artistes qui vont et viennent ici est tout simplement incroyable. L’espace respire la liberté et la créativité que l’art à toujours su insufler partout ou il est présent. Je souhaite très sincèrement qu’un endroit comme celui-ci, aussi inspiré qu’inspirant puisse continuer à vivre dans l’avenir

Merci à toute la sympathique équipe (Patrice Forest, Erwann Galivel, Em-Khindelevert, Robin Marti, Patrick Pramil (bonne retraite), Mathilde Roussel, France Suzaine, Soukaloun Thoune…).
Merci à ceux avec lesquels j’ai pu échanger et à ceux que j’ai seulement croisés.

Imprimerie Idem Paris
49, rue du Montparnasse
75014 Paris.